En sortant de Kankan Nabaya, après les festivités reportées de la fête des indépendances, le Professeur Alpha Condé doit rapidement convoquer l’ambassadeur des États Unis d’Amérique auprès de la République de Guinée pour des explications et des excuses sérieuses.
Le Professeur Alpha Condé doit parler au nom des guinéens et au nom de tous les africains et même au nom de la Nation sœur d’Haïti. Il doit le faire en tant que Président d’une Nation souveraine qui a vu son peuple insulté par le Président d’une autre Nation souveraine. Il doit le faire en tant que Président de l’Union Africaine, l’une des organisations continentales la plus importante du Monde.
Qu’ont-il conseillé au Professeur Alpha Condé ? Qu’est-ce que le Ministre des Affaires Étrangères et les diplomates guinéens lui ont-ils dit ? Que lui ont conseillé ses conseillers stratégiques à la Présidence ? Que lui ont-ils conseillé ses Ministres même les plus éloignés ? Se taire ?
Pourquoi il ne dit mot ? Nos diplomates, pourtant expérimentés, n’ont-ils pas été réactifs à lui faire le contenu d’une intervention mesurée et ferme qui resterait historique ? Pourquoi se tairait-il ? Il préférerait, par le silence, donner raison au Président des États Unis d’Amérique que les africains sont vraiment de la merde ? Pourquoi il se tairait ? Par peur de perdre des gros financements annoncés ? Pourquoi il se tairait ? Il n’a pas à se taire.
Il ne s’agirait pas de parler, dans ce contexte, pour afficher la folie supposée de l’actuel Président des États Unis d’Amérique. Il ne s’agirait pas non plus d’étaler sa tare de la connaissance de la complexité de l’histoire et des relations internationales. Il ne s’agirait pas d’évoquer simplement sa quête systématique de se faire voir en permanence communément appelé faire “le buzz“. Il ne s’agirait pas de réactualiser son incapacité à tenir plus de deux minutes un échange intellectuel et politique.
Il s’agirait d’incarner la grandeur des peuples jadis colonisés qui tracent, aujourd’hui, leur chemin de développement, et qui se retrouvent, à nouveau, maltraités par les propos d’un homme au cerveau déshydraté. Il s’agirait de s’inscrire dans le sillage des lignes défendues des pères des indépendances africaines et des grands intellectuels qui avaient tant démontré – à l’époque – que malgré la jeunesse de nos États et la lourdeur de l’Histoire de nos vies exploitées, l’Homme africain sait rester digne.
Il s’agirait de parler pour ne pas s’effacer dans un silence qui caricaturerait le Professeur Alpha Condé de complicité. Il doit être le premier à le faire pour mériter la confiance des chefs d’État et des africains qui l’ont hissé à la tête de l’Union Africaine. Il s’agirait d’incarner la Guinée et l’Afrique. Il s’agirait d’incarner une parole forte.
Paris, le 13 Janvier 2018
Alseny SOUMAH