Censure

La chronique de Mamadou Dian Baldé/Entre les émeutes anti délestages et l’épouvantail du SLECG : Le pouvoir sur le fil du rasoir

Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce  dimanche, à la moutarde qui monte au nez de la population, confrontée à des coupures intempestives de courant, et au spectre d’une « année blanche ». Cette chronique est servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».

Talibé Barry : Bonjour Mamadou Dian, votre chronique de ce matin s’intitule  « Entre les émeutes anti délestages et l’épouvantail du Slecg, le pouvoir sur le fil du rasoir » 

Mamadou Dian Baldé : Comme il fallait s’y attendre, la capitale est en train de renouer avec ses vieux démons. Avec des émeutes anti délestages enregistrées çà et là. La situation se corse pour le pouvoir, qui a du mal à faire face à ces convulsions sociales.

Pour justifier ces coupures intempestives de courant électrique, le gouvernement, par la voix du ministre de l’Hydraulique et de l’Energie, Cheick Taliby Sylla, a tenté la parade, consistant à pointer du doigt, une baisse de régime, au niveau de la production du barrage hydro-électrique de Kaleta. Dans une communication de crise, que je qualifierai de  ratée, le ministre indique que le barrage ne produit que 110 MW en cette période d’étiage, sur une capacité de 240 MW.

Une baisse de production due à un manque d’eau, au niveau de ce barrage, construit au fil de l’eau, pour près d’un demi-milliard de dollars américains.

Ce raisonnement saugrenu de Cheick Taliby n’a fait qu’en rajouter une louche à la frustration de la population, qui du coup, a vu rouge.

Pour ne rien arranger à la situation, le président Alpha Condé s’est défaussé de sa responsabilité sur ses compatriotes, qu’il accuse de ne pas s’acquitter de leurs factures d’électricité.

Certains observateurs pensent qu’il n’est pas de bon aloi d’administrer une telle volée de bois vert à la clientèle de Électricité de Guinée (Edg), déjà durement éprouvée par ces délestages récurrents.

D’ailleurs, le chef de file de l’opposition guinéenne a battu en brèche, les arguments avancés par le gouvernement. À écouter les énormes charges portées par Cellou Dalein Diallo contre le pouvoir dans la gestion du secteur électrique, on en vient à penser à la « République des copains et des coquins.»

La crise qui affecte le système éducatif, où l’aile dure du Slecg continue d’agiter son épouvantail, constitue l’autre paire de manche pour le pouvoir, en ce début d’année.

Vu que la menace d’une nouvelle grève se précise de plus en plus.

Alors justement, vous parlez d’Aboubacar Soumah qui, comme sur le ring de boxe, renvoie le gouvernement dans les cordes ?

On nage en pleine confusion depuis l’exclusion d’Aboubacar Soumah, vice-président du Slecg (Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée), de cette structure syndicale. Une décision controversée, qui risque de hérisser le corps enseignant. Il faut rappeler que ce coup de théâtre, a provoqué une onde de choc dans les milieux scolaires.

Le renvoi d’Aboubacar Soumah que Louis M’Bemba Soumah et Sy Savané, respectivement, Secrétaire général  et  secrétaire général adjoint du Slecg, tentent de justifier par un tour de passe-passe digne de mauvais prestidigitateurs, aurait simplement pour but, de tuer dans l’œuf, la grève prévue, à compter du 1er  février.

C’est du moins ce que disent les détracteurs de ces bureaucrates syndicaux, soupçonnés à tort ou à raison d’être à la solde du pouvoir.

Aboubacar Soumah qui n’a pas l’air d’être en sucre, Talibé, affiche cependant une détermination à toute épreuve, dans ce bras de fer avec ses camarades syndicalistes. Il peut compter pour cela, sur la base, qui s’est fait flouer, et n’entend pas démordre.

En essayant de sacrifier la lutte syndicale, sur l’autel de profit bassement matériel, Louis M’Bemba Soumah et Dr Souleymane Sy Savané, qui sont tombés comme un cheveu sur la soupe, se sont tiré une balle dans le pied. Et cela risque bien de leur exploser à la figure, s’ils n’y prennent garde. Quand on sait qu’Aboubacar Soumah a réussi à renvoyer le gouvernement dans les cordes. 

Et justement, au regard de tout ce qui se profile à l’horizon, vous entrevoyez des risques d’enlisement dans cette crise… 

Le pouvoir fait le dos rond, malgré l’ampleur du mécontentement perceptible chez la population. Je crois qu’il n’y a pas à s’y méprendre, à cette allure, le pays pourrait s’enliser dans une paralysie politique. Un tel scénario ne serait que du pain béni pour l’opposition. Celle-ci compte d’ailleurs surfer sur la vague de mécontentement généralisée, pour mettre la majorité présidentielle en difficulté, lors des élections du 04 février.

À moins que le président ne prenne la mesure de la situation, pour tenter un passage en force, en usant des moyens de l’État avec parfois trop d’abus.

Alors, quand une telle menace d’enlisement plane, vous vous faites des soucis pour un certain Mamady Youla, que vous trouvez sur un siège éjectable ? 

Pour reprendre la main, Alpha aura besoin d’une nouvelle équipe gouvernementale. Ce qui laisse à penser que le Premier ministre Mamady Youla n’aura certainement pas la chance de battre le record de longévité de son prédécesseur, Mohamed Saïd Fofana. Ce dernier, on se souvient, qui faisait office d’outsider sur la shortlist des prétendants au poste de Premier ministre, avait décroché la timbale, on s’en souvient, face à des personnalités d’envergure, comme Kémoko Touré, ancien Directeur général de la CBG…

Durant les 5 ans qu’il a passés aux commandes de la primature, Mohamed Saïd Fofana, a joué les béni Oui-oui. Son rôle se limitant à inaugurer les chrysanthèmes.

La nomination de Mamady Youla en décembre 2015, contre toute attente, en remplacement de Saïd Fofana, n’a été qu’une continuité, dans cette logique de hyper présidence, où le Premier ministre n’est en quelque sorte qu’un faire-valoir.

Mamady Youla semble se complaire dans sa posture d’homme de l’ombre. Et le fait que le PM ne soit pas parvenu, à se forger une stature d’homme d’État, n’a fait qu’entamer, et cela largement le capital sympathie de Mamady Youla parmi la population.

Son départ est donc souhaité par l’opinion. Lui et son gouvernement, à la ferveur d’un changement d’attelage gouvernemental, qui pourrait survenir au lendemain des élections locales. Le besoin d’un gouvernement nouveau-né, et de large ouverture, se fait de plus en plus sentir chez les Guinéens, notamment chez une jeunesse en déshérence.

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