Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce dimanche, à la tournée du Président de la République, dans les préfectures intérieures. Un périple qui a un air de campagne électorale, avec des discours « sans filtre », d’un Président prodigue de parole et de promesses. Cette chronique est servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».
Talibé Barry : Mamadou Dian Baldé, pour ce dimanche, vous titrez « En campagne avant la lettre, Alpha « sans filtre » dans ses discours. De quoi retourne votre chronique ?
Mamadou Dian Baldé : La célébration en différé du 59ème anniversaire de notre indépendance, le 13 janvier à Kankan, a revêtu un air de campagne électorale.
À en juger par la forte mobilisation de l’administration publique, pour la réussite de cette célébration solennelle.
Pour marquer cette journée d’une pierre blanche, le gouvernement a mis les petits plats dans les grands, en déboursant bien évidemment 4 milliards de francs guinéens. Montant qui fut géré dans l’opacité la plus totale, par le général Bouréma Condé, ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation, qui avait la casquette de président de la commission d’organisation de la célébration.
Ce ministre qui profite pleinement de sa carrière d’apparatchik, avait d’ailleurs essuyé de violentes critiques de la part des autres membres de la fameuse commission d’organisation.
Toutefois, cette histoire de sous, peut être passée par pertes et profits, à cause de l’intérêt que les populations de Kankan ont porté à cette fête anniversaire. Et cela, Bouréma Condé y aura largement contribué. Lui, qui avait pris ses quartiers dans cette agglomération de la Haute Guinée, une dizaine de jours, avant le jour-J. Jouant les rabatteurs dans les quartiers de la cité, afin que cette grand-messe ne se solde par un fiasco.
C’est dans un stade plein comme un œuf, que le président de la République, est monté sur ses grands chevaux, pour rabâcher le même refrain, que celui servi aux Guinéens depuis 7 ans. Dans un discours manichéen, Alpha Condé, a tancé les opposants, tout en passant, par contre la brosse à reluire dans le dos de deux de ses défunts prédécesseurs, à savoir Ahmed Sékou Touré et Lansana Conté. Selon le chef de l’Etat, si le premier a payé pour son opiniâtreté, en disant « Non » à la France, le second, militaire de carrière, aura péché, pour avoir misé sur des cadres corrompus et rompus aux intrigues d’appareils.
D’où cette mise en garde du président aux populations de Kankan : « Ne vous laissez pas manipuler par les politiciens en perte de programme », a clamé Alpha, face à une foule en délire.
Puis d’ajouter : « les cadres qui ont dit que je n’aime pas les malinkés, qui se sont battus pour moi, que j’ai donné le courant partout, sauf en Haute Guinée. N’est-ce pas que Kankan a changé, a-t-il scandé, à l’endroit de la foule.
Avant de marteler : « ma mission c’est toute la Guinée. N’écoutez pas ces discours divisionnistes. » Fin de citation.
A entendre cette diatribe présidentielle, on voit un homme décidé, à faire voir des vertes et des pas mûres à son opposition. Cet extrait de son discours, tiré du site mosaiqueguinée prouve que le chef de l’État veut en découdre.
Et justement Mamadou Dian Baldé, s’agissant de ce discours et d’autres que le président tient depuis quelques jours, vous, vous pensez que le président, dans une formule imagée, vous dites qu’il a « avalé son képi ». Autrement dit, Alpha Condé se ravise. Pourquoi dites-vous qu’Alpha Condé se ravise ?
Oui, je dirai qu’à Kankan, le chef de l’État a voulu bâtir son discours sur l’unité nationale. Il a invité la population, notamment la jeunesse à l’unité nationale. Tout en rappelant que la Guinée est un carrosse à 4 roues. Et que sans l’une de ses roues, l’engin ne peut rouler.
Mais ceux qui ont bonne mémoire, se souviennent encore, que c’est dans cette même ville, dans d’autres circonstances, que le président avait dit que la Guinée est un véhicule à trois roues.
Des propos qui avaient suscité colère et indignation chez une certaine communauté, qui s’était sentie stigmatisée. C’était à la limite de l’ostracisme social. En affirmant dorénavant que son pays n’est pas un tricycle, mais plutôt un engin à 4 roues, le président n’a fait qu’avaler son képi. Lui, qui fut à tort ou à raison, taxé d’avoir été parmi les promoteurs de l’ethnostratégie en Guinée, à la faveur de la présidentielle de 2010, tente certainement de changer de fusil d’épaule.
Et par ailleurs, dans cette chronique, vous parlez de ce déploiement monstre des membres du gouvernement à l’intérieur du pays. Un déploiement placé par le premier ministre sous le sceau de la vulgarisation du plan national de développement économique et social. Et vous, vous parlez de « chassé-croisé ministériel dans les préfectures ».
On peut dire sans risque de se tromper, qu’à travers les festivités de Kankan, le chef de l’État a donné le coup d’envoi, tambour battant, d’une campagne électorale avant la lettre. Ainsi, sous le couvert d’une mission de communication de l’ensemble des membres du gouvernement, sur le programme national de développement économique et social (PNDS), et l’accord des 20 milliards de dollars américains, conclu avec la Chine, les ministres ont déserté les départements. Ils vont vendre leur salade aux populations à la base, afin de les amener à faire le plein de voix pour le parti au pouvoir, lors du scrutin du 04 février prochain.
Chacun des membres du gouvernement se rend chez les siens, dans sa préfecture d’origine, pour vanter les acquis du régime. C’est à qui mieux mieux. Même si pour la plupart, c’est la danse aux dindons. Ce qu’il faut déplorer dans cette démarche, c’est l’utilisation des moyens de l’État à des fins de campagne. Dans une compétition, cela est purement et simplement déloyal, Talibé.
Et justement, vous vous penchez un peu sur les activités du président, les activités du gouvernement, mais à côté, vous décrivez une opposition guinéenne qui « s’embourbe dans ses propres contradictions ».
Pendant que le gouvernement a décidé de jeter toutes ses forces dans la bataille électorale, l’opposition guinéenne continue de s’embourber dans ses contradictions.
Au lieu de jeter leurs divergences aux orties, pour unir leurs forces, à la faveur de ces élections locales, qui s’annoncent à grands pas, chaque parti veut faire cavalier seul, hormis quelques alliances de façade. Cette division ne peut que mettre de l’eau au moulin de la majorité présidentielle.
Suite aux attaques portées par le président Condé, contre les anciens collaborateurs du défunt général Lansana Conté, l’UFDG, dont le leader, Cellou Dalein Diallo, se sent dans la ligne de mire du président, essaie de lui rendre la politesse. En lui demandant de publier les résultats de ces fameux audits, auxquels il fait fréquemment allusion. C’est là, un défi lancé au président.