Censure

Patrice Sény Camara, de la majorité présidentielle : « Seuls les imbéciles ne changent point »

Le secrétaire général de l’UNR, Patrice Sény Camara, a, dans un entretien accordé récemment à nos confrères de City fm, dans le leur émission dominicale  » à vous de convaincre  », salué le bilan du président Alpha Condé, durant l’année écoulée, et donné son point de vue sur des questions politiques et sécuritaires de notre pays.

M. Camara, nous sommes en début d’année 2018, c’est l’occasion de jeter un œil dans le rétroviseur, un peu lire à l’endroit de ce qui a été réalisé par la Guinée en terme de progrès, Mais aussi les faiblesses que nous avons connu en terme de bilan. Quel bilan dresseriez-vous sur plan économique au cours de l’année 2017 ?

Il est important quand même de reconnaître, l’action du président de la République et de son gouvernement, qui ont permis de tenir ce projet de coopération avec la Chine, d’un montant de 20 milliards de dollars pour 20 ans. Ceci est un progrès à signaler. Il est vrai qu’en retour, il appartient à la partie guinéenne, représentée par son gouvernement, de concevoir des projets banquables pour pouvoir mobiliser ces ressources.

Donc, l’avantage c’est d’avoir cette intention forte de mise à disposition d’un montant aussi important.

Il y a également le financement du PNDS, qui est là mission du gouvernement à l’intérieur du pays, je crois sur un financement recherché de 14 milliards de dollars, nous avons eu à boucler 21 millions de dollars. Ceci veut dire que nos amis, les amis de la Guinée ont un œil très positif sur notre pays. Il est important que les citoyens guinéens puissent s’inscrire dans cette dynamique. Il faut rappeler que quelles que soient les bonnes intentions, si nous ne sommes pas dans la dynamique de stabilité, ça va être difficile que ces financements deviennent une réalité.

Donc, c’est l’appel que nous lançons aux populations guinéennes dans leur ensemble, puisque ce financement ne vise pas une communauté ou une région, Il s’agit bien d’un financement d’un projet national de développement économique et social, dans lequel toute la Guinée, toutes les composantes régionales de la Guinée sont inscrites. Donc, ce n’est pas pour Alpha Condé, c’est pour les citoyens guinéens.

En retour, chacun ayant un rôle a joué, en termes de développement, il faut que chaque citoyen, s’approvisionne cela et s’inscrive dans un comportement assez pacifié pour que l’investissement puisse se réaliser.

Justement, quand on parle du bilan de 2017, c’est souvent, du côté de la mouvance, ces 20 milliards chinois et ces 20 milliards au compte du PNDS qu’on monte en épingle. Mais, il y a qu’aujourd’hui, à écouter et l’opposition et la société civile, et même la mouvance présidentielle, on a l’impression que cette manne qui a été annoncée en 2017, on en a peur parce qu’on se pose la question de savoir, qu’est-ce que la Guinée pourra en faire, au regard, bien évidemment, des faiblesses de l’administration ou de l’État guinéen en général ? 

Écoutez, je crois que c’est ce que j’expliquais tout à l’heure, c’est quand même une première fois dans l’histoire de la Guinée, qui va fêter ses 60 ans dans quelques mois. Nous avons deux mobilisations aussi fortes et aussi impressionnantes.

C’est vrai que le commun des guinéens n’étant pas habitué à ce genre d’annonce, peuvent avoir de l’effroi. Je crois que, c’est ce que je disais tout à l’heure, il faut en toute sérénité et en toute responsabilité, s’inscrire dans cette dynamique-là, et travailler à la conception des projets de développement, qui soient réalistes et réalisables pour que nous puissions mobiliser ces ressources au bénéfice des populations guinéennes.

Est-ce qu’au niveau de la mouvance, y a déjà des projets qui sont inscrits dans le cadre de ces investissements au niveau national ? 

Mais écoutez, ce n’est pas une question de mouvance, ce n’est pas la mouvance qui gère, c’est le gouvernement. Donc, le gouvernement doit s’atteler au niveau du ministère de la Coopération, à ce que je sache, le cabinet de Madame la ministre travaille, non plus à l’obtention du financement du PNDS, mais dans le cadre de la mobilisation à travers les investissements publics sur le montage des projets.

Je pense d’ici deux, trois mois, les premiers résultats seront publiés, et que nous puissions déjà commencer à rentrer dans la réalité de ces financements.

C’est un lapsus, le fait de parler de mouvance seulement, c’est que la majorité présidentielle tire la couverture de son côté, en brandissant ces 20 milliards et ces 21 milliards comme un trophée. Par contre, l’opposition et la société civile, elles semblent  un peu dubitatives, puisqu’elles se disent qu’avec ce pouvoir, dans tous les actes que le président  pose, il s’attend à une plus-value politique, donc qu’il faut faire attention ?

Écoutez, je ne veux pas rentrer dans une polémique stérile, je crois que, et la presse, ce qui est du droit de la presse, beaucoup de guinéens, dans leur scepticisme, se sont toujours posé la question de ces multiples voyages du président de la République. Maintenant, qu’on a des résultats, certains continuent à développer non plus du scepticisme, mais du pessimisme de mauvais goût. Je crois qu’il faut s’émerveiller pour ces résultats, au même titre que des résultats obtenus dans le cadre de l’honneur qui a été fait à la Guinée à l’Union Africaine, en confiant la présidence tournante de cette institution continentale à la Guinée, à travers son président de la République.

Je crois que, Alpha Condé, en fin de mandat de cet exercice, a apporté son dynamisme par son engagement, par son panafricanisme, qui est une réalité, a apporté des changements au sein de l’Union Africaine. Aujourd’hui, force est de reconnaître que, l’Afrique parle d’une seule voix, et je crois que son successeur attendu, qui sera le président rwandais, lui il va poursuivre notre jalon de lutte contre la corruption. L’un et l’autre, feront rentrer l’Afrique vers une gouvernance de qualité, et ce but est au bénéfice des populations africaines. Et là également, ça déplaît à nos adversaires, on le comprend très bien.

Vous parlez de panafricanisme du président Alpha Condé, dont il a fait preuve, pendant sa présidence en exercice de L’UA. Pendant cette présidence, les Guinéens se sont justement posés, tant de questions sur ces multiples voyages du président. Est-ce que aujourd’hui, vous pourriez être tenté de dire quand on a 21 milliards dans le panier pour le PNDS, et 20 milliards avec les Chinois, 2018, doit être l’année pendant laquelle le président doit rester stable, voyager moins pour suivre la mise en œuvre des projets qui résultent de ces financements annoncés? 

Oui, je crois que lui-même l’a annoncé il n’y a pas même très longtemps. Arrivé à terme de son mandat, il consacrerait plus de temps aux problèmes guinéo guinéens. Je crois qu’on lui fait un mauvais procès, puisqu’en principe, moi je l’ai toujours affirmé, et je l’assume, le gouvernement est l’intendance du président de la République. Il faut qu’on cesse dans ce pays de tout personnaliser, le président par ci, le président par-là, je crois que ce faisant, vous ne construisez pas un État de droit, vous ne construisez pas un état  démocratique, tel qu’on le souhaiterait.

Chacun doit assumer sa part de responsabilité. Le président, aujourd’hui, a mobilisé 41 milliards de dollars en une année, mais ce n’est pas le travail d’une année. Je crois que cela est une interpellation pour tous les citoyens guinéens, y compris la classe politique. Puisque le travail issu de ces financements-là, sera à la disposition des citoyens sur les quatre régions naturelles. Il faut que les Guinéens, surtout la classe politique, acceptent d’aller vers un apaisement, pour que nous puissions, par ces financements, réaliser des infrastructures de base, créer les conditions de développement pour ce pays…

A vous entendre, M. Camara, tout est reluisant en termes de bilan pour le président de la République, durant l’année écoulée. Que répondez-vous à ceux qui disent que, malgré tout, cette gouvernance du Pr Alpha Condé, bat de l’aile, vu l’insécurité grandissante, avec des enlèvements et des assassinats d’opérateurs économiques, ainsi que la propension des cadres de l’administration guinéenne à la corruption, secteur dans lequel peu d’efforts ont été faits ? 

Je vais décanter votre question en deux volets, la question d’insécurité, je crois que la Guinée n’a pas la palme d’or de l’insécurité, lorsque l’on sait dans certaines capitale, que je ne veux pas citer, chaque seconde il y a un cadavre.

Nous sommes dans un pays en restructuration. Vous retiendrez quand même, puisque vous le savez, que dans la première phase, il y a eu une restructuration drastique au sein de l’armée guinéenne, qu’aucun gouvernement de ce pays n’a osé affronter. Aujourd’hui, Il s’agit du secteur de la Police pour renforcer ses capacités, depuis l’arrivée du ministre d’État, Kabélé Kaba à la sécurité, je crois qu’il y a un travail qui a été fait. Donc, nous voyons aujourd’hui certaines modifications, où il y a des renforcements des capacités en termes d’équipement, notamment de la Police de la sécurité routière.

Donc, laissons un peu de temps pour que cette situation soit démêlée, ce n’est autant pas facile, aucun gouvernement n’a osé affronter cette nébuleuse.

M. Camara, vous savez que cette réforme de la sécurité n’a pas été menée de pair, c’est à dire, autant on réforme au niveau de l’armée, autant on réforme parallèlement au niveau de la sécurité. Puisqu’aujourd’hui, si on voit moins de militaires en Kalash, se promenant dans les rues de Conakry, c’est cette sécurité au quotidien qui pose problème ? 

Écoutez, dans toute chose, Il y a un choix à faire. Pour ceux qui sont les adeptes de la précipitation, il fallait affronter les deux secteurs en même temps. Encore, faut-il en avoir les moyens, et des ressources financières qui accompagnent ces réformes.

Nous avons été accompagnés par certains amis de la Guinée, on ne peut pas mêler tout le monde aux questions de défense et de sécurité, c’est des questions extrêmement sensibles, pour lesquelles il faut apporter une grande attention. Donc, le gouvernement guinéen a opté pour le coup après, aller par graduation. On a évalué sur la défense nationale, aujourd’hui, force est de reconnaître qu’il y a une forte amélioration au sein des casernes et au sein même des comportements des militaires.

Aujourd’hui, nous nous attaquons à la question de la sécurité publique, il y a un travail qui a été fait, il faut saluer ce travail et souhaiter qu’il aille à son terme le plus rapidement que possible. Quelle que soit la vitesse imprimée, puisqu’il faut tenir compte des conditions endogènes sur ce secteur là pour trouver les bonnes solutions, pour que plus jamais nous nous retrouvions dans cette dégradation et dans cette confusion qu’on observe dans ce secteur hautement sensible.

Par rapport aux perspectives que vous décrivez comme prometteuses, par rapport aux années à venir au regard des milliards annoncés, au compte de l’année 2017, vous lancez un appel à l’apaisement sur le front politique et cela semble s’adresser directement à l’opposition, que la mouvance, le président et d’autres membres du gouvernement ont souvent accusé de saboter le mandat du président Alpha Condé, en organisant des marches de manière répétée. Est-ce que, justement, le défi du président Alpha Condé n’est pas que de renforcer l’accalmie relative qui a été constatée en 2017, pour permettre un climat qui favorise les investissements auxquels on s’attend pour les années à venir ? 

Mais je crois que vous avez bien compris le message et le comportement du président de la République, maintenant le développement est une affaire de tous. Je crois que les leaders de l’opposition, dirigent des partis où se trouvent des citoyens guinéens, et ces citoyens ont besoin de l’amélioration de leur cadre de vie, ont besoin de se trouver en face des situations d’employabilité.

Aujourd’hui, je lance un appel à tous les citoyens guinéens, quelle que soit leur appartenance politique, qu’ils s’inscrivent dans l’exécution qui doit permettre à chaque guinéen de bénéficier de l’amélioration de son cadre de vie et de se sentir fier et bien d’être guinéen et en Guinée. Chacun a une responsabilité entière dans cette situation.

Par rapport à 2017 toujours, au niveau de l’éducation, l’année n’a pas été de tout repos par rapport à la crise et le SLECG à travers Aboubacar Soumah, qui représente aujourd’hui l’aile dure, continue d’agiter son épouvantail, et une grève est annoncée pour le 01 février. Quelle lecture faites-vous de cette situation, en partant du bilan de 2017 ? 

Écoutez, dans cette affaire, il y a le gouvernement et le central syndical, je pense qu’il y a eu une négociation qui avait eu lieu courant février, des conclusions ont été tirées par les deux parties prenantes au dialogue. Je crois que Aboubakar Soumah, est apparu comme un cheveu dans la soupe, ça appelle plusieurs analyses. Il semble, en tout cas, qu’il y ait une crise au niveau de la centrale syndicale elle-même, entre les acteurs syndicaux. Aboubacar Soumah est apparu comme un trouble fait, il s’est attaqué aux conclusions de février 2017 et à lancer son avis de grève, contre les dispositions de la centrale elle-même.

Le gouvernement s’est retrouvé complètement à cours parce qu’il ne comprenait non plus, puisque les interlocuteurs, eux ils ont affirmé qu’ils n’ont lancé aucun avis de grève. Donc, une confusion s’était posée, Aboubacar a pris le dessus, en faisant des promesses faramineuses aux enseignants, ça a évolué comme une boule de neige. Maintenant, je crois que ce qui est important, dans le cadre de ce qu’on évoquait tout à l’heure, il faut trouver une ligne d’entente.

Est-ce que vous approuvez l’exclusion de M. Aboubacar Soumah du SLECG, par une décision de Louis M’Bemba Soumah et Dr Sy Savané ?  

Écoutez, je vais vous décevoir, je ne connais pas les textes réglementaires de la centrale syndicale, je m’en suis pas préoccupé, parce que professionnellement, ce n’est pas mon champ d’évolution. Il faut qu’on cesse de plaisanter avec la vie des Guinéens. La vie est une chose réellement sérieuse, il faut que chacun joue son rôle constitutionnel, pour que se porte mieux la construction de cette démocratie tant souhaitée.

Depuis vendredi, des alliés de la majorité présidentielle, sont en conclave à Dalaba, en vue de trouver une stratégie permettant de faire le plein de voix lors des élections du 04 février. Est-ce que l’UNR fait partie de ces formations politiques qui sont en conclave à Dalaba ? 

Monsieur, où se trouve le scandale, stratégiquement, un groupe de partis politiques, un groupe de responsables politiques qui se retrouvent pour échafauder des stratégies de plan d’action pour demain, je ne vois pas où est le scandale. Je vous confirme que l’UNR est bien présent, à travers son président Boubacar Barry.

Est-ce que, entre autre, c’est pour cette raison, le président même campe sur une partie du Fouta, puisqu’il a fait Mamou et Pita, certains pensent qu’il y a une fixation politique démesurée sur le Fouta? 

Le président est libre d’aller partout en Guinée, quand il veut et comme il veut. Maintenant, que ça coïncide à un événement politique, puisque la  loi permet au président de se mouvoir et d’apporter son message dans toutes les régions et toutes les composantes de la Guinée à tout moment.

Le président était au Fouta, il est au Fouta parce qu’il sait que le Fouta fait partie de la Guinée. Je vous ai dit que le président est libre d’aller en Guinée partout, et quand il le veut. Il se trouve au Fouta aujourd’hui, certains pensent qu’il a exclu le Fouta, mais comment pourrait-il le faire ? Et par quelle manière ?  Le Fouta est une entité régionale de la République de Guinée, comme l’est, la Basse côte, la Haute Guinée et la Guinée forestière.

Le président de la République, et tout son gouvernement, désertent la présidence pour aller vers les populations à la base, faire campagne avec les moyens de l’État. M. Camara, même étant de la majorité présidentielle, est-ce que vous ne trouvez pas ça déloyal ? 

Citez-moi le nom d’un pays, à commencer par la France, où les élections cantonales ou régionales, pour parler de la France, les ministres ne se déplacent pas pour aller passer le message du gouvernement ou de la majorité, comme on dit, pour essayer de consolider les conditions d’une victoire. Ça n’existe pas.

Où est le scandale, si ces cadres ont adhéré à la mouvance. C’est le droit d’un citoyen de militer pour la victoire de sa famille politique.

La politique a ses exigences, pour la conscience politique, dans le jeu politique, où on dit communément en politique, il faut faire comprendre aux citoyens que le combat ne veut pas dire qu’on se donne des coups de poings, c’est un jeu de stratégies. Alors, si certains aujourd’hui de l’opposition, se sont fragmentés, après s’être  renforcés de 22 alliés en 2010, 7 ans après, ils ont tout perdu et que nous, en face, nous, nous travaillons au rassemblement, qui est la force dynamique de la victoire. Vous voulez qu’on fasse le deuil pour l’opposition ? Nous, nous sommes réunis pour gagner, nous créons les conditions objectives pour la victoire, et nous obtiendront objectivement cette victoire.

Que répondez-vous à ceux qui se disent que, à cette allure, ils craignent fort qu’il y ait une neutralité de la part des administrateurs territoriaux, ainsi que la CENI qui est une institution sous l’influence du pouvoir exécutif ? 

Écoutez, c’est Jean-Paul Sartres qui disait, ‘’l’enfer c’est les autres’’, c’est à dire qu’on est incapable de faire les analyses objectives, déterminant nos forces et nos faiblesses. À l’issue de chaque combat, on crie, on a été triché. Seuls les imbéciles ne changent point. Dans cette affaire, nous ne ferons pas le deuil de l’opposition, lorsqu’on se défait pour une affaire de 500 millions de francs guinéens par mois, on se défait de ses partenaires, vous voulez qu’on fasse quoi ? Nous, nous applaudissons et nous ouvrons nos portes pour ces anciens adversaires, dans le cadre du renforcement des capacités de la mouvance.

Une synthèse de Mamadou Alpha Baldé 

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