Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce dimanche, au scrutin du 04 février, qui semble être, selon lui, un signal envoyé au président de la République, dont le parti a essuyé un « sérieux revers ». Cette chronique est servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».
Talibé Barry : Mamadou Dian Baldé, vous nous revenez avec une chronique comme c’est toujours le cas. Cette chronique-ci, est intitulée « avec son bilan mi-figue mi-raisin, Alpha à l’épreuve des urnes.»
Mamadou Dian Baldé : Oui Talibé, le scrutin du 04 février constitue un test pour le chef de l’État, avant les législatives prévues pour fin 2018. Il faut reconnaître que les résultats provisoires publiés par la CENI se caractérisent par un « sérieux revers » pour le parti au pouvoir, battu même dans certains de ses fiefs. Ce vote a surtout été marqué par un fort taux d’abstention. On n’aurait même pas atteint la barre symbolique des 50% de participation, à en croire des sources proches de l’institution chargée d’organiser les élections. Pour une population électorale qui frôle les 6 millions d’électeurs. Ce qui revient à dire que les Guinéens ont voté pour la plupart avec leurs pieds. Cette situation dénote du dégoût croissant de la population pour la politique.
La méthode de gouvernance du président Alpha Condé, qui est celle du chien crevé au fil de l’eau, autrement dit une politique flottante au gré de tous les courants, en serait bien pour beaucoup dans cette défiance vis-à-vis du politique. Ce qui a conduit bien évidemment à ce « vote sanction », infligé au RPG arc-en-ciel.
C’est le lieu de dire, qu’au sein de la majorité présidentielle, l’on ne s’est toujours pas remis de la gueule de bois électorale, une semaine après le scrutin. Au lieu de tirer les leçons de ce qui n’aura été qu’un coup d’épée dans l’eau. Ce, malgré toute l’énergie déployée, lors de ces élections. Le parti au pouvoir est en train de s’abîmer dans les soupçons. Il se serait même lancé dans une chasse aux sorcières, en vue de confondre ceux qui sont accusés de « traîtrise ». Notamment du côté de Kaloum, où dame Aminata Touré, candidate indépendante, a battu à plate couture, la liste du RPG arc-en-ciel.
Alors Mamadou Dian Baldé, justement vous parlez du parti au pouvoir, le RPG arc-en-ciel. Et pour vous, le RPG arc-en-ciel a carrément mordu la poussière ?
Je dirai Talibé, que le fait d’avoir opté pour la stratégie consistant à ne pas désigner de tête de liste, pour les différentes candidatures que le parti au pouvoir, a présentées à ces élections locales, a été contreproductif. Cela n’a été qu’une politique de gribouille. Vu que ça a produit plutôt le contraire de ce qui était souhaité.
Les bénéficiaires de cette erreur politique sont les candidats indépendants et certains partis d’opposition. Ceux-ci avaient en effet, réussi à garder à l’idée que « dans une élection locale, la personnalité du candidat compte d’avantage que l’étiquette politique sous laquelle il évolue. »
Et au lieu que la vague jaune ne déferle sur nos communes, comme cela avait été annoncé à grand renfort de publicité et de propagande, le RPG arc-en-ciel a plutôt mordu la poussière dans des chefs-lieux comme Kaloum, Boffa, Faranah. Tandis qu’il est en ballotage défavorable à Kindia, Matoto et même Dixinn. Alpha Condé ne pouvait sans doute pas s’attendre à cette claque électorale. Vu tous les moyens matériels, financiers et humains déployés sur le terrain, par son parti. Avec la bénédiction d’une administration publique qui a pris fait et cause pour le parti au pouvoir. Une belle opportunité pour certains cadres de barboter dans les caisses de l’État, en toute impunité.
Face donc à cette déconvenue, la majorité présidentielle tente de sauver les meubles. Cela doit se passer inéluctablement par des jeux d’alliance, aussi troubles soient-ils. C’est ainsi que le RPG aurait fait des avances à l’UDG de Mamadou Sylla, à l’UFR et même au BL de Dr Faya Millimono. Pour ne citer que ce trio…
Alors justement, vous, vous faites un pas en arrière pour parler de campagne électorale, qui a été dominée par l’omniprésence du président Alpha Condé et de son principal opposant Cellou Dalein Diallo. Parce que pour vous, cette campagne a tourné au mano à mano entre Alpha et Cellou ?
Il est désormais évident que les candidatures indépendantes ont dû ferrailler dur, pour obtenir des scores très honorables lors de ces joutes électorales. Cette percée va permettre de rebattre les cartes sur l’échiquier politique guinéen. À l’allure où vont les choses, le cœur du système électoral dominé traditionnellement ces dernières années par le RPG arc-en-ciel et l’UFDG, pourrait connaître un lifting. Les gens ont pu constater que les deux forces politiques avaient étalé leur boulimie durant la campagne électorale. Vouant aux gémonies les candidats indépendants. Pour maints observateurs, la campagne électorale ne s’est résumée qu’à un mano à mano entre Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo. Qui se livraient à un jeu du chat et de la souris.
Le président de la République profitait de ses pérégrinations pour mettre au goût du jour la vieille recette politique, qui consiste à charger la gestion de ses prédécesseurs. Notamment les anciens Premiers ministres, ces souffre-douleurs du président Condé.
Le chef de file de l’opposition, ne ratait pas non plus l’occasion, de détricoter toutes les réformes annoncées en grande pompe par le président de la République. C’est à ce type de passe d’armes qu’on a assisté tout le long de la campagne électorale. Un duel à couteaux tirés en somme.
Et justement, pour terminer cette chronique. Vous campez la situation infernale de violence dans laquelle la Guinée a plongé depuis le scrutin de dimanche dernier. Et pour vous, la Guinée renoue avec ses vieux démons ?
C’est vraiment triste de vivres de tels scenarii, à chaque fois qu’il y a des élections dans notre pays. Comme l’avaient prédit certains observateurs avertis, de violents incidents ont éclaté le lendemain de la tenue de ces élections locales, dans la capitale et dans plusieurs localités du pays. C’est le dévouement du processus électoral qui a mis le feu aux poudres. Le plus effroyable dans tout ça est le décès de 5 nourrissons, qui sont morts calcinés dans une case, dans la localité de Kalinko, dans la préfecture de Dinguiraye. Ça fait froid dans le dos. Malheureusement, le gouvernement, à travers son unité de sécurisation du système électoral (USSEL), n’aura pas comblé les attentes. Ces agents affectés pour sécuriser le scrutin, sont accusés même de rackets et de violences sur des populations civiles. Des hommes en uniforme qui s’attaquent à des civils, cela fait partie des mœurs en Guinée.
Même la résidence du président de l’UFDG a essuyé des attaques de la part d’individus, soupçonnés d’être à la solde d’Aboubacar Soumah, candidat figurant sur la liste du RPG – arc-en-ciel, pour le compte de la commune de Dixinn. Cet ancien édile, considéré comme un boutefeu, avait annoncé la veuille de l’incursion chez Cellou, avoir recruté 1200 hommes pour sécuriser Dixinn. M. Soumah n’a fait qu’aller sur les erres de Malick Sankhon, directeur général de la CNSS, et coordinateur général du comité régional d’appui aux élections communales pour la région de Conakry. Pour le compte du parti au pouvoir. Qui lui, on s’en souvient encore, avait déclaré, disposer de près de 4 mille hommes, prêts à mâter tous ceux qui se mettront en travers de son chemin. Des propos clivant, qui sont plutôt applaudis dans le camp présidentiel.
Last but not least, le RPG s’est fendu d’un communiqué, suite à ces violences post-électorales, pour plaider en faveur de l’affermissement de l’autorité de l’État. Histoire de régler le compte à ceux qui osent réclamer le respect du verdict des urnes.