Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce dimanche, au « verdict » des urnes, avec cette victoire à l’arraché du parti au pouvoir, face à une opposition qui s’en est tirée les braies nettes. Le cas de Bantama Sow, ministre de la République, qui fait du discours clivant, sa marque de fabrique, a aussi été effleuré par notre confrère. Cette chronique est servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».
Talibé Barry : Alors M. Baldé, vous nous revenez avec une chronique toujours incrustée dans les élections communales, et vous titrez cette chronique « la victoire à la hussarde du RPG arc-en-ciel ». Cela retourne de quoi M. Mamadou Dian Baldé ?
Mamadou Dian Baldé : Oui Talibé, les résultats publiés par la commission électorale nationale indépendante (CENI) hisse le RPG arc-en-ciel en tête du scrutin du 04 février, avec 3284 sièges engrangés dans les 342 circonscriptions électorales, contre 2156 conseillers communaux pour l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). Il s’agit là d’une victoire à la hussarde, qui laisse toutefois un arrière-goût amer. C’est le moins qu’on puisse écrire, quand on sait que le RPG arc-en-ciel, malgré son avance en nombre de conseillers aura besoin de nouer des alliances avec d’autres acteurs politiques, pour avoir la haute main sur la majorité des communes du pays. Dans ce jeu d’alliances sur fond de marchandage politique, l’Ufr de Sidya Touré, est dans la posture de faiseur de roi. Cette troisième force politique qui totaliserait en tout, moins de 500 conseillers communaux, serait en effet, l’objet de toutes les attentions en ce moment, de la part des deux grands partis, que sont le RPG arc-en-ciel et l’Ufdg.
Pour revenir à cette victoire ric rac du parti d’Alpha Condé, je dirai que cela est l’expression de la défiance des Guinéens vis-à-vis de ce pouvoir. Un pouvoir marqué par l’affairisme au sommet de l’État. On a à faire à une sorte de gauche caviar, dont le chef de file, Alpha Condé n’a pour le moment pas répondu aux attentes de ses compatriotes, en termes de lutte contre la corruption, le népotisme et l’impunité. Et comme le dit un proverbe arabe, « un roi sans justice est un fleuve sans eau ».
Et justement vous, la question de Sidya Touré, vous capte l’attention. Puisque en tant que faiseur de roi, sa position reste forcément déterminante, et vous, vous trouvez Sidya Touré sur une sorte de terrain de Damas ?
A bien des égards Sidya Touré, dont le parti a beaucoup dévissé lors de ces élections locales, en obtenant que 444 sièges de conseillers, joue gros dans les alliances que l’Ufr devra contracter, dans le cadre de la désignation des exécutifs communaux. Je parlerai même d’une question de survie pour l’ancien Premier ministre dont l’aura a fortement baissé, à cause de ses accointances avec le président Alpha Condé, dont il est le haut représentant.
Pour retrouver des couleurs, le parti n’a pas droit à l’erreur, dans son choix. Vent debout contre la déconvenue qui a résulté de ces élections locales, la jeunesse du parti a reçu l’engagement du président de l’Ufr de faire le ménage au sein de la maison. Des réunions ont été ensuite organisées à l’interne, loin des regards indiscrets, pour tirer les leçons du fiasco électoral. Et saisir l’à-propos du moment, en privilégiant bien entendu l’intérêt du parti, dans le jeu d’alliance en cours.
Certains observateurs président déjà que l’Ufr a choisi son camp. Celui du RPG arc-en-ciel. Si tel est le cas, cela voudra dire que ceux qui pensaient que le leader de l’Ufr allait saisir cette occasion pour trouver son chemin de Damas, n’ont pas bien cerné le personnage de Sidya Touré et ses ambiguïtés. Le président de l’Ufr, a certes exprimé sa déception sur le déroulement du scrutin du 04 février, mais realpolitik oblige, Sidya peut s’allier avec le RPG arc-en-ciel. Un rapprochement qui pourrait être perçu par les détracteurs de l’Ufr comme le mariage de la carpe et du lapin.
Mais l’essentiel pour les politiques étant de tirer les marrons du feu, il ne faut guère s’offusquer que M. Touré choisisse le bon côté du manche.
Pour vu que cela ne soit pas une nouvelle source de frustration et d’aliénation avec la base du parti.
En attendant que l’Ufr se prononce officiellement sur l’option choisie, il vaudrait mieux se garder de tout procès d’intention à son encontre.
Justement, puisque nous en sommes encore à subir les conséquences des élections du 04 février, vous vous attardez sur certains discours, notamment sur le discours du ministre de la Culture, des sports et du patrimoine historique, Sanoussy Bantama Sow, auquel discours tenu à Maréla, le ministre de l’Unité nationale a réagi, et pour vous Bantama Sow c’est comme un éléphant dans un magasin de porcelaines ?
Tout à fait, le ministre de la Culture, des sports et du patrimoine historique, Sanoussy Bantama Sow, s’est forgé la mauvaise réputation d’avoir de l’acrimonie dans ses discours. Comme le dit l’adage « chassez le naturel, il revient au galop. »
Ce membre influent du parti au pouvoir, qui ne sait pas adapter son discours à sa fonction, vient encore de choquer l’opinion par des propos à l’emporte-pièce, tenus récemment dans la localité de Maréla, dans la préfecture de Faranah.
En incitant les populations, victimes des violences post-électorales, survenues dans cette sous-préfecture à la vengeance, le ministre foule au pied les principes même de la justice de notre pays.
Bantama Sow dont la tournée dans cette préfecture couvait sans doute de mauvais desseins, a, dans sa fureur, jeté feu et flamme contre les sages de Maréla, qu’il a traités comme des moins que rien. De tels discours ne laissent entrevoir aucune lueur d’espoir dans la grisaille politique. À entendre ce ministre de la république, débiter de ses sornettes, on comprend pourquoi les débats spécieux autour des questions de réconciliation nationale et de paix, serinés par nos politiques n’ont plus droit de cité.
Les réactions recueillies autour de cette malencontreuse sortie de Bantama Sow, y compris sur la toile arrivent à la même conclusion, comme quoi M. Sow n’aurait rien dans le chou, à part manier l’insulte. Son homologue de l’Unité nationale, Khalifa Gassama Diaby n’est pas resté indifférent face à l’indécence des propos de Bantama. Lui, qui est la bonne conscience de ce gouvernement, a juré de confondre le ministre de la Culture pour son discours clivant.
Le défi est dantesque, quand on connaît la proximité de Bantama Sow avec le président de la république. C’est comme le lierre et l’arbre.