Nous nous situons à une période cruciale de la vie de notre nation qui connaît depuis trois mois une tension sociale des plus aiguës. Les grèves nées dans divers secteurs, surtout dans l’enseignement, hypothèquent dangereusement l’avenir de la jeunesse guinéenne. Plus généralement, elles ébranlent les bases fondamentales sur lesquelles nous nous sommes engagés depuis l’introduction du multipartisme en 1990, à bâtir une Guinée démocratique, unie et prospère. Elles sont symptomatiques d’une sérieuse perte de confiance des Guinéens envers leurs dirigeants. Cette situation nous interpelle tous, gouvernants et gouvernés ; et le dialogue est indispensable à l’apaisement que nous devons maintenant tous rechercher, sans exception et sans exclusive.
Jeunes de Guinée, comme chacun de nous peut le ressentir, l’un des obstacles majeurs sur cette voie de la concorde nationale est le phénomène du régionalisme et de l’ethnocentrisme.
Le régionalisme avec son équivalent anthropologique l’ethnocentrisme, c’est cette pratique consistant pour un citoyen à privilégier les intérêts de sa région de provenance par rapport aux intérêts de la communauté nationale, donc au détriment des intérêts des autres régions du pays. Le régionalisme est porteur de dérives graves aux conséquences désastreuses : il inhibe le développement économique, exacerbe les tensions dans les relations entre les communautés et alimente au plan politique les tendances au séparatisme. Et s’il a semblé disparaître pendant la période dite révolutionnaire, ce n’était qu’une illusion. De fait, comme un volcan en sommeil, enfoui sous les roches pesantes de la dictature, il s’est brutalement réveillé à la faveur des libertés démocratiques et du pluralisme politique, retrouvés après l’adoption par référendum du projet de Constitution instaurant le multipartisme le 23 décembre 1990. Dans tous les cas, aujourd’hui comme hier, il est clair que le régionalisme est fondamentalement étranger au peuple. Ce sont surtout les femmes et les hommes politiques qui le sèment, l’alimentent auprès des populations et l’érigent en fonds de commerce électoral pour satisfaire leurs ambitions personnelles et égoïstes de pouvoir.
Jeunes de Ratoma, vous êtes souvent les premières victimes de ces marchands de rêve sans scrupules, qui n’hésitent pas à vous utiliser à de basses besognes. Contre ces errements, contre ces pratiques de perdition de la nation, nous devons cultiver l’excellence, une sorte de méritocratie qui mette rigoureusement l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, qui récompense chacun à la mesure de ses performances au service du développement du pays. Tout cela, sans aucune considération de provenance régionale, d’appartenance ethnique, de croyance religieuse, etc. Au lieu de constituer un facteur d’opposition et de division, la diversité qui caractérise notre peuple dans les langues, coutumes et cultures de ses composantes mais aussi notre pays dans ses différentes potentialités naturelles, devrait être un stimulant, un enrichissement pour la promotion de notre bien-être commun. Que nous soyons ressortissants du Foutah ou du manding, de la Forêt ou de la basse côte, que nous parlions Malinké ou Soussou, Foulah ou Guerzé, Kissi ou Toma, que nous professions une foi chrétienne, musulmane, de culte endogène ou autre, que nous habitions la ville ou la campagne, nous sommes tous Guinéens. Nous devons assumer ensemble notre destin commun dans une clairvoyante approche de l’acceptation de nos différences.
Comme l’a si justement dit Barack Obama dans son célèbre discours de Philadelphie le 18 mars 2008, je cite : « Nous ne pourrons résoudre les défis de notre époque si nous ne les résolvons pas ensemble, si nous ne perfectionnons pas notre union en comprenant que nous pouvons avoir des histoires différentes, mais que nous entretenons les mêmes espoirs ; que nous pouvons avoir un aspect différent et ne pas tous venir du même endroit, mais que nous voulons tous aller dans la même direction, vers un avenir meilleur pour nos enfants et nos petits-enfants » Fin de citation.
C’est à ce sursaut patriotique que nous sommes appelés. Voulez-vous y croire comme moi ?