Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce dimanche, au spectre du réajustement des prix des produits pétroliers à la pompe et au rabotage de la subvention accordée par l’état à l’EDG, qui plane sur le contribuable guinéen. Il conclut sur le retard à l’allumage constaté dans la nomination du nouveau gouvernement et ses conséquences sur le moral de l’équipe de Mamady Youla.
Cette chronique est servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».
Talibé: Le FMI et la Banque Mondiale, donc les institutions de Bretton woods sont dans nos murs depuis une dizaine de jours, pour évaluer le Programme que la Guinée développe avec ces deux institutions. Alors, pourquoi le puits sans fond du FMI ?
Mamadou Dian Baldé : Sous le prétexte fallacieux que le Fonds monétaire international (FMI) aurait recommandé à la Guinée, davantage de rigueur dans la gestion des finances publiques, le gouvernement veut imposer une cure d’austérité brutale aux Guinéens. En décrétant un rabotage de la subvention allouée au secteur de l’électricité par une réduction drastique des fonds qui sont versés à EDG. Ce qui aura de facto un impact direct sur le réseau de production du courant électrique.
La capitale et ses environs pourraient ainsi renouer avec les délestages intempestifs de courant, notamment en période d’étiage.
L’autre mesure imposée à nos autorités, est celle portant sur un réajustement des prix des produits pétroliers à la pompe. Afin de remettre à flot les finances publiques, obérées par la récente revalorisation des salaires des enseignants de 40%.
« Mansuétude » qui a été étendue à tous les travailleurs de l’administration publique, in fine. Face à ce principe du puits sans fond, pour lequel le gouvernement veut opter, en vue de rester dans les bonnes grâces des institutions de Breton woods, des voix s’élèvent pour récriminer contre le pouvoir exécutif.
Parmi ceux qui ont poussé ces cris d’orfraie, il y a le mouvement syndical, pour qui augmenter les prix du carburant constitue une ligne jaune à ne pas franchir. Car cela risquerait de remettre en cause la paix sociale, achetée au prix fort.
Un avis partagé par l’opposition républicaine. Cette dernière déplore que ce soit encore le contribuable qui trinque, à la place de ceux qui grèvent notre budget. C’est en fait un secret de polichinelle de dire que l’État guinéen vit au-dessus de ses moyens. Avec son énorme parc automobile, constitué en partie de modèles flambant neufs. Réservés uniquement à des hauts cadres hors-sol, et à leurs proches. Ainsi qu’à des apparatchiks du parti au pouvoir, logés à la même enseigne que l’équipe dirigeante. Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres sur la boulimie de nos dirigeants.
Et quand il s’agit d’évoquer le fameux Programme avec le FMI, le gouvernement sait se montrer à cheval sur les principes, en invitant la population à se serrer la ceinture. « Comme ce moine qui prêchait contre le vol, quand il avait du boudin dans sa manche.»
Le contribuable guinéen se demande aujourd’hui si tous les sacrifices consentis, depuis l’avènement d’Alpha Condé au pouvoir en 2010, n’ont pas été vains. Avec la forte poussée de la précarité observée dans nos villes. On nous a pourtant brassé l’air avec cette histoire de PPTE, dont l’atteinte du point d’achèvement a permis à la Guinée, de bénéficier d’un allègement de sa dette à hauteur de 2,1 milliards de dollars us. Soit une réduction de 66% du futur service de sa dette extérieure sur une période de 40 ans.
D’ailleurs il est important de mentionner que la mission du Fonds a fait l’amer constat du coulage financier effarant auquel s’est livré le gouvernement guinéen, depuis un certain temps. Avec un endettement du trésor public auprès de la banque centrale qui surpasse les 2000 milliards de francs guinéens. Et une dette intérieure qui a atteint les 14 mille milliards de nos francs. Des chiffres qui donnent le tournis.
Le dilemme cornélien d’Alpha Condé
Justement, vous constatez que le président Alpha Condé est dans un dilemme cornélien, puisqu’il devra choisir entre les conditionnalités posées par les institutions de Bretton woods et la quiétude sociale. Parce qu’une hausse des prix des produits pétroliers à la pompe et un rationnement de l’électricité pourraient lui exploser en pleine figure, vous en êtes certain ?
Le chef de l’État a le choix entre obéir aux injonctions du FMI, en procédant à une hausse des prix du carburant, ou maintenir la situation en l’état. En tout état de cause, la moindre effervescence pourrait mettre en péril la quiétude sociale.
Le président qui a subi les affres de la rue, suite à la grogne du mouvement syndical de l’éducation, à laquelle s’était greffée la colère de l’opposition, saura certainement tirer la bonne pioche.
Le ministre du Budget, Mohamed Lamine Doumbouya n’a sans doute pas oublié les foudres qui s’étaient abattues sur lui, après sa sortie sur les antennes de RFI, le lendemain de la signature de l’accord mettant fin à la grève du slecg, en mars dernier. Les médias locaux lui étaient tombés dessus à bras raccourcis, après son annonce d’une éventuelle augmentation des prix des hydrocarbures à la pompe, et des coupes dans le budget consacré au secteur de l’électricité. Le ministre du Budget a dû certainement apprendre à ses dépens que son impertinence ne pouvait être tolérée. Raison de plus pour ne pas franchir de nouveau le rubicon.
Ces ministres qui rasent les murs
Vous pensez que dans un tel contexte, sur fond d’agitation du chiffon rouge d’un remaniement ministériel, les ministres d’Alpha Condé passent le plus clair de leur temps à raser les murs?
À mesure que le suspense perdure sur le remaniement ministériel annoncé par le président de la République le 8 mars, en pleine célébration de la fête de la Femme, les membres du gouvernement se sentent à l’étroit. La plupart serait en proie à des crises d’angoisse.
Il y a de quoi se faire du mouron. Surtout quand le président Alpha Condé accuse ses ministres de mettre du foin dans leurs bottes.
Même s’il ne faut pas s’attendre à ce qu’il leur fasse rendre gorge. Alpha Condé selon certains observateurs, c’est un peu comme Paul Biya du Cameroun, qui laisse ‘’les ministres et les hauts dirigeants se servir dans les caisses de l’État. Une manière de les éloigner du champ politique et s’assurer de leur soutien.’’
Il paraît aujourd’hui évident que c’est un président de la République qui avait le couteau sous la gorge, lorsqu’il a promis de faire le ménage au sein de son gouvernement. Mais on voit que Alpha peine à trancher dans le vif.