Madeleine Dioubaté, présidente démissionnaire du Parti des Ecologistes de Guinée (PEG) et candidate malheureuse à la présidentielle de 2015, a ‘‘révélé’’ lundi dernier que la bauxite guinéenne est sous-facturée. Invitée de l’émission Œil de Lynx, elle a dit que le gouvernement ne donne pas les bons chiffres concernant l’exportation du minerai.
Selon Marie Madeleine Dioubaté, en 2017, la Guinée a exporté près de 50 millions de tonnes de bauxite. Le prix à la tonne annoncé par le gouvernement guinéen serait de 24 dollars américains. Mais elle dit avoir mené des investigations et constaté qu’à l’époque, la tonne de bauxite coûtait entre 50 et 60 dollars américains. Ce qui représenterait une perte de près d’un milliard et demi de dollars américains. Si elle était facturée à 50 dollars, cela donnerait près de 2 milliards 500 millions de dollars à la Guinée.
L’ancienne présidente du Parti des Ecologistes de Guinée estime que cette sous-facturation de la bauxite guinéenne au niveau du marché international profite à des cadres tapis au département des Mines, au ministère des Finances et à la Présidence de la République. Elle a dénoncé un manque de transparence dans le domaine de la gestion des ressources naturelles du pays et souhaite que le gouvernement apporte des éclaircissements.
Des accusations qui ont fait réagir Alpha Oumar Barry, consultant
De la méconnaissance du mécanisme d’établissement du prix de la bauxite.
A la différence des minerais de fer et de cuivre, de l’alumine, de l’aluminium et de l’or qui sont cotés en bourse, il n’y a pas de marché formel de la bauxite. Le prix de la bauxite est négocié de manière contractuelle entre l’acheteur et le vendeur sur la base d’une formule de prix convenue. La bauxite est donc vendue de gré à gré. Le coût de transport de la bauxite guinéenne pour la Chine se situe autour de 20 $ la tonne, sans compter les coûts des opérations locales (en Guinée), qui peuvent atteindre 20 $ la tonne.
De la confusion entre chiffre d’affaires des sociétés et revenus de l’Etat.
Il ne faut pas confondre chiffre d’affaires (c’est-à-dire la valeur totale des ventes) avec les bénéfices. Le chiffre d’affaires est la somme des ventes tandis que le bénéfice vient après la déduction des impôts et des charges. L’Etat perçoit en plus de la taxe minière sur les quantités produites, l’impôt sur les bénéfices et éventuellement les dividendes.
En général, les sociétés qui sont en début de production font peu ou pas de bénéfice, parce qu’étant en phase d’amortissement de leur investissement. Il ne faut également pas confondre les ventes (chiffre d’affaires) d’une société et les revenus de l’Etat qui sont constitués d’impôts et de taxes, et de dividendes.
Du mécanisme de contrôle de l’Etat.
La Guinée a significativement amélioré la transparence dans le secteur minier, notamment par la publication des contrats miniers et la conformité à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Au titre de cette initiative, un contrôle international indépendant est réalisé sur tous les revenus payés par les sociétés minières à l’Etat. Il est donc impossible que les sociétés déclarent des montants qui n’aient pas été encaissées par l’Etat sans que cela ne soit découvert par l’audit desdits revenus par l’ITIE dont les rapports sont publiés et disséminés dans tout le pays.
Par ailleurs, les éventuelles évasions ou fraudes fiscales (notamment la sous-évaluation de leurs recettes ou la sous-facturation) qui pourraient exister dans les sociétés sont l’objet de contrôles fiscaux qui se réalisent périodiquement dans ces sociétés. Toute fraude qui existerait aura été découverte ou le serait au cours de contrôles fiscaux auxquels sont assujetties toutes les sociétés minières.
Des accusations infondées : Elles sont imprécises et sans preuve.
Les allégations à l’endroit de certains cadres des Ministères des Mines et des Finances, ainsi que de la Présidence, portant sur un montant de 1,5 milliard de dollars, semblent surprenantes et inimaginables non seulement à cause des confusions dans le calcul du montant (expliquées plus haut), mais aussi à cause de l’importance de ce montant qu’il est impossible de manipuler en dehors du circuit financier officiel local et international. A moins que les auteurs de ces accusations ne fournissent des noms et des preuves de leurs allégations, les personnes concernées et l’Etat sont en droit de les poursuivre pour diffamation.
Abdoul Aziz Sylla