Censure

‘‘Au lieu que le président dise que les gens sont mal formés, il aurait dû situer les responsabilités ne serait-ce-que pour ses 7 ans de mandat’’, réagit un enseignant, syndicaliste

Suite aux nouvelles piques lancées par le président guinéen Alpha Condé aux enseignants du pays, lors de la clôture de l’évènement Conakry Capitale Mondiale du Livre, les réactions se multiplient dans le secteur. Notre rédaction s’est entretenue lundi soir avec Elhadj Mamadou Saliou Diallo, secrétaire général de l’ONSLG (Organisation Nationale du Syndicat Libre de Guinée) et enseignant.

« L’enseignement guinéen est malade. Comment un professeur qui est incapable de faire une dictée de CE2 peut enseigner nos enfants ?» S’est interrogé Alpha Condé le week-end dernier au Palais du peuple de Conakry. Interrogé par nos soins, El Saliou se dit conscient de la situation.

« J’étais ahuri et en même temps conscient de la situation. Ahuri parce que pendant la deuxième République, le recrutement se faisait par contractualisation. Et avant que l’intéressé ne puisse être titulaire à la fonction publique, ça trouvait qu’il a au moins fait trois ans ou cinq ans, donc il a acquis un peu d’expérience… Les élèves qui sont sortis de ce système en ce moment-là étaient compétitifs et en Guinée et à l’étranger », fait-il savoir.

Poursuivant, cet enseignant trouve « paradoxal qu’à partir de 2010-2011, en faveur de l’arrivée du président (Alpha Condé, ndlr), une politique d’emploi a été mise en œuvre et on ne sait pas quels sont les types de personnes qui ont été recrutés. Ensuite, on a vu des gens parachutés dans le secteur et l’enseignement a été transformé en un point de passage pour les autres ministères. Ce qui se poursuit de mal en pis ».

Abordant la question des responsabilités, El Saliou pointe du doigt les autorités éducatives : « Donc, au lieu que le président dise que les gens sont mal formés, il aurait dû situer les responsabilités ne serait-ce-que pour ses sept ans de mandat. Nous (ONSLG, ndlr) nous avons demandé un audit à la fonction publique, pour savoir qui est rentré ou qui est sorti, nous n’avons pas été écoutés. Maintenant que les enseignants réclament une augmentation, on veut faire de l’amalgame. »

Cette sortie est donc en lien avec les récents mouvements dans le secteur éducatif ?

« Mais oui. Sinon l’Etat paye ce qu’il a à payer et c’est de son devoir de retirer du système éducatif tous ceux qui sont inaptes », tranche notre interlocuteur.

Qu’est-ce qui explique donc « la faiblesse du niveau » des enseignants guinéens ?

« Il faut poser la question à ceux qui ont supprimé l’école normale supérieure de Manéyah, pour créer l’institut supérieur des sciences de l’éducation, alors que dans tous les pays francophones c’est l’école normale. Sans oublier les ENI (école normale des instituteurs) qui ont également été fermées au profit d’une formation accélérée qui en réalité n’ont aucune base scientifique solide », répond-t-il.

Pour conclure, le syndicaliste vient à l’évidence d’un échec dans l’enseignement guinéen : « Donc la Guinée a échoué et on a échoué tout simplement parce que les politiques en la matière ne cadrent pas avec la réalité du terrain. »

Entretien réalisé par Alpha Mady pour Guinee7.com

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