Les élections communales ont eu lieu le 04 février 2018. La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a proclamé par la suite les résultats définitifs après la période d’examen par les tribunaux de première instance (TPI) des contentieux enregistrés. Le code électorale adopté par l’actuelle législature stipule que les décisions des TPI ne sont susceptibles d’aucun recours, mais cela n’a pas empêché l’opposition dite républicaine conduite par son chef de file de « réclamer les vrais résultats » et de s’arcbouter sur cette position. Cette opposition précise que « les contentieux électoraux qui font l’objet de ses réclamations concernent 12 circonscriptions sur près de 340 que comptent la Guinée ». A cet effet, elle a organisé des manifestations de rue qui ont enregistré près d’une dizaine de personnes tuées. Par la suite elle a fini par rejoindre « la table de négociation au sein du comité de suivi des accords politiques présidé par le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation ». Depuis lors, ce comité de suivi (composé de représentants de la mouvance présidentielle, de l’opposition républicaine et de l’UFR) n’a pas pu dénouer la crise.
Le Gouvernement de son côté s’obstine de ne pas procéder à l’installation des élus communaux alors que les dispositions réglementaires l’y obligent. Cette situation inédite et paradoxale nous interpelle par plusieurs aspects :
- Le délai imparti est largement dépassé, pour que le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation convoque les élus communaux pour la tenue de leur assemblée inaugurale. La Cour Constitutionnelle, qui est compétente en matière électorale et est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et des pouvoirs devrait s’inquiéter de ce dysfonctionnement préjudiciable à la marche de l’Etat. Les conséquences de ce retard impacteront négativement le calendrier électoral de notre pays. Les élections législatives devant se tenir au plus tard en février ou mars 2019 deviennent incertaines. Dans ce cas, la révision des listes électorales, une nouvelle loi relative à la CENI et l’établissement de nouvelles cartes d’électeurs seront des contraintes difficilement contournables.
- Que penser d’une opposition qui n’hésite pas à exiger « le viol de la loi électorale du pays » ? D’habitude c’est la partie gouvernementale qui fait fi de la loi pour satisfaire ses intérêts partisans. En ce qui concerne les communales , demander à passer outre les dispositions légales pour procéder à des « arrangements » qui seraient contraire à loi ouvrirait sans aucun doute une incertitude sur les capacités de la CENI à pouvoir organiser des élections apaisées, acceptées et crédibles pour le futur. Alors, la Guinée risquerait d’être davantage fragilisée. Cette forme d’opposition qui siège au parlement et qui possède des représentants à la CENI, en agissant ainsi mise sur une déstabilisation rampante de la Guinée, encourageant ainsi de fait le recours à la violence politique. Cette stratégie suicidaire a d’ores et déjà était condamnée par l’ensemble des représentations diplomatiques accréditées en Guinée.
- Recul de la responsabilité régalienne : Le gouvernement également à travers le Ministère en charge de l’administration du territoire et de la décentralisation qui assure la tutelle des collectivités locales est pris en défaut dans l’exercice de sa responsabilité régalienne. Comment est-il possible qu’un « comité de suivi » puisse bloquer l’application de l’acte souverain du peuple guinéen qui par des votes a élu les conseillers communaux ? Ce comité serait–il un organe délibérant au dessus de la Cour Constitutionnelle du pays ? Cette obstination a privilégié « un consensus » au détriment d’une stricte application des lois électorales, génère une perte de confiance vis-à-vis du gouvernement et décrédibilise l’ensemble des institutions consacrées par la constitution. Ce laxisme entretenu porte atteinte à l’autorité de l’Etat et pousse aussi, lentement et sûrement à une déstabilisation de la Guinée. A cet égard, il est utile de méditer le cas du Mali voisin. Le consensus mou du Président ATT dans la gestion publique a viré en un laxisme systématique qui a abouti à la perte de la souveraineté malienne au profit de groupes affairistes et/ou terroristes. Il en est de même de la longue agonie de la République Centrafricaine où ses élites politiques toutes tendances confondues ont pactisé avec « le diable » transformant ainsi leur pays en un champs de ruines, démembré où des milices armées font régner leur terreur.
- La restauration de la normalité constitutionnelle qui s’appuie sur la primauté de l’autorité de la loi est une urgence. En effet, ces dernières années une pratique malsaine a été instaurée dans la gouvernance politique de la Guinée. A chaque série de manifestations de rue de l’opposition pour des réclamations plus ou moins fondées, la violence s’est invitée faisant des morts et des handicapés à vie. Ensuite un « dialogue politique national » dénoue la crise par l’adoption d’un « accord politique gouvernement/opposition » qui maintien le statuquo et en contrepartie des avantages et des privilèges intuitu- personae sont accordés à la partie adverse. C’est le cas pour le partage du pouvoir local depuis 2015 par l’instauration des délégations spéciales. C’est le cas également pour la fixation des avantages au chef de file de l’opposition. Ce rituel est également engagé pour parvenir à un « arrangement extra-légal » pour les présents résultats des élections communales. Il est de bon aloi de déclarer « la paix n’a pas de prix ! » pour justifier à chaque fois des « arrangements » qui fragilisent l’Etat de droit. A la marge de cela, l’activité politique a déserté peu à peu les canaux de la confrontation nécessaire des idées, pour se rapprocher des rives de la délinquance violente avec des milices armées (sections cailloux) des assassinats et une violence instrumentalisée (affaire judiciaire en attente relative au cas de Boubacar Diallo dit Grenade et consorts).
En guise de conclusion
Le Président de la République, clé de voûte des institutions et garant de leur bon fonctionnement ne devrait pas tolérer encore plus longtemps cette entorse grave à l’ordre républicain. En effet la non-installation des élus communaux est purement et simplement une négation de la souveraineté du peuple de Guinée qui a élu peu ou prou des citoyens pour gérer les collectivités locales du pays.
L’existence de conseils communaux pluralistes où des diverses sensibilités sont représentées n’est–il pas le meilleur moyen d’enraciner une culture de gouvernance locale partagée et solidaire ? Devons-nous priver encore longtemps notre pays de ce puissant levier de participation citoyenne et de développement local ?
La stabilité de la Guinée repose avant tout sur les conseils communaux qui représentent les populations à la base. L’intérêt national recommande de se hâter pour que leur installation soit effective afin d’asseoir une gouvernance locale facteur de paix et de concorde nationale. Il est impérieux de restaurer la confiance qui est profondément écorchée !
BAH Oury
Ancien Ministre
Animateur national du mouvement « Le Renouveau »
1er Vice-Président de l’UFDG