La tradition remonte aux Cent jours de Napoléon. Elle fait référence à la brève période de trois mois au pouvoir de l’Empereur qui suit son évasion de l’île d’Elbe le 20 mars 1815. Ces événements, du «vol de l’Aigle» jusqu’à l’abdication définitive, sont au cœur de la légende napoléonienne.
Étant un exercice assez régulier dans l’arène politique de la France, l’analyse des cent jours d’un gouvernement ou d’un nouveau Premier Ministre a pris de l’envol sur le continent africain. Le traditionnel cent jours n’est pas l’occasion de dresser un bilan. C’est plutôt l’instrument de mesure et d’évaluation des politiques publiques et de la stratégie de mise en œuvre de la feuille de route de chaque département. C’est en quelque sorte une boussole. C’est le début des grandes décisions et orientations politiques pour le plan triennal, quinquennal ou septennal. C’est aussi le début des espoirs quand les signaux s’allument de mille feux. Il pourrait encore devenir le début des désespoirs ou des illusions vendues ou finalement la fantasmagorie.
Nommé le 21 mai 2018 au poste de Premier Ministre, chef du gouvernement, Ibrahima Kassory Fofana a constitué son équipe 5 jours plus tard avec un total de 36 départements ministériels dont deux secrétariats généraux avec rang de ministre.
Cent jours après, une autopsie s’impose.
Quel signal pour ce début d’exercice ? Quel espoir avec ce gouvernement ? Et quelle fausse note ?
De sa nomination à aujourd’hui, on peut détecter 03 bourdes assez nuisibles pour une gouvernance.
- Le faussé béant entre le gouvernement proche du peuple comme annoncé par le Chef de l’État et celui actuel,
- Les désagréables conditions de nomination du Premier Ministre qui violent carrément le pouvoir discrétionnaire du Président de la République,
- Le raté observé dans la constitution du gouvernement avec des oublis et voire même des rejets de postes.
Après tous ces manquements enregistrés au départ, d’autres imperfections considérables ont été observées pendant les Cent jours. Contradiction, impuissance, impopularité et illusions sont entre autres les caractéristiques fondamentales de ces premiers Cent jours d’un séjour indéterminé.
– Contradiction
La fissure entre les membres du gouvernement est de taille. Nul n’a besoin de loupe pour voir cette triste et amère réalité. Le principe de solidarité gouvernementale est à rude épreuve. Pour des questions de valeur et de principe démocratique, certains ne veulent point être associés à une quelconque violation des droits et libertés individuels ou collectifs par d’autres qui lessivent dans la démagogie. C’est le cas de l’interdiction des manifestations faite par le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, Bouréma Condé et sagement déplorée par le Ministre de la Citoyenneté et de l’Unité nationale, Khalifa Gassama Diaby.
– L’impuissance
La vérité fait rougir les yeux mais elle ne les casse pas. Kassory Fofana est loin d’être le commandant du navire. Même avec la formule banale qui dit que le Premier Ministre gouverne et le Président, préside n’est admise. Il est à l’image de ses prédécesseurs ou même le pire des cas. C’est un commandant qui ne donne pas d’ordres. Il les reçoit, plutôt. Paradoxe !
– Impopularité :
Ce gouvernement est d’abord né d’une malheureuse situation avec des réclamations violentes et urgentes sous la forte pression sociale. Il résulte également d’une crise syndicale et politique qui a considérablement affecté l’autorité de l’État.
Le gouvernement a été constitué à une période où la légitimité du Président était tenue par des fils d’araignée. Le Chef de l’État a eu la maladresse de choisir un Premier Ministre dont le passé ne rassure personne. Des ministres méconnus par quelques uns et décriés par d’autres. Seulement 2/10 bénéficient de l’estime des citoyens pour leur prise de position ou encore le rôle qu’ils ont joué pour la consolidation de la paix et du dialogue politique. Les décisions impopulaires telles que la majoration du prix du carburant, la corruption à ciel ouvert, le détournement des deniers publics, le train de vie insolent des dignitaires du régime et le manque de lisibilité et de sérénité dans l’action publique sont des facteurs d’impopularité du gouvernement de tous les espoirs et très désormais trop loin du peuple.
– Illusions
Promesse ! On en a eu ! C’en est trop !
Réaliser une croissance économique à deux chiffres avec un taux de croissance de 10% mieux que la Côte D’Ivoire et cela en moins de deux ans seulement. Produire et exporter de l’énergie vers la sous-région. Faire de kankan la première ville couverte par l’énergie solaire mais très malheureusement qui a coïncidé avec la mort du chinois. Le réseau autoroutier Coyah-Mamou…
La croissance réalisée sous le Président Alpha Condé n’a jamais été faite sous aucun régime, tout en niant le niveau de vie du guinéen lambda. Les 20 milliards chinois et 20 autres milliards européens. Ce n’est que du pipeau, c’est du vent !
Quel espoir ?
Il ne faut jamais dire pour être prudent que rien ne sera pas possible avec ce gouvernement. Mais sans risque majeur, on peut dire qu’il n’existe aucun signal fort pour espérer. Le gouvernement doit sortir cependant de l’arrogance, du mépris pour le concret et le vrai. Et pour cela, il faut un nouvel homme à la primature qui inspire confiance et autorité dans une extrême urgence.
Wassalam !
Habib Marouane Camara
Journaliste et analyste politique