Censure

Cent jours au budget : Ismaël Dioubaté, un discret réformateur dans un contexte assez réfractaire (Par Habib Marouane Camara)

Il demeure très peu connu dans le populisme. Il ne fait pas de bruits mais en Cent jours, il a marqué avec son empreinte, l’histoire d’un département aussi crucial par un remarquable courage.

Cet oiseau rare est pour beaucoup un mystère. Une révélation mais surtout un réformateur tranquille et impressionnant. Avec une fermeté ajustée et la pédagogie nécessaire, les réformes deviennent de plus en plus contraignantes dans une économie abyssale ou totalement déficitaire.

Malgré les contingences budgétaires dans un climat social et politique très agité et instable, le Ministre du Budget, Ismaël Dioubaté, est suffisamment vacciné avec un mental d’acier pour un rendement imminent et probant. La requalification des recettes de 14% de janvier à mai, et  de 11% de juin à août malgré la crise enregistrée dans le secteur syndical est un cas illustratif.

Conformément à la lettre de mission que lui a confiée le Premier Ministre Chef du gouvernement, le Ministre du Budget se doit comme tâches principales :

  • La mobilisation et la sécurisation des recettes de l’État
  • La qualification des dépenses publiques et,
  • L’accroissement de la transparence du budget à travers la publication trimestrielle des dépenses ce, conformément à la lettre de recommandation faite par les partenaires financiers étrangers.

Pour ce faire, le Ministre doit impérativement avoir trois qualités à savoir : la compétence intellectuelle, le courage et l’intégrité.

Toutes ces qualités sont reconnues, bien entendu, au jeune banquier.

Certes, il est assez tôt de lui décerner un satisfecit de grand mérite mais il serait incompréhensible de ne pas reconnaître aussi le mérite de l’homme.

Des actes suicidaires mais nécessaires

C’est un Ministre fougueux contraint à un résultat immédiat qui part très tôt en guerre contre les Directeurs Administratifs et Financiers (DAF) qualifiés « d’intouchables ». La mesure dite ‘’mouvement général des DAF’’ a été un coup de pied dans la fourmilière. Des DAF plus puissants que des ministres dans le passé ont été réduits et obligés au respect de la rigueur administrative. Ces premiers jours, bref, ont été marqués par cette historique décision de permutation des DAF. Ismaël a mis au pas les indélicats et les réfractaires au changement.

L’interdiction formelle faite à tous les Directeurs de régies de parrainer toutes manifestations politiques ou sociales.

La dématérialisation des payants par chèques pour les impôts et taxes afin de privilégier les virements bancaires pour lutter contre toute tentative de fraude. Cela permet d’éviter des chèques barrés avec ratures qui sont de nature à prêter à confusion.

La mise en place de trois ponts bascules au niveau de trois postes frontaliers du pays dont kourémali.

On peut citer comme résultats également :

  • La mise au travail des cadres de l’administration financière,
  • Le respect du calendrier budgétaire lié au cadre législatif du débat d’orientation budgétaire,
  • Le séminaire gouvernemental sur les mécanismes de préparation du budget au mois d’août dernier. Ce qui a permis à bon nombre de ministres de s’approprier les mécanismes de préparation, élaboration et exécution du budget sectoriel.
  • L’innovation dans les mécanismes de recouvrement des recettes (vignettes) avec l’accompagnement de toutes les banques primaires sans discrimination.
  • L’attribution du marché pour le guichet unique sur le commerce extérieur a été accélérée après la passation du marché par son prédécesseur.

Informatisation et modernisation des instruments de travail comme solutions idoines de lutte contre la fraude et la corruption

Il attache du prix au travail de qualité pas seulement pour le résultat. L’appréciation positive sur les critères qualificatifs et quantitatifs du mois de juin faite par des experts en séjour au pays  dans le cadre de la deuxième revue du FMI est une note toute particulière.

En un laps de temps, Ismaël Dioubaté décide de mettre fin à des pratiques malsaines dont la fraude et la corruption. Pour y parvenir, il opte pour le système interconnecté. C’est entre autres :

  • L’interconnexion entre les régies financières elles-mêmes et entre ces régies avec la banque centrale (douane, impôts et banque centrale).
  • Développement d’un site web mis à la disposition des citoyens pour pouvoir dénoncer tout cas de fraudes. La contribution citoyenne dans la lutte contre la corruption à travers la dénonciation.
  • Le renforcement des capacités des ordonnateurs des dépenses sectorielles (ministres) et les DAF dans l’utilisation d’un plan DAF qui permet  d’accéder à distance avec la fibre optique à la chaîne de dépenses. Les DAF ne sont plus obligés de venir faire la queue à la salle informatique du ministère du budget. Ce qui est une grande innovation.

Un fidèle parmi les fidèles et grand stratège politique au service exclusif du PRAC

Orateur exceptionnel et débateur stratège, Ismaël Dioubaté a marqué le monde politique ces derniers temps avec des prises de positions fracassantes. En 2014 et 2015, il a occupé tous les grands plateaux de débats politiques du pays.

Parmi les concepteurs et prometteurs du fameux ‘’ Coup KO de 2015’’, Ismaël était à tous les fronts de lutte. Il n’est pas ce cheveu qui est tombé dans la soupe. Il défendait avec bec et ongles, son mentor dans les universités du pays, partout où il fallait. De conférences en conférences, de meetings en meetings, des débats de radio aux débats de télé, ce bouillant ministre au parcours académique riche ne maîtrise pas que les chiffres. Son talent oral est irréprochable, son engagement ferme auprès du Président de la République par qui d’ailleurs, il jure, ne souffre d’aucune ambiguïté. Il avait le don de déstabiliser son adversaire et il était très difficile pour bon nombre de lui tenir tête dans un débat contradictoire. Car, il savait faire le mixage juste entre les chiffres et les lettres pour être mieux compris.

Comme on aime à le dire, la constance politique paye toujours. Et un acte vaut mieux que mille discours.

Par Habib Marouane Camara

Journaliste et Analyste Politique

 

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