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La bancarisation : levier du développement socio-économique de la Guinée

La bancarisation se définie comme étant la proportion de la population titulaire d’un compte en banque. Elle est mesurée par un indice appelé taux de bancarisation. Cet indice traduit essentiellement le niveau de pénétration des services bancaires et financiers dans un pays.

En République de Guinée, cet indice est très bas. Ce qui traduit un état de faible bancarisation généralisée. Selon les chiffres officiels de la Banque Centrale, le taux de bancarisation tourne autour de 11% en Guinée contre 20% dans l’espace UEMOA, 29,7% au Nigéria, plus de 50% au Maghreb, près de 100% en Afrique du sud et 100% pour les pays développés.

En observant ces chiffres, on se rend bien compte, il existe donc un véritable problème de niveau de bancarisation en Guinée, qui, se ressent d’ailleurs à tous les niveaux de la vie économique.

L’objectif de ce travail est de passer en revue de façon préliminaire, les principaux facteurs explicatifs de la faible bancarisation dans notre pays.

Les informations utilisées dans cette analyse sont le fruit d’une recherche documentaire. Les données statistiques utilisées proviennent essentiellement bulletin des statistiques monétaires, financières et de balance des paiements de la Guinée – 2017 et du WDI 2017 (World Developpement Indicator) produit par la Banque Mondiale.

Toutefois, il convient de souligner que des difficultés importantes ont jalonnés la collecte des données utilisées dans le cadre de cette petite analyse. Du coup, certaines variables potentiellement explicatives du phénomène de la faible bancarisation n’ont pas pu être prises en compte dans ce travail par manque de données statistiques.  De plus, nous pensons à notre fort intérieur que pour une bonne explication de ce phénomène, un modèle économétrique s’impose. Compte tenu, des contraintes liées à l’élaboration dans un délai très court, d’un modèle macroéconomique, à la collecte des données sur une longue période (au minimum, 15 observations) couronnées par les difficultés liées à la lecture et /ou compréhension de la modélisation ou encore du manque de considération de certains lecteurs des modèles économétriques par méconnaissance de leurs portées, nous nous contentons d’une simple analyse descriptive du phénomène étudié.

D’entrée de jeu, il convient de souligner que la faible bancarisation de l’économie guinéenne trouverait son explication dans des facteurs diverses et variées. Au nombre de ses facteurs, figurerait le niveau de développement économique, social ; réglementaire et institutionnel. Ces éléments précités détermineraient l’environnement global. A côté de ces facteurs globaux, nous pouvons ajouter des facteurs particuliers au secteur bancaire comme les conditions d’ouverture des comptes, le taux d’intérêt des crédits à la clientèle, la taille des banques, etc.

Cependant, en absence d’étude approfondie sur cette problématique (à notre connaissance), il est difficile de se prononcer sur la causalité entre le faible taux de bancarisation et les facteurs précités, et encore moins sur leur degré de contribution. La présente tribune vise à attirer l’attention des autorités publiques autour du phénomène ayant fait l’objet d’analyse en vue d’éclairer les politiques correctives sur les causes.

Toutefois, pour plus de détails, nous pensons que la faible bancarisation dont souffre l’économie guinéenne se résumerait principalement à 3 facteurs dont entre autres :

La faible densité du réseau bancaire :

En 2017 nous avons en République de Guinée 16 banques agrées dont 15 en activité avec un total 166 agences (agences et guichets compris). Suivant les données de la Banque Mondiale, la population guinéenne  est environ de 13 millions d’habitants. Ce qui représente donc un taux moyen de couverture bancaire de 78 788 habitants/guichet, soit plus de quinze fois la norme communément admise au plan international qui est de 5.000 habitants/guichet.

En examinant de près la répartition géographique de ces guichets, l’on se rend compte que l’essentiel de ces guichets sont implantés dans les grandes villes où les banques développent leurs activités en priorité. Les villes secondaires et surtout les zones rurales sont desservies. Une partie importante de la population est ainsi délaissée du simple fait de son lieu de résidence.

Par ailleurs, il convient de reconnaitre néanmoins que le secteur bancaire guinéen se modernise progressivement avec l’automatisation des transferts, le déploiement de la télécompensation et l’introduction de la carte bancaire. Ces innovations citées ci-dessus constituent un préalable au processus de bancarisation. Pour garantir une politique de bancarisation de masse, il faudrait trouver une approche globale, impliquant tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale du pays pour mener à bien cet important chantier car, en dépit des efforts fournis, les services financiers demeurent inaccessibles pour la grande majorité de la population.

La part importante de la circulation fiduciaire :  

La circulation fiduciaire tournait autour de 7 257, 54 milliards en juin 2018  sur une masse monétaire globale de 23 423,64 milliards soit un taux de liquidité de 31,00%. Compte tenu de notre culture de cash, les guinées recouvrerait peu aux moyens scripturaux de paiement. Pour pallier à cette problématique, la banque centrale doit prendre les mesures adéquates pour faciliter l’usage desdits moyens de paiements par exemple en mettant en place une loi autorisant les commerçants à accepter tout paiement scriptural d’un montant supérieur à un montant de référence (seuil fixé).

La forte utilisation de la monnaie fiduciaire dans le règlement des transactions, risque  d’engendrer des problèmes importants tant au niveau de la mobilisation de l’épargne que du financement de l’activité économique.

Le développement important des institutions non bancaires de financement telles que les Institutions de Microfinance (IMF) :

Il en existe officiellement 25 IMFs agréés dont 23 en activité avec 350 points de services pour 531 000, soit une couverture de 37 143 habitants/point de service. Ces institutions ont offert en 2017 des services financiers d’un montant de 316 milliards (ce montant est largement inférieur aux crédits à l’économie octroyés par le système bancaire qui tourne autour de GNF 8 220,17, alors que les IMFS doivent accordés plus de crédits que les banques) à près de 500 000 bénéficiaires directs. A la lecture de ces chiffres, l’on se rend bien compte que malgré leurs implantations jusqu’au dernier village de la Guinée, les Institutions de Microfinance (IMF) les services offerts par ces derniers ne couvrent qu’une faible portion des besoins de financement de l’économie.

En somme, pour faire face, à ces difficultés, nous pensons que la formalisation du secteur informel s’impose. L’économie informelle implantée dans tous les secteurs de l’économie, n’ayant pas accès au financement bancaire recourt à d’autres sources de financement dont : la microfinance, les systèmes de tontine et tous les autres systèmes de solidarité existants. Cette situation, pose un véritable problème pour la définition d’une stratégie de développement économique, notamment au niveau de la maîtrise du coût de financement.

Il est donc important, voire nécessaire de créer les conditions favorables à une utilisation du financement bancaire. D’où la nécessité de la bancarisation de masse des populations. Elle permettra, au-delà de la sécurisation des avoirs et des transactions, de créer un climat de confiance entre les établissements de crédit et les populations qui pourront ainsi recourir à leurs relations bancaires pour assurer le financement de leurs activités économiques.

Enfin, système financier (ici restreint aux banques et microfinances) doit stimuler la distribution des microcrédits afin d’attirer les populations les plus démunies dans la vie économique. En effet, de par leur proximité et la souplesse de leurs conditions, les IMF constituent pour une grande partie de la population une véritable passerelle vers la bancarisation.

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Mamadou Safayiou Diallo

Economiste, Enseignant-Chercheur

Membre du CRED

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