La constitution guinéenne dans ses articles 7 et 10 garantit et reconnait à tout citoyen le droit de « manifestation et de cortège ». Montesquieu écrivait à propos de la liberté “II n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tant de manières, que celui de liberté”. Cette nécessité de liberté qui est aujourd’hui l’enjeu majeur de toutes les démocraties, et qui peut avoir des sources différentes au sein d’un État (constitution, lois, déclarations, etc…) Cependant cette quête de liberté permanente est souvent confrontée à une problématique majeure dans tous les États du monde, c’est celle de l’ordre public. L’une des modalités d’exercice des libertés est la manifestation sur les voies publiques.
La manifestation est un rassemblement de personnes utilisant la voie publique, de façon fixe ou mobile, pour exprimer collectivement une volonté commune. Elle est également un moyen habituel de revendications sociales et politiques. En toute circonstance, l’exercice de la liberté de manifestation rencontre un obstacle majeur : utilisant la voie publique, elle est considérée comme dangereuse pour l’ordre public. La conciliation s’avère donc très délicate entre la sauvegarde de l’ordre public et l’exercice d’une liberté dont la nature même en constitue une menace.
L’ordre public permet en outre de prendre en compte des considérations d’intérêt général en vue d’atténuer la portée de certaines règles constitutionnelles, y compris des droits ou libertés. Ce qui peut amener à des restrictions de certaines libertés. Mais ces restrictions, elles ne doivent pas être générales et absolues. C’est pour permettre à ce que d’autres droits et libertés ne soient pas violés par des troubles à l’ordre public. Voilà ce qui fait la complexité de la chose, et surtout la difficulté de concilier les deux.
Pour comprendre les deux notions (ordre public et liberté), on peut ainsi les opposer aux notions de liberté individuelle et collective. C’est-à-dire que la liberté est individuelle tandis que l’ordre public est collectif, car son maintien permet aux libertés de la majorité de s’exercer.
Pour permettre l’exercice de la liberté des uns (droit de manifestation), et permettre également à ce que les droits des autres (ce qui ne manifestent pas) soient préservés, je préconise les solutions suivantes pour éviter les morts d’hommes, les destructions de biens lors des manifestations publiques :
L’installation de vidéosurveillances sur toutes les voies publiques
C’est un fait regrettable aujourd’hui de constater dans notre pays des cas de morts à l’occasion de chaque exercice des libertés. Le plus triste dans cette situation est qu’il n’y ait aucun coupable qui soit traduit devant la justice. Certes, j’en conviens que la justice à ses rythmes, ses méthodes et mêmes ses mythes, mais après tant de crimes commis et qu’il n’y ait aucun condamné, je trouve cela très préoccupant. Cependant, présenter des accusés à la justice sans la moindre preuve sur leur culpabilité, c’est comme un cultivateur qui va au champ et qui oublie ses outils de travail. La conséquence, c’est qu’il va soit resté sans travailler ou soit retourné à la maison chercher ses outils. Eh bien la justice c’est pareille. Des accusés sans preuve à la barre, la suite, c’est la relâche pure et simple.
Pour permettre à ce qu’il y ait aucun coupable criminel qui erre dans la nature après avoir accompli sa sale besogne, je propose à ce qu’il soit inscrit dans la loi, que toutes les municipalités de plus de 1O milles âmes disposent de dispositifs de vidéosurveillance dans tous les espaces publics.
Les vidéosurveillances peuvent permettre la facilitation et l’accélération du travail des enquêteurs après la commission d’un délit ou d’un crime sur l’espace public. On sait tous aujourd’hui que les différents crimes et délits observés lors des manifestations se passent sur la voie publique. Ce moyen matériel technologique peut permettre d’identifier facilement les coupables (que ce soit au sein de la police ou venant d’autres personnes).
C’est une honte de savoir aujourd’hui que dans une capitale comme Conakry qu’il n’y ait pas de caméras surveillance dans toutes les artères publiques.
Des caméras piétonnes pour la police
C’est un euphémisme aujourd’hui de dire que la police est la principale accusée dès lors qu’il y a mort d’homme lors de manifestations. Et c’est logique de dire ça, puisque ce sont les policiers qui disposent de moyens de maintien d’ordre. Nonobstant le constat selon lequel les manifestations ne sont pas pacifiques, et ça c’est peu de le dire.
Cependant pour ceux qui clament haut et fort que les policiers sont tout blancs dans ces meurtres (les autorités), je les propose dans la réforme engagée au niveau des forces de l’ordre, l’utilisation des caméras piétonnes par les policiers anti-émeutes lors des manifestations publiques. C’est un dispositif qui sera accroché à la veste ou au gilet des agents. Une telle initiative au sein de nos forces de l’ordre, peut permettre d’apaiser les tensions entre manifestants et policiers. Car chacun sait qu’il est désormais observé (l’un_le policier_par sa caméra piétonne accroché à son gilet, et l’autre_le manifestant_ observé par la vidéosurveillance). Ces caméras peuvent être pour moi, un moyen contribuant très largement au bon déroulement des interventions sur le terrain. C’est un dispositif qui a déjà été utilisé dans certains pays notamment la France dans les zones sensibles.
Je n’oublie pas pour autant que ces moyens technologiques modernes peuvent engendrer des moyens supplémentaires très élevés pour le budget de l’État, mais à côté des vies et surtout de la paix, aucune mesure n’est de trop.
Le limogeage de tous les procureurs passifs de la république
La justice est une institution qui veille au respect des lois et préserve les droits de chacun.
La première fonction de la justice est de faire en sorte que tout le monde respecte le droit. Ainsi, la justice protège les citoyens d’un éventuel trouble et empêche qu’on porte atteinte à leurs droits. Parfois elle met le droit en œuvre pour protéger directement certains citoyens.
Une bonne justice est une justice proactive, et non une justice réactive, surtout quand elle est saisie par les autorités de haut niveau pour éclaircir des affaires suite à des indignations publiques. La proactivité de la justice doit se manifester par des procès sanctionnant les comportements anti-sociaux et antirépublicains.
La sanction est très importante dans une société. Elle permet d’éviter la répétition des bêtises, d’être un moyen de mise en garde et de dissuasion. Bref, c’est un bouclier contre les infractions. Alors que l’impunité encourage la commission des crimes et délits. C’est la triste réalité aujourd’hui de notre pays. Qui peut croire qu’après plus d’une centaine de morts (manifestants et policiers confondus) qu’il n’y ait aucun coupable qui ne soit punit ? Il faut être en Guinée pour voir une telle réalité, et cela ne grandit nullement la justice guinéenne.
Un des acteurs majeurs qui fait fonctionner la justice, reste et demeure le procureur. C’est le vigil de la société, c’est lui qui veille au grain. C’est lui qui doit empêcher la commission des infractions. Le procureur est celui qui met en mouvement l’action publique, car la justice ne s’auto-saisine pas. C’est le lieu de dire que c’est un mauvais procès qu’on fait à la justice guinéenne, même si elle n’est pas exempte de tout reproche. Les juges pour agir, sanctionner un comportement fautif, doivent avoir devant eux des accusés. Sans accusé il n’y a pas de procès, dit-on. C’est pour dire que les procureurs gardent sur les épaules une très grande responsabilité dans la chaine judiciaire. Si la situation est telle qu’elle existe aujourd’hui, c’est aussi la faute à ces procureurs qui ne font que de la figuration dans l’appareil judiciaire de notre pays.
Un bon procureur ne doit pas attendre des injonctions pour agir sur des situations aussi basiques que ne l’est la violation des droits les plus sacrés des citoyens (à la vie).
Dans un État de droit, les procureurs doivent agir chaque fois que besoin est. Ils doivent même agir jusqu’à ce que les citoyens disent qu’ils en font trop. La solution pour moi aujourd’hui, serait de remplacer tous ces procureurs par de jeunes magistrats bien formés, et qui ont certainement envie d’être utile et surtout montrer qu’ils peuvent réussir là où leurs prédécesseurs ont vachement échoué.
C’est le lieu également d’interpeler le ministre de la justice qui reste l’autorité de tutelle des magistrats débout. Monsieur le ministre le peuple vous regarde, malgré le fait que vous ayez entrepris d’importantes réformes au sein de la justice en vue de sa qualification, il y’ a aujourd’hui des défaillances notoires sans précédent dans la chaine judiciaire de notre pays. À vous de les rectifier.
Aux hommes politiques et à la société civile : Éduquez vos militants !
S’il y a un article dans la constitution guinéenne dont les acteurs politiques ignorent l’existence, c’est bien l’article 3 qui impose aux partis politiques l’éducation de leurs militants aux valeurs de la république : « Les partis politiques concourent à l’éducation politique des citoyens, à l’animation de la vie politique et à l’expression du suffrage ».
Cette disposition constitutionnelle mérite aujourd’hui de faire sa promotion, sa vulgarisation et surtout son application. Il revient aux hommes politiques d’expliquer aux militants et sympathisants que la manifestation publique suppose le respect des dispositions légales en la matière, c’est-à-dire le respect des biens publics et privés, le respect des forces de l’ordre, mais aussi et surtout le respect des droits de ceux qui ne manifestent pas. Et que la notion de ville-morte ne veut pas dire barricader les routes, bruler des pneus sur la voie publique empêchant ainsi les autres citoyens de vaguer à leurs affaires.
Cette disposition, c’est aux hommes politiques et aux responsables de partis de l’expliquer aux militants. Ne pas seulement prendre dans la constitution que des dispositions qui nous arrangent.
A la société civile de jouer son rôle de gardien des acquis de la société, d’être un observateur attentif de notre fonctionnement démocratique, de ne pas faire de dénonciation sélective des tares de notre pays. Si elle arrive à jouer pleinement ce rôle, notre pays se porterait mieux, et elle en sortirait grandit.
Pour finir, il faut dire qu’une maison n’est belle et prospère que si chacun y joue sa partition, apporte sa pierre à l’édifice.
Alexandre Naïny BERETE, Etudiant en master à la faculté de Nantes