L’un des sujets qui taraudent les esprits en Guinée depuis un certain temps, c’est la problématique autour de l’actuelle constitution du pays, qui divise d’ailleurs l’opinion publique. Si les uns pensent que cette constitution promulguée en mai 2010 est l’expression de la volonté populaire, d’autres par contre, soutiennent qu’elle souffre de légitimité populaire.
Face à cette ambigüité et aux réalités sociopolitiques, les débats entre partisans et opposés s’élèvent avec passion dans la cité. C’est le cas de la plateforme citoyenne « Ma Cause », favorable à un débat plus objectif et citoyen sur la crédibilité de la constitution guinéenne.
Au cours d’une interview récemment accordée à notre rédaction, le chargé de la Stratégie et du Développement de cette structure, Mohamed Chérif Diallo, a expliqué les raisons de la motivation et les ambitions visées par leur organisation en prenant cette position.
Lisez!
Votre structure « Ma Cause » relance le débat sur la crédibilité de la constitution. Sur quoi vous fondez-vous pour le faire?
Mohamed Chérif Diallo: La révision de la constitution est un sujet aussi épineux qu’il engage l’ensemble des Guinéens, parce que c’est un contrat social qui nous lie. Mais il se trouve que cette révision émane soit du président de la République ou des députés ; mais en tant qu’élus, ils n’ont pas pris l’initiative de la révision constitutionnelle. Et ce n’est pas par voie référendaire qu’elle a été adoptée, c’est un décret qui nous a portés à la constitution de 2010, sachant bien que c’est une loi fondamentale qui devrait être provisoirement promulguée jusqu’à la tenue des présidentielles. Et d’un constat général, cette constitution n’est pas l’émanation du peuple, et le peuple ne se l’est pas appropriée. Donc, la plateforme « Ma Cause » est en train de faire la promotion de la démocratie participative ; lorsque le citoyen a un droit de regard sur la gestion publique, il faudrait bien que l’on puisse impulser une dynamique de la sorte. Nous avons 162 articles et 19 titres. On a eu beaucoup de situations conflictuelles qui ont affecté les citoyens, qu’on le dise de façon directe ou indirecte… On ne va pas s’accrocher à un ou deux articles pour dire qu’on ne touche pas à la constitution.
les textes sur lesquels ils ont travaillé ont été promulgués non pas par voie référendaire
Lorsque vous remettez en cause la constitution, voudriez-vous jeter le discrédit sur le CNT qui a élaboré cette constitution ?
Je voudrais remercier le CNT, qui a joué le rôle de parlementaire, pour le travail noble qu’ils ont eu à faire ; mais le discrédit qu’il y a là-dessus, ils ne sont pas d’une émanation populaire et nous nous sommes enfin rendu compte que les textes sur lesquels ils ont travaillé ont été promulgués non pas par voie référendaire, mais par ordonnance. Cela fait qu’aujourd’hui cette constitution est à remettre en cause.
Est-ce que votre démarche ne consiste pas à ouvrir un boulevard au chef de l’État, en vue d’une révision constitutionnelle?
Ça c’est un regard politique de la question. Nous, nous sommes dans un regard citoyen de cette constitution qui n’a rien à voir avec ce boulevard. D’ailleurs, une seule plateforme ne peut pas porter la responsabilité d’ouvrir la brèche pour qui que ce soit ; donc, il ne faut pas me comprendre la démarche de la plateforme, notre démarche n’est pas taillée pour une personne ou un groupe de personnes. C’est pour l’ensemble des citoyens. Qu’on le fasse maintenant ou après, en tant que promoteurs de la démocratie participative, notre mission c’est de tirer sur la sonnette d’alarme, en disant que nous sommes en train d’aller droit dans le mur. Contribuons alors, à la construction d’une démocratie participative, c’est ce qui pourrait aider tout le monde sans que la souveraineté du citoyen ne soit piétinée. On peut nous pointer du doigt, mais demain les citoyens se rendront compte que c’est pour le bien de tout le monde. Nous, nous n’avons fait que porter le débat ; nous ne sommes pas en train de choisir une option. Mais que l’option qui sera choisie soit d’une émanation populaire.
La constitution n’est pas intangible
Que pensez-vous de l’intangibilité de la constitution ?
La constitution n’est pas intangible, il faut plutôt se poser la question de savoir, est-ce que c’est la constitution qui s’adapte aux réalités ou est-ce que ce sont les réalités qui s’adaptent à la constitution ? À titre d’exemple, la prouesse des candidatures indépendantes au niveau des élections locales, les partis politiques se sont rués, même dans la petite parcelle qui appartient à l’ensemble des citoyens. Sauf que dans une des dispositions de la constitution, il est dit ne peut être candidat aux élections législatives et présidentielle que la personne qui est représentée par un parti politique. Mais, à comparer ce texte aux réalités du terrain, vous verrez qu’il y a un divorce entre l’option politique et la vision citoyenne. Si la boussole politique a perdu les repères, il faut se référer à la boussole citoyenne pour définir de nouvelles orientations qui pourront aider tout le monde.
Sauf que c’est maintenant que vous le faites…
La plateforme est née en 2016, mais cette réflexion faisait partie de notre plan stratégique de développement. Il y a des réalités existentielles qui nous amènent à nous interroger sur la contribution de la société civile, parce qu’il y a un discrédit qui est lancé sur elle. Il faut donc redorer le blason, en disant allons dans le sens citoyen. Aujourd’hui, on peut nous pointer du doigt et demain les gens se rendront compte que face à l’histoire, nous avons eu le courage de porter le débat qui nous a envoyé à prendre avec plus de responsabilité du citoyen.
Ne craignez-vous pas que votre « Ma Cause » soit comptable devant l’histoire un jour, comme une structure qui aura contribué à la promotion d’un troisième mandat pour le professeur Alpha Condé?
C’est la première plateforme de la société civile guinéenne à prendre l’initiative de parler de la constitution. Donc, on sera plutôt taxé de structure qui contribue à la promotion de la démocratie participative. Nous portons juste le débat. Nous souhaitons qu’il quitte l’espace politique pour l’espace citoyen. Ainsi, nous verrons un regard citoyen et l’opportunité pour que nous discutions va s’ouvrir. Il n’y a aucune disposition qui stipule que juste après les élections présidentielles, voici le délai auquel une révision constitutionnelle doit être déclenchée. C’est dit simplement que l’initiative doit venir du président de la République, des parlementaires.
Interview réalisée par Mohamed Soumah pour Guinee7.com