Il faut le dire tout net, si la Guinée n’est pas le long fleuve tranquille à la stabilité inébranlable, à la croissance solide et irrésistible, à la démocratie immaculée et apaisée comme le prétendraient certains acteurs sociopolitiques à en croire des officines politiques bien connues et leurs pendants, elle est loin, si ce n’est qu’elle se trouve aux antipodes du chaos économique que eux, par contre, décrivent, de la démocratie dévoyée et confisquée qu’ils prétendent et encore plus de la bombe sociale prête à exploser dont ils ne cessent d’allumer les mèches au fil des médias et des discours en feignant ne pas entendre le silence assourdissant des explosions en chaînes qu’ils annoncent. Rarement l’adage selon lequel on ne peut pas réveiller quelqu’un qui ne dort pas a eu autant de relief.
Partisans de la sinistrose à l’envie, il n’y a pas jusqu’aux scènes de ménages à être présentées comme la preuve de l’imminence du «tsunami social» qui devrait balayer le pouvoir en place et les porter aux affaires. Un «tsunami» qui, force est de le reconnaître, ne fait même pas assez de vagues dans leurs verres de whisky ou autres boissons frelatées et prohibées dont ils semblent abuser plus que de raison, pour les réveiller et qui a le don de les mettre en apesanteur au-dessus des réalités du pays. On comprend aisément que ce qu’ils décrivent n’a rien à voir avec la Guinée.
Comment expliquer autrement leur propension à tomber à bras raccourcis et sans discernement sur tous ceux qui ne partagent pas leurs opinions ou leurs analyses sur le changement constitutionnel. Et pourtant, ils se présentent eux-mêmes champions de la démocratie et de la liberté d’expression. C’est à croire qu’il n’y a de démocratie que celle qui leur permet de déverser leur excès de bile sur les autres. Mais qu’à cela ne tienne ; il faut bien de tout ce monde pour faire la Guinée citée en exemple pour ses multiples performances. Un exemple qui se construit chaque jour qui passe dans un contexte difficile et complexe qui exige de savoir se poser les bonnes questions aux bons moments et de leur apporter les réponses appropriées. Quand on regarde d’où vient le pays et où il est arrivé en quelque neuf ans dans le domaine économique comme politique, on peut dire qu’il n’a pas chômé et qu’il mérite bien mieux que le volet de bois vert de certains de ses citoyens même s’il est vrai que d’ordinaire on ne connaît la valeur de certains biens que lorsqu’on les a perdus. Dans tous les cas, il peut se targuer aujourd’hui d’avoir une histoire sur laquelle il peut s’appuyer pour construire son avenir.
Parce que rien ne lui a été donné gracieusement, parce qu’il a su anticiper sur les grands périls qui se sont dressés devant lui et dont il a su percevoir les prémices, parce qu’il a su puiser dans ses ressources lorsqu’il a été pris de cours, il est maître de son destin malgré les vents contraires et un environnement très souvent hostile. Cette capacité d’anticipation lui a permis de toujours se remettre en cause et s’inventer de nouvelles solutions aux problèmes rencontrés. C’est donc dire que tout n’est pas beau comme dans le meilleur des mondes ; que les Guinéens en sont conscients et qu’ils ne prétendent pas être le nombril de la terre. Effectivement des problèmes, il en existe actuellement au moment où son processus démocratique semble s’incruster définitivement dans le paysage sociopolitique, tout en restant à consolider au regard de tout ce qui se passe alentours et de nombreuses scories dont il devra se débarrasser pour s’arrimer davantage à l’histoire.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est là où le pays force le plus l’admiration, la paix sociale bâtie autour et par un dialogue social permanent, qu’il va falloir être particulièrement vigilant. C’est aussi le jeu des acteurs politiques qui gagneraient à être davantage disciplinés et débarrassés d’un certain nombre de comportements jusque-là marginaux, mais qui prennent de l’ampleur et dont les effets négatifs sont de plus en plus perceptibles. S’il n’y a pas péril en la demeure, et le jeu ne consiste pas à ce qu’il en soit ainsi, il urge néanmoins de lancer le débat sur la nouvelle constitution et de recueillir les avis de toutes parts dans le pays, de sensibiliser toutes les couches sociales afin de mettre tout le monde au même niveau de conscientisation pour que les décisions qui en sortiront nécessairement soient véritablement consensuelles et engagent toute la nation.
Ce n’est pas pour enlever toute valeur aux différentes formes de représentations qui existent de nos jours, mais c’est qu’il s’agit d’un tournant si délicat qu’il nous semble important que le peuple lui-même se prononce directement et affirme les orientations vers lesquelles il entend voir les acteurs sociopolitiques inscrire leurs actions. On le sait, ce pays a plus d’une fois, frôlé l’implosion. Et s’il a réussi à s’en sortir, sans trop de dommages, il le doit à l’esprit de tolérance et de dialogue de ses populations, qui, même au plus profond des antagonismes des acteurs politiques, ont su transcender leurs divergences pour refuser les solutions de facilité, qui ont ailleurs causé désolations et blessures profondes. C’est aussi parce que quelque part quelqu’un y a cru, notamment le président Alpha Condé qui a, à tous les tournants décisifs de ces dernières années, su mettre l’avenir de la Nation entière entre les mains de celui qui détient sa souveraineté, le peuple.
Bakary Koné