Tout d’abord question : tous les magistrats se reconnaissent-ils dans la déclaration du conseil d’administration de l’association des magistrats de Guinée ? Si oui, le navire Guinée commence à tanguer dangereusement.
Ce conseil d’administration envoie une première version de sa déclaration à la presse dans l’après-midi, avant de faire suivre une ‘‘version corrigée’’ dans laquelle l’information selon laquelle, ‘‘dans le cas de Monsieur Ousmane Gaoual, il n’y a pas eu de difficulté à lever l’immunité’’, saute. Pourquoi ? Allez-y comprendre quelque chose.
De toute façon, ceci montre avec éloquence la légèreté par laquelle nos magistrats répondent au refus de l’Assemblée de lever l’immunité parlementaire du député Damaro avec qui, ils ont maille à partir. Faut-il rappeler aux magistrats que la liberté consiste à faire ou ne pas faire sans tenir compte d’une quelconque influence ? Les députés sont-ils obligés de respecter à la lettre une demande –qui en réalité, on y voit clair maintenant, était une injonction- des magistrats ?
Revenons au contenu de cette pathétique réaction des arbitres de nos actes quotidiens. Ils s’offusquent de ce que ‘‘l’ingérence juteuse dans les affaires judiciaires est un sport très populaire pour certains investis du pouvoir d’Etat’’. Après avoir menacé d’aller en grève au cas où les députés prenaient une décision contraire à leur volonté, ils se scandalisent du fait que ceux-là aient agi dans ce sens. Alors question : ne font-ils pas exactement ce qu’ils reprochent aux autre ? L’ingérence dans les affaires d’autrui.
Le drame ? c’est quand les juges décident enfin d’être corrects, donnant raison au passage à tous ceux qui, comme le député Damaro, pensent qu’il y a un déficit de rigueur et de probité dans l’appareil judiciaire. ‘‘Ceux qui se donnaient le luxe d’intervenir devant les juridictions, doivent désormais s’attendre à la pluie de flagrants délits qui s’abattra sur eux, car cette procédure sera déclenchée sitôt le seuil du bureau d’un magistrat franchi par eux et dans ce but. Il n’y aura pas, dans le cas de flagrant délit, conformément aux alinéas 2 et 3 de l’article 65 de la Constitution, de demande de levée de l’immunité parlementaire’’, martèlent-ils.
Et pire, ils disent prendre conscience. Car ‘‘les faiblesses et incuries dénoncées sont bien notées. Cette dénonciation et la malveillance des propos, des uns et des autres, ont un effet de réarmement moral, qui ne permettra plus la réédition des décisions du genre de celle récente du Tribunal de Kindia’’. Façon de dire avec peu de nuances que les manifestants du Front national de lutte pour la défense de la constitution, récemment condamnés à Kindia, l’ont été arbitrairement. Quel cynisme ! Nous devons bien respecter nos magistrats.
Comme pour se trouver des excuses, ils estiment que ‘‘ceux qui parlent de corruption et se délectent d’injures et infâmie contre les magistrats devraient se regarder à deux fois dans le miroir et bien regarder autour d’eux ! Combien de véhicules de services alloués aux juridictions ? Quatre Toyota landcruisers, dont deux (2) à la Cour suprême, un (1) pour chaque Cour d’Appel et les doubles cabines affectées aux Procureurs en 2014, auxquels il faut ajouter l’assistance du PARJU’’. En quoi avoir un 4X4 participe à prendre une décision de justice ?
En googlisant les qualités d’un magistrat, on vous sort : Un juge doit être impartial, intègre et diplomate. Rigoureux, réactif et méthodique, il est aussi autonome, capable d’initiatives et doté d’un bon esprit de synthèse.
Après la déclaration du Conseil d’administration de l’association des magistrats, nous cherchons au microscope, sans succès, une de ces qualités qu’on pourrait coller à nos magistrats.
En un mot ou en quatre, les magistrats ont raté une bonne occasion de se taire et surtout de rassurer les justiciables.
Un bémol tout de même. Ils décident que « le nouvel avenir de la justice vient de se forger et la règle ‘’DURA LEX SED LEX’’ (la loi est dure mais c’est la loi), se fera sentir sans atermoiement et indifféremment, du moment que ‘’NUL N’EST AU-DESSUS DE LA LOI’’ et ‘’NUL N’EST CENSE IGNORER’’.
Une bonne nouvelle qui conforte l’adage : ‘‘à quelque chose malheur est bon.’’ On dirait que Damaro a bien été inspiré de créer l’incident pour… faire changer les choses…