Une mission organisée par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) avec la participation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) s’est séjournée en Guinée du 7 au 18 novembre 2017. Guinee7.com publie en bas l’article, l’intégralité du rapport de cette mission. Mias avant, ci-dessous des extraits.
Les demandes de protection internationale déposées à l’OFPRA en provenance de Guinée sont en augmentation constante depuis 2014
« Les demandes de protection internationale déposées à l’OFPRA en provenance de Guinée sont en augmentation constante depuis 2014, avec plus de 40% d’augmentation des premières demandes en 2016 par rapport à 2015. L’augmentation s’est poursuivie en 2017 (+97% environ). Avec 2530 demandes en 2016, cette demande d’asile est actuellement la 5ème en France. Le taux global d’admission, incluant les décisions positives de l’Ofpra (28%) ainsi que celles de la Cour nationale du droit d’asile, était de 50.9% en 2016. La demande guinéenne se caractérise par sa diversité. Les profils vont ainsi de militants politiques de l’opposition à des personnes se disant persécutées du fait de leur confession, les motifs liés à des conflits familiaux et sociétaux étant par ailleurs invoqués de manière croissante : craintes de mutilations sexuelles féminines, de mariages forcés ou menaces liées à l’orientation sexuelle. Afin d’actualiser son analyse sur la situation dans ce pays, l’OFPRA a organisé une mission de recueil d’informations en Guinée en y associant la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA). Entre le 7 et le 18 novembre 2017, les missionnaires ont mené soixante entretiens répartis dans 4 localités : Conakry, la capitale, Kindia, en pays soussou, Mamou, porte d’entrée du Fouta (région peul) et carrefour migratoire du pays puis Boké, en pays baga, lieu d’exploitation minière ».
La société civile et certaines sources diplomatiques indiquent que dans le climat de crise économique actuelle, l’enrichissement des élites et l’impunité générale est un frein important à la réconciliation nationale
« En 2014, Malick Sankhon (directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale), membre du Bureau politique du RPG-Arc-en-ciel, a fondé Les chevaliers de la République, une milice d’environ 3000 personnes qui organisait des contre-manifestations lors des marches de l’opposition. Ils n’avaient pas de signe distinctif, ils étaient là pour infiltrer les manifestations. Ils étaient violents et commettaient beaucoup d’exactions, ce qui a conduit Malick Sankhon à s’en désolidariser avant de les ressusciter en 2017. Le ministre de la Défense est intervenu pour calmer la situation et dissoudre Les chevaliers de la République en octobre 2017, mais aucun de ses membres n’a été inquiété. Les journalistes comme la société civile guinéenne relèvent que les forces de l’ordre bénéficient toujours d’une certaine impunité, ce qui contribue à aggraver leur manque de respectabilité aux yeux de la population. Néanmoins, le HCDH confirme que les opposants politiques ne sont pas traqués en Guinée et que les partis politiques fonctionnent librement. Depuis août 2016, le dialogue politique inter-guinéen s’est ouvert entre le président Condé et le chef de file de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, mais malgré quelques déclarations de bonne volonté, cela n’a pas véritablement apaisé les violences sur le terrain. Si certains diplomates affirment que personne n’est plus enfermé pour ses idées en Guinée, les violences demeurent quotidiennes à Conakry comme en province. La plupart des interlocuteurs ont relevé qu’il n’est pas toujours évident de définir le caractère politique ou social de ces violences. Depuis 2011, la frustration sociale de la population a exacerbé la violence des manifestations et l’application de l’accord du 12 octobre 2016 demeure le sujet principal des manifestations de l’opposition. Récemment, l’éventualité du 3ème mandat du président Condé est venue ajouter à la crispation du climat politique. Les journalistes, la société civile et certaines sources diplomatiques indiquent que dans le climat de crise économique actuelle, l’enrichissement des élites et l’impunité générale est un frein important à la réconciliation nationale après les évènements de 2007-2008, puis 2010 et 2013 ».
un véritable rapport de force entre la presse et le pouvoir
« Certains journalistes sont parfois interpellés lors de rassemblements. Des menaces verbales ou sur les réseaux sociaux ont été relevées, mais aucune arrestation n’a été signalée. Les tensions entre la presse et la Haute Autorité de la Communication (HAC) qui sanctionne régulièrement des journalistes ou suspend des émissions, sont récurrentes. La mission a pu observer un véritable rapport de force entre la presse et le pouvoir, notamment lors des manifestations, fréquentes en octobre et novembre 2017 ».
« Les écueils qui freinent la presse libre D’après un blogueur et web activiste, fondateur de l’association des blogueurs guinéens (Ablogui), la presse libre est encore balbutiante en Guinée, elle est née dans les années 1990 à Conakry et en 2006 en province. Elle n’a pas les moyens de mener des véritables enquêtes (sans budget ni personnel). Le déficit de formation est criant. Les articles sont donc peu approfondis dans l’ensemble. Plusieurs journalistes ont expliqué souffrir du préjugé politique conféré à leur appartenance ethnique. En effet, les Peul sont très représentés dans la profession et ils sont systématiquement soupçonnés de collusion avec l’UFDG tandis qu’un journaliste malinké est a priori taxé de défenseur du pouvoir. Ainsi, il est difficile pour certains journalistes peul d’écrire des articles critiques à l’égard de l’opposition sans risquer d’être isolé dans la profession et marginalisé par sa communauté. De même un journaliste malinké a expliqué avoir des difficultés à assumer ses positions critiques à l’égard du pouvoir actuel qui lui valaient régulièrement des quolibets de la part de ses collègues peul et la réprobation de sa communauté ».
Il apparaît qu’il y a une liberté de réunion et d’expression actuellement en Guinée
« Depuis l’ouverture du dialogue politique, les différents partis dont l’UFDG mènent librement leurs activités. Les militants de l’opposition ne sont donc pas spécifiquement traqués ni ciblés par les autorités, d’après les associations de défense des droits de l’Homme, les journalistes indépendants, le HCDH et les représentants du corps diplomatiques. D’après les témoignages des militants, il apparaît qu’il y a une liberté de réunion et d’expression actuellement en Guinée. Concernant les violences qui surviennent lors des manifestations, la DUE et la société civile ainsi que certains journalistes ont expliqué qu’il était difficile de définir leur caractère politique ou social. Depuis 2011, la frustration de la population a exacerbé la violence des manifestations.
De plus, il apparaît que la responsabilité des violences survenant lors desdites marches est relativement partagée. D’une part il y a chez certains jeunes la volonté de provoquer la violence afin d’extérioriser une certaine frustration et d’autre part, les débordements des forces de l’ordre qui continuent à recourir à des méthodes violentes en vue d’assurer le maintien de l’ordre public ».
Dès lors que la tension monte en raison des échéances électorales, ils (les cadres dirigeants) sont les plus exposés
« D’après les cadres dirigeants du parti, qui sont des personnalités publiques identifiées par le pouvoir, ils n’ont rien à craindre lorsque le climat politique est apaisé, mais dès lors que la tension monte en raison des échéances électorales, ils sont les plus exposés. Au regard des moyens très limités des forces de l’ordre, notamment en termes d’identification et d’investigation, les militants de base des partis ne font pas l’objet de fichage a priori en raison de leurs activités. Ils ne sont intégrés dans les bases de données de la gendarmerie qu’après une éventuelle arrestation. S’ils sont arrêtés lors des manifestations, ils sont alors transférés directement au Bureau d’investigation judiciaire (BIJ) ».
L’engagement au sein de l’UFDG est principalement motivé par la volonté de voir un leader peul accéder à la présidence du pays
« Les différents interlocuteurs ont souligné la prévalence de la variable ethnique. Ainsi l’engagement au sein de l’UFDG est principalement motivé par la volonté de voir un leader peul accéder à la présidence du pays. Il y a donc une fierté communautaire qui va au-delà d’une véritable conviction concernant le programme politique. A titre d’exemple, lors de la réunion de section à laquelle la mission a pu assister, une jeune femme médecin engagée au sein de l’UFDG depuis plusieurs années et interrogée sur ses motivations, a spontanément fait part de cette fierté communautaire ».
Aucun acte de violence n’est signalé de la part des membres de la section « motards »
« Aucun acte de violence n’est signalé de la part des membres de la section ‘‘motards’’, contrairement à la section ‘‘cailloux’’ qui existe de façon non officielle au sein de l’UFDG ».
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