Dans un article publié par Maitre Togba Zogbelemou, Professeur agrégé des facultés de Droit et relayé par de nombreux canaux d’informations, le Docteur en Droit se prononce sur l’actualité politico-juridique la plus brulante du pays depuis quelques temps : les velléités du pouvoir en place de modifier et /ou de proposer une nouvelle constitution.
A la lecture de sa contribution « scientifique », le moins qu’on puisse dire est que le Juriste constitutionaliste tente de nous faire avaler, au travers d’une interprétation extensive sinon démesurée des textes régissant la matière, la pilule d’une possibilité de soumettre une nouvelle constitution au peuple de Guinée dont l’initiative appartiendrait au Président de la République.
A l’entame de ces propos, on peut lire cette belle phrase : « il faut laisser libre cours au débat et même l’encourager : c’est de la contradiction que jaillit la lumière porteuse de propositions et d’idées novatrices ».
De cette assertion, je tire le droit, mieux le devoir d’intervenir en apportant une grille d’analyse qui, à tout point de vue est opposée à l’éthique personnelle de l’auteur sus-cité.
A l’instar de l’agrégé, je me permets de faire quelques observations liminaires avant de me jeter dans l’arène purement juridique :
1. Statut du professeur Zogbelemou : Pour que le débat garde sa hauteur comme il le réclame, il y’a lieu de rappeler que ses qualités de Professeur agrégé des facultés de Droit, auteur d’ouvrages et articles juridiques et avocat au barreau de Guinée ne doivent pas influer sur la qualité (bonne ou mauvaise) de ses différentes contributions (articles, interview, tribunes etc.). Pour dire clair, ce n’est pas parce qu’on a une référence académique atypique qu’on a la parole d’évangile. On en veut pour preuve, l’affaire Bruno Golnich, Maitre de conférences de Droit public, Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III, membre du Front national (aujourd’hui rassemblement national), auteur de propos négationnistes et véritable contestataire des vérités sur la shoah et de l’existence des chambres à Gaz.
2. De la nécessité de décloisonner le débat juridique : Il est indispensable sinon impérieux d’éviter toute approche visant à cloisonner le débat sur la question de la possibilité ou non de changer de constitution : technique de délimitation du débat qui, je le rappelle est utilisée dans cette espèce par l’auteur de l’article soumis à l’analyse. A côté de cette question, il faut envisager également et ensemble celle de la possibilité ou non de modifier la constitution du 07 mai 2010. Ce faisant, on remarquera que la quasi-totalité des arguments avancés dans l’article critiqué tombent devant le mécanisme visant uniquement à réviser les dispositions tangibles de la Constitution de 2010 (on y reviendra).
Ces observations étant faites, place au débat.
Dans un souci de simplification de l’analyse qui suivra, il y’ a lieu d’adopter le plan de l’article critiqué à quelque exception prêt (prière de lire au préalable l’article critiqué en suivant ce lien : Pr Togba ZOGBELEMOU : « l’initiative de proposer au référendum un texte constitutionnel appartient au Président de la République et aux députés » (opinion libre) – 224infos.org).
C’est pour dire que de la putative nécessité de passage d’une constitution à une autre (I), le Professeur Zogbelemou déroule une prétendue procédure à suivre avec à la clé une interprétation dangereuse de l’article 51 de la Constitution du 07 mai 2010 (II).
I. De la putative nécessité de passage d’une constitution à une autre : A côté des éventuelles faiblesses de la constitution de 2010 (A), il a été exposé des hypothétiques vertus d’une nouvelle constitution (B) :
A. Des éventuelles faiblesses de la constitution de 2010 :
Aux dires du Professeur Togba, la constitution du 07 mai 2010 souffre de plusieurs anomalies d’ordre procédural entre autres :
– Constitution de sortie de crise ;
– Texte rédigé dans la précipitation ;
– Un texte de compromis politique ;
– Défaut de légitimité du texte constitutionnel car pas soumis au referendum.
Pour ce qui est de l’argument selon lequel on est en présence d’une constitution de sortie de crise, nous répondrons que toute constitution vise à sortir d’une crise souvent d’ordre politique et social. La déclaration d’indépendance des USA et les textes qui ont suivis, la constitution Française au sortir de la seconde guerre mondiale et celle de 1958 en sont des illustrations.
Ensuite, l’argument selon lequel le texte a été rédigé dans la précipitation ne tient aucunement pas la route. L’histoire constitutionnelle des Etats nous démontre de manière étonnante que les textes juridiques rédigés dans la précipitation ont perduré à travers le temps. Certains de ces textes ont d’ailleurs posé les bases d’une vision universaliste des valeurs que partagent l’humanité (droit à la vie, interdiction des peines cruelles et traitements inhumains et dégradants…). La Déclaration des droits l’Homme et du citoyen de 1789 rédigé entre le 04 et le 26 août en est une illustration. Pour rappel, ce texte de 1789 a influencé la déclaration universelle des droits de l’homme de 1946 sous l’égide de L’ONU et les pactes de 1966. Aussi, ce même texte fait de nos jours partie intégrante du bloc de constitutionalité de la 5eme république Française en prenant corps dans le préambule de la constitution de 58. Dès lors, le fait pour Pr Zogbelemou de faire croire que le CNT n’a pas eu assez de temps pour travailler le texte constitutionnel alors qu’en 2013 il soutenait le caractère inclusif des travaux dans l’un de ces articles publiés à la revue juridique et politique des Etats francophones, relève ni plus, ni moins de la mauvaise foi. Précisons que dans l’espèce Guinéenne le CNT a eu une cinquantaine de jours pour rédiger le texte de 2010 et comparativement à l’assemblée des 500 qui a rédigé la DDHC de 1789, il a eu le temps nécessaire.
L’autre argument a été celui de qualifier la présente constitution de texte de compromis. Là aussi, il est important de rappeler sous réserve des régimes à démocratie populaire (ex URSS, nord-corée…), que tout texte de cette nature résulte d’un compromis politique entre les moult opinions souvent divergentes. On en veut une fois de plus comme exemple la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : A sa lecture, on retrouve les idées de Rousseau, de Locke, de Montesquieu, des physiocrates et même de Voltaire (pour ce dernier voir l’article 10 de la déclaration).
Dans l’un des griefs qu’il fait à ce texte, l’auteur évoque l’idée selon laquelle les accords politiques auraient mis en mal les fondements juridiques de L’Etat. Tout d’abord, il faut rappeler qu’aucun accord politique n’a, à date, conduit à bouleverser l’ordonnancement juridique du pays et si ce risque se présentait, il appartient à la Cour constitutionnelle de censurer toute loi contraire à la constitution qui découlerait d’un accord politique et ce, en vertu des articles 93 et suivants de la constitution. En second lieu, il est opportun d’évoquer le fait que les accords politiques, contrairement à ce que soutiennent beaucoup de leaders d’opinions du pays, sont constitutionalisés à l’article 58, même s’il serait louable que la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en éclaire les contours.
En fin, il est fait grief à la constitution de n’avoir pas été soumise à l’approbation du peuple par voie référendaire. A cela, nous répondrons en deux temps. Primo, l’auteur de l’article en l’occurrence Maitre Zogbelemou a participé d’une manière directe ou indirecte à l’élaboration de la constitution de 2010 mais aussi à celle de 1990. D’ailleurs, à ce propos, lors d’une intervention dans un cours de Droit constitutionnel au sein de la faculté de Droit de Sonfonia-Conakry en 2015, il justifiait la non utilisation de la voie référendaire par divers motifs notamment l’idée selon laquelle la constitution de 2010 n’est qu’un toilettage de la constitution de 1990 et qu’en réalité, c’était plus qu’une révision que d’une véritable nouvelle constitution. Secundo, force est de rappeler qu’il n’existe aucun texte supranational encore moins national qui pose les règles d’élaboration d’une constitution. A la limite, la doctrine s’accorde sur certaines théories en application desquelles on peut aboutir à une constitution démocratique (à la fois légale et légitime). A l’analyse de ces théories (trois théories principalement dont nous faisons grâce aux lecteurs) tout en faisant un parallèle avec le mode d’élaboration de la constitution de 2010, on peut déduire par une construction purement intellectuelle que le texte de 2010 souffre de légitimité et non de légalité contrairement à ce que soutient Me Zogbelemou. Mieux, cette illégitimité n’est que partielle d’autant plus que la légitimité de l’acteur (le CNT) ne fait aucun doute. Bien plus, important est de rappeler que la dérogation à un principe ou une règle a toujours été admis en Droit et ce, en présence, comme ce fut le cas en 2010, de circonstances exceptionnelles (voir en ce sens l’article de Me Zogbelemou de 2013 cité ci-haut).
B. Des hypothétiques vertus d’une nouvelle constitution :
En se fondant sur des supposées anomalies de la constitution de 2010 ; arguments dont on vient de démontrer le défaut de solidité, l’auteur nous expose les prétendues vertus d’une nouvelle constitution. Pour lui, l’établissement d’une nouvelle constitution serait l’occasion :
– De clarifier les rapports entre le Président et le Premier ministre ;
– De mettre fin à l’exclusivité des partis politiques quant aux candidatures lors des élections politiques ;
– De réduire les institutions républicaines qui, financièrement font saigner les comptes publics ;
– D’améliorer la qualité de la production législative ;
– De renforcer les droits des citoyens et la parité homme-femme ;
– D’améliorer le fonctionnement de certaines institutions ;
– De réaffirmer de façon plus consistante le principe de laïcité et la vocation panafricaniste de la Guinée.
Aussi belles soient-elles, ces propositions ne peuvent justifier à elles seules la nécessité d’établir une nouvelle constitution. La voie la plus heureuse pour ne pas dire l’unique voie légalement admissible est de procéder à une révision constitutionnelle sous le fondement des dispositions des articles 152 et suivants pour ajouter ces éléments qui, selon le constitutionaliste gagnerait à figurer dans le texte.
Bien au-delà, certaines de ces propositions n’ont pas à figurer dans le texte constitutionnel. Ainsi, au travers de lois organiques voire ordinaires, il est possible d’améliorer le fonctionnement de nos institutions Républicaines. Notre présente constitution procède d’ailleurs à ce mécanisme de renvoie de tous détails sur l’organisation et le fonctionnement des institutions constitutionnelles vers les lois organiques, le tout dans un souci de gagner en lisibilité et intelligibilité du texte constitutionnel. (Voir en ce sens article 114 pour la cours suprême, article 116 pour la cours des comptes, 124 sur le conseil économique et social…).
A côté, il faut souligner que l’arsenal juridique de la Guinée (Constitution, traités, lois et règlements) est très protecteur des droits et libertés fondamentaux. On en veut pour preuve le titre II de la constitution du 07 Mai 2010 qui, à travers 21 articles, garanti les droits essentiels dans une société démocratique (Procès équitable, présomption d’innocence, droit de propriété…).
Aussi, le principe de laïcité n’a pas besoin d’être réaffirmé de manière plus solide car il l’est déjà et ce, dès l’article premier de la constitution. Notons également que ce principe entre dans la catégorie des dispositions intangibles prévues à l’article 154. Quoi de mieux pour affirmer un principe ?
En fin, pour ce qui est de la nécessité de réaffirmer la vocation panafricaniste de la guinée qui figure dans les constitutions de 1958 et de 1982, force est de faire remarquer que contrairement à ce qu’affirme l’auteur, cette vocation est affirmée dans le dernier paragraphe du préambule de la constitution de 2010 en ces termes : « Le peuple de Guinée réaffirme son attachement à la cause de l’unité africaine, de l’intégration régionale et sous régionale du continent ». A ce que nous sachons, le préambule fait partie intégrante du bloc de constitutionalité. Mieux, s’il s’avère si important de réaffirmer de manière on ne peut plus claire cette idéologie panafricaniste moribonde, il existe des mécanismes le permettant sans qu’il ait besoin de proposer une nouvelle constitution : La théorie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la république en France, dégagée par le Conseil constitutionnel et visant à rendre hommage au législateur de la 3eme république Française en est une illustration.
De ces constatations et énonciations, il y’a lieu de conclure d’une part que les arguments tenants aux anomalies de la constitution de 2010 ne tiennent pas la route et que les propositions examinées ci-haut ne suffisent pas à elles seules de justifier le changement d’une constitution. Une proposition visant à intégrer le mécanisme de la QPC (Question prioritaire de constitutionalité) aurait pu faire évoluer le débat juridique quoique ne pouvant non plus justifier l’adoption d’une nouvelle constitution.
II. De la Prétendue procédure à suivre :
Face à une interprétation trop extensive ou du moins dangereuse de l’article 51 (A), il y’a lieu de redorer le blason en restituant à cet article sa lettre et son esprit (B).
A. Une interprétation dangereuse de l’article 51 :
Ecrit de la manière la plus simple possible, l’article 51 de la constitution dispose : « Le Président de la République peut, après avoir consulté le Président de l’Assemblée Nationale, soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur la protection et la promotion des libertés et droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’Etat, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité.
Il doit, si l’Assemblée Nationale le demande par une résolution adoptée à la majorité des deux tiers des membres qui la composent, soumettre à référendum toute proposition de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou concernant les libertés et les droits fondamentaux.
Avant de convoquer les électeurs par décret, le Président de la République recueille l’avis de la Cour constitutionnelle sur la conformité du projet ou de la proposition à la constitution.
En cas de non-conformité, il ne peut être procédé au référendum.
Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet ou de la proposition, la loi ainsi adoptée est promulguée dans les conditions prévues à l’article 78 ».
Procédant par affirmation, de surcroit, dénuée de toute démonstration intellectuelle solide, Me Zogbelemou fait de cet article la base légale pour l’élaboration d’une nouvelle constitution. De la manière la plus surprenante que soit, il enfonce le clou de son raisonnement alambiqué en affirmant tel un magicien qui tire un objet de son chapeau qu’il résulte de ce texte que l’initiative du referendum constitutionnel appartient concurremment au président de la république (Alinéa 1) et à l’assemblée nationale (alinéa 2).
A tous celles et ceux qui savent lire entre les lignes, la lecture attentive du procédé de déduction de l’auteur laisse apparaitre une ligne directrice. En effet, l’auteur joue sur la définition de principalement trois termes pour arriver à ses fins : Loi, Referendum et Organisation des pouvoirs publics.
Pour ce qui est du premier, alors que l’article 51 alinéa 1 évoque la notion de projet de « loi » à son sens le plus strict englobant uniquement les lois organiques et ordinaires ( voir en ce sens l’article 95 de la constitution), il en fait une interprétation extensive sinon opportuniste pour inclure la notion sui-generis de « loi constitutionnelle » définie comme une loi de révision de la constitution qui en modifie, abroge ou complète des dispositions. Pour faire simple, la notion de loi constitutionnelle ne peut pas entrer dans le cadre de l’article 51 et ce, pour la simple raison qu’une telle loi étant l’aboutissement d’un projet ou proposition de révision de la Constitution est traitée au sein des dispositions de l’article 152 de la constitution. Mieux, une telle loi échappe naturellement au contrôle de constitutionalité et ce, conformément aux dispositions combinées des articles 94,95 et 152 de la constitution.
Quant au terme « referendum », contrairement à l’amalgame entretenu Par Docteur Zogbelemou qui emploi indifféremment referendum législatif et referendum constitutionnel, l’article 51 ne traite que du referendum législatif. C’est-à-dire de la soumission au peuple d’un projet ou proposition de loi ordinaire ou organique exclusivement. Le referendum constitutionnel consistant à soumettre un projet ou une proposition de révision de la constitution au peuple est quant à lui prévu à l’article 152 alinéa 2 de la Constitution du 07 mai 2010.
En fin, pour ce qui est de l’expression « organisation des pouvoirs publics », contrairement à ce que tente de démontrer l’auteur, qui cite à cet effet des documents relativement très anciens ( datant entre autre de 2001 et 2013) et qui n’ont aucune valeur juridique (un dictionnaire ou lexique juridique relève de la doctrine qui, on le sait n’est pas une source directe de la règle de Droit ), un projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ne peut pas être une nouvelle constitution au sens matériel du terme. D’ailleurs, l’esprit de la constitution de 2010 a été comme évoqué ci-haut de renvoyer à chaque fois les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des institutions républicaines dans une loi organique (voir en ce sens l’article 131 pour le médiateur de la république, article 140 pour le haut conseil des collectivités locales, 126 pour la haute autorité de la communication etc.).
A côté de notre démonstration, il y’a lieu de regretter l’approche du Docteur dont la finalité a été de faire une interprétation si insidieuse du texte constitutionnel pour faire admettre une base légale à l’établissement d’une nouvelle constitution. Ce n’est ni plus, ni moins, un forçage juridique de la part de l’un des plus grands constitutionalistes du pays.
Passons outre le paradoxe lié à l’idée de diminuer les institutions républicaines au bénéfice d’une stabilité budgétaire oubliant qu’une nouvelle constitution plongerait le pays dans une nouvelle transition aux conséquences économiques désastreuses (organisations de nouvelles élections, installation des nouvelles institutions de la république etc.).
Plus loin, et c’est là que notre analyse sera juridiquement la plus pertinente, l’auteur évoque une double formalité substantielle à laquelle le président est tenu :
– La consultation préalable du Président de l’Assemblée ;
– L’avis conforme de la Cour constitutionnelle sur le projet avant la convocation du corps électoral par décret.
La seconde formalité nous intéresse en l’espèce et ce, de par la curiosité du dispositif. En effet, l’article 51 alinéas 3 et 4 dispose : « Avant de convoquer les électeurs par décret, le Président de la République recueille l’avis de la Cour constitutionnelle sur la conformité du projet ou de la proposition à la constitution. En cas de non-conformité, il ne peut être procédé au référendum. ». Il s’agit là, du mécanisme de contrôle à priori de la conformité de toute loi stricto sensu à la Constitution.
De la manière la plus curieuse que soit, lorsqu’on considère comme vrai l’analyse du Professeur Zogbelemou, il s’évince que le projet de nouvelle constitution doit être soumis au contrôle de conformité à l’actuelle constitution. Sachant que d’une part, l’on est en présence de deux textes suprêmes (voir pyramide des normes juridiques de Hans Kelsen en ce sens) et que la nouvelle constitution est censée abroger ne serait-ce que tacitement celle actuellement en vigueur d’autre part. La question ordinaire qui se pose est la suivante : Comment une nouvelle constitution peut-elle être conforme à une ancienne censée disparaitre par voie de conséquence ? La réponse à cette question démontre une fois de plus le caractère illogique de l’approche de l’auteur.
Bien plus, à l’entame de son article, en traitant de la question des dispositions intangibles de la constitution, il affirme : « La constitution n’est pas un texte divine. Des lors, toutes ces dispositions même celles déclarées intangibles, ne produisent d’effets juridiques que pendant la vie de la constitution qui les a établies ». Dit autrement, il évoque la faille permettant de déroger aux dispositions intangibles : A la place de la modification de la constitution, il suffirait d’envisager une nouvelle constitution pour priver d’effet les intangibilités. A cela, il faut répondre en ces termes : pourquoi le constituant de 2010 (CNT) s’est crevé les méninges pour prévoir des dispositions intangibles alors que par un simple jeu de changement de jargon (nouvelle constitution à la place de modification) suffit à faire tomber tout le dispositif sécuritaire ?
Si l’on peut se permettre de caricaturer, on dira que « c’est fermer une fenêtre pour se protéger d’une tempête alors que la maison est sans toit ».
Preuve de trop qu’en aucun cas et dans aucune des dispositions de la constitution de 2010, une base légale de l’adoption d’une nouvelle constitution n’a été instituée. Cette possibilité n’a jamais été envisagée contrairement à ce que soutient mordicus le Professeur. D’ailleurs, admettre que l’article 51 en constitue une base légale reviendrait à redonner d’une main aux révisionnistes (article 51) ce qu’on leur a retiré de l’autre (article 154).
A présent, attelons nous à redorer le blason en restituant à l’article 51 sa lettre et son esprit.
B. De la restitution de la lettre et de l’esprit de l’article 51 :
Sans qu’il ait besoin de le citer à nouveau, le contenu de cet article est l’un des plus importants de la constitution de 2010 et indispensable à tout Etat se voulant respectueux du principe de séparation des pouvoirs tels qu’énoncé par Montesquieu.
Pour l’espèce Guinéenne, cette disposition est le pilier de l’équilibre des pouvoirs du régime semi-présidentiel auquel la Guinée a souscrit contrairement aux régimes parlementaires comme la Grande Bretagne et présidentiels tel les USA.
Cet article constitue une soupape de sécurité pour au moins deux raisons : Primo, il permet de sortir du blocus qui résulterait de l’hypothèse où la majorité parlementaire reviendrait à l’opposition lors d’une élection législative. En effet, l’opposition politique pour des raisons légitimes ou non pourrait bloquer le fonctionnement normal du pouvoir exécutif en rejetant par exemple tout projet de loi visant à mettre en œuvre la politique économique et sociale du Président de la république (Dans ce schéma, le parlement peut même rejeter une loi de finance quoique dans cette espèce l’article 75 vient apporter un bémol). La conséquence serait telle qu’on tomberait dans un régime parlementaire de fait où le chef de l’exécutif n’aura quasiment pas grand pouvoir. Face à une telle crise non la moindre, l’article 51 permettrait à l’exécutif de se passer du parlement par le biais du referendum populaire.
Parallèlement cet article vient obliger le Président de la république à ne pas couper le pont avec sa propre majorité au risque de voir celle-ci soumettre une proposition de loi au referendum qui serait contraire à la politique du président ( A rappeler que les lois ont une valeur juridique supérieur au pouvoir règlementaire que dispose les organes de l’exécutif).
Secundo, cet article « miracle » permet au président de ne pas utiliser son « joker » institué à l’article 92 lui permettant de dissoudre l’assemblée nationale en cas de désaccord sur des questions fondamentales et d’être obligé de démissionner si la nouvelle majorité de députés est favorable à la position adoptée par l’ancienne sur la question ayant provoqué la dissolution.
Pour clore, la lettre et l’esprit de cet article préserve l’Etat Guinéen et ses institutions des crises politico-juridiques aux conséquences dangereuses loin de l’interprétation donnée par Me Zogbelemou dont l’effet si ce n’est le but est de plonger le pays dans le chaos.
Alhassane Diallo
Juriste en formation
Université de Bourgogne (France)
Contact : hassanecampus@gmail.com