Censure

Conakry/ c’est dans cet immeuble qu’une mère a vu sa fille, tuée, ligotée et bâillonnée, par…

Rêveuse, courageuse, joviale, sont les quelques qualificatifs que retiendront à jamais les proches de Fatoumata Tounkara, assassinée, il y a quelques jours, au quartier Yimbaya-Permanence, dans la commune de Matoto, à Conakry.

« Crime passionnel », selon l’opinion. Cependant, arrêté lundi dernier, et mis à la disposition de la police judiciaire, les citoyens attendent, le cœur suspendu, la version du mari, Mory Nabé, que tout semble accuser. D’après le témoignage de la famille, le mariage remonterait à environ 4 ans, avec comme fruit un garçon de 3 ans.

La voisine de palier dont nous avons sonné la porte pour recueillir son témoignage, nous a déclaré, vraisemblablement effondrée : « Je ne connais absolument rien de cette affaire. Donc, désolée », en nous claquant la porte au nez.

La porte d’entrée du couple reste sous scellés. Une bandelette zébrée de rouge et blanc, garde ce lieu, qui a été le théâtre d’une scène macabre.

Nous rendant dans la famille de Fatoumata Tounkara, au quartier Kissosso, dans la commune de Matoto, non loin de l’entreprise « Guinéenne d’Industrie » (GI), où elle travaillait, jadis. L’heure est à la peine. Les frères et sœurs avec tristesse, reçoivent les sympathisants. 

      Nous ne savions pas qu’il avait en tête de lui donner la mort…

                                                 (Cirégbè Tounkara)

Encore sous le choc, Cirégbè Tounkara, sœur ainée de la victime, a relaté ce qu’elle en sait : « Le samedi, c’est le mari de ma sœur qui est venu trouver ma mère, au marché de Matoto, où elle vend. Il lui a remis leur enfant, en lui disant que ma sœur était allée déposer ses papiers quelque part, qu’en revenant, elle passera prendre l’enfant, puisque c’est ce qu’ils font d’habitude. Mais l’enfant est resté avec ma mère, sans que ma sœur ne revienne. Alors, ma maman a envoyé l’enfant à la maison. Entre-temps, nous avons appelé le mari, en lui demandant si Fatim était revenue, il a dit non ! Mais comme l’enfant pleurait par le nom de sa maman, j’ai appelé Fatim sur son numéro Orange, le téléphone a longuement sonné sans réponse. J’ai encore appelé le mari, pour lui redire si Fatim n’était pas encore rentrée, mais il m’avait dit que Fatim était sortie avec ses amies. Donc, ce qu’il m’avait dit et ce qu’il avait dit à ma mère étaient différents (…) Alors qu’il avait tué ma sœur et mis ses téléphones à côté d’elle en fermant la porte. Deux jours après, il est revenu voir si ma sœur était morte ou pas ; allumant tous les climatiseurs et fermant toutes les portes et il est parti (…) »

Elle faisait des plaintes, en disant que Nabé est grincheux, qu’il s’irrite pour tout. Nabé aussi m’appelait pour me dire que ma sœur lui faisait ceci ou cela

Quant à l’état de la relation, elle nous confie que : « Elle faisait des plaintes, en disant que Nabé est grincheux, qu’il s’irrite pour tout. Nabé aussi m’appelait pour me dire que ma sœur lui faisait ceci ou cela. On lui demandait pardon et réglait la situation. Mais nous ne savions pas qu’il avait en tête de lui donner la mort. Ils se sont mariés entre 2015 et 2016. Leur enfant à trois ans. L’enterrement aura lieu aujourd’hui (…) Il l’a tuée depuis le samedi surpassé. Le corps était dans la maison, l’odeur avait commencé à se faire sentir. C’est grâce à la remarque des voisins que les gens ont su ».

Elle a poursuivi ensuite, parlant de la scène de crime : « Moi, je n’ai pas osé entrer, mais ma mère était partie voir le corps. Ma mère dit qu’elle était bâillonnée, ses deux bras à son dos et ligotés et ses pieds attachés ».

             Moi, je n’ai pas osé entrer, mais ma mère était partie voir le corps

Frère de la défunte, Tounkara Mamady, étudiant diplômé en comptabilité gestion de l’université de Sonfonia, très proche de sa sœur, nous a révélé que : « Le malheur qui est arrivé à la famille est plus fort que nous. Parce que de la manière dont nous avons été courtois avec le monsieur, Mory Nabé, et qu’il nous remercie de la sorte aujourd’hui, tout le monde en est bouleversé. La personne la plus touchée, c’est la maman, jusqu’au moment où je vous parle, elle ne s’est pas encore rétablie. Elle ne fait que pleurer. Nous sommes tous choqués ».

Revenant sur ce jour qu’il ne semble pas vouloir se remémorer, il nous affirme que : « Les dimanches, moi je ne vais pas au travail. C’est la maman qui m’a appelé à 11h, en me disant de me déplacer ; que ma sœur a rendu l’âme. J’ai emprunté un taxi-moto. Mais je pensais que c’était un accident, ou une courte maladie. Mais je ne m’attendais pas à ce genre de cas.  Quand je suis rentré, l’acte que monsieur Nabé a commis, j’étais ébahi de plus. Je n’ai pu rien dire. En vérité, quand je suis rentré, je n’ai pas osé regarder le corps. L’odeur était épouvantable. Si ce n’est pas un proche, tu ne pourrais pas supporter. Je suis restée au salon, les grands frères sont rentrés voir l’état du corps. J’ai demandé et ils m’ont dit que l’état du corps est critique, parce qu’il était en état de décomposition. On était obligé de l’entretenir avant de l’envoyé à la morgue. »

Il a aussi ajouté : « Elle ne se débrouillait pas mal, c’était une fille qui rêvait beaucoup, qui se battait énormément. Au début, elle travaillait (en réalité stagiaire, NDLR) à UBA, après Ecobank et après à la Guinéenne d’industrie (GI), ici. Son mari, lui c’est un commerçant import-export, qui vend des friperies à Madin.»

Aïssatou Condé, voisine et amie de la victime a témoigné que : « Celle qui est décédée était une tantie à moi. Elle venait nous chercher, mes sœurs et moi, pour nous dire d’aller passer la journée chez elle. Quand son mari sort, nous partons à côté d’elle pour l’aider à travailler et jouer là-bas, jusqu’à 20h. Tantie Fatim était une personne qui n’avait pas de problème. Moi, je ne connais rien de mauvais chez elle, même avec son mari. S’il y avait quelque chose, moi je ne savais pas ».

Elle a aussi fait savoir que celle qu’elle appelait affectueusement « Tantie Fatim », ne travaillait plus, mais faisait une formation quelque part. A cet effet, elle nous fait part d’une anecdote : « Une fois, on était chez elle, quand on lui a transféré de l’argent, elle a crié et je lui ai demandé ce qu’il y avait ? Elle m’a répondu que c’était son salaire qu’on lui avait envoyé ». Elle a prolongé en disant que « une fois, alors qu’elle me parlait d’un problème d’argent, je lui ai demandé et le salaire qu’on lui envoyait ? Elle m’a dit qu’on ne lui en envoyait plus, puisqu’elle ne travaillait plus ».

on décrit Mory Nabé comme un homme pourtant « courtois », « sans problèmes »

« Je l’ai vu, la dernière fois, la nuit du jeudi, quand je sortais, je suis rentrée chez elle et je suis repartie peu de temps après. Et depuis ce jour-là, je l’ai perdue de vue.  Le vendredi, elle a appelé mon frère pour que j’achète le charbon pour elle. Le samedi, je me suis assise devant sa cour et son mari est sorti. Je lui ai demandé où était Tantie Fatim ? Il m’a répondu qu’elle était partie à Kagbélen, dans la grande famille de son papa, qu’elle était partie avec ses sœurs, qu’elle allait vite revenir. Quelques jours après, j’étais couchée avec mon frère, on s’est rappelé d’elle, parce qu’on ne la voyait pas chez nous ; et on s’est dit qu’elle était en colère, parce qu’on ne part pas chez elle. Mon frère l’a bipée, mais elle n’a pas rappelé. Moi aussi je l’ai appelé plusieurs fois et elle n’a pas décroché. La nuit aussi je l’ai appelée et elle n’a pas décroché. Après tout ce temps passé, c’est le dimanche, mon frère est venu en courant pour dire qu’il y a quelqu’un qui est mort à l’étage et que c’est tantie Fatim. On s’est directement rendu là-bas et on a demandé, ils nous ont dit qu’elle n’était pas morte, qu’elle avait juste fait une crise. Mais nous, on n’était pas rassuré. Et par après, on nous a informés qu’elle était réellement morte », a-t-elle narré.

Elle a aussi dit que de passage, sa « Tantie Fatim » lui aurait vaguement confié que c’est par la faute de son mari qu’elle aurait perdu beaucoup de boulot.

Dans la même famille, qui semble si proche du couple, l’on décrit Mory Nabé comme un homme pourtant « courtois », « sans problèmes ». C’est dans ce cadre qu’une femme nous dira « qu’il ne lève même pas la tête pour fixer les gens dans les yeux ».

Fatoumata Tounkara, appelée affectueusement « Fatim » par les uns et les autres, a rejoint, ce mardi, sa dernière demeure, au cimetière de Kissosso, après la prière de 13h. Amis, collègues et famille l’ont accompagnée. Elle laisse derrière elle un enfant de trois ans et une mère inconsolable.

Abdou Lory Sylla et Fatoumata Kaba pour Guinee7.com

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