La communauté guinéenne est très nombreuse en Égypte. En 2019, on dénombre plus de 4.000 Guinéens dans le pays, dont la majeure partie est constituée de femmes. Selon le constat fait sur place par Guinee7.com, les femmes ont plus de chance d’avoir du travail que les hommes. Sauf qu’elles sont exploitées.
Ces Guinéens qui vivent en Égypte résident dans la banlieue où, selon eux, le niveau de vie est convenable. Les femmes sont les plus nombreuses à s’installer dans le quartier Mardjhe. Certaines parmi elles, rencontrées au Caire, se sont prêtées aux questions de Guinee7.com
Hawa Fofana, âgée de 26 ans, est arrivée au Caire, il y a un plus de 4 ans : « Moi, j’étudiais à Conakry, j’ai opté pour l’aventure. Je suis arrivée ici en 2015. Avant de m’adapter, c’était vraiment difficile pour moi. Mais aujourd’hui, je me sens bien ici. Je travaille dans les ménages et je gagne ma vie dans ça, et puis j’envoie de l’argent à ma mère, en Guinée. Dans les ménages, il y a trois catégories de travail. La 1ère catégorie, c’est de nettoyer la maison et faire le linge ; la seconde, s’occuper uniquement des enfants (on appelle ça ici « baby sitter »), en l’absence de leurs parents ; et enfin entretenir les personnes âgées (« mamy sitter »). La plupart des cas, ce sont les deux premières catégories qui sont fréquentes. Moi, je m’occupe des enfants d’une femme qui travaille dans une société de la place ; je viens à 7 heures, je travaille jusqu’à 17 heures, et puis je rentre. Je travaille 26 jours par mois, moyennant un salaire de 350 dollars, près de trois millions de francs guinéens. Dans ce salaire, si je dépense beaucoup, c’est 1 000 livres par mois, sinon avec 700 livres, je peux payer mon loyer, le gaz, l’eau et la nourriture dans ça. Le reste, j’envoie à ma famille, en Guinée. Ici, ce sont les femmes qui travaillent, les hommes ont peu de chance à se trouver du travail », nous a-t-elle expliqué.
Sur les relations entre elles et leurs employeurs, Fofana ne se plaint pas : « C’est le travail qui nous lie, elles nous traitent généralement bien. Des fois, si on gagne mieux, on change. Contrairement à ce que subissent certains Guinéens en Algérie ou au Maroc, ici en Égypte, nous ne sommes pas ségrégués », ajoute t- elle.
Interrogé par Guinee7.com sur le quotidien des Guinéens en Égypte, un membre du bureau des étudiants guinéens en Égypte, lui, parle d’exploitation de ces femmes sur le sol égyptien, et tire la sonnette d’alarme : « Ce que ces filles ne vous ont pas dit, c’est qu’elles sont maltraitées par certains de nos compatriotes, ici. Actuellement, certains Guinéens qui vivent en Égypte ici, ont créé des agences en Guinée, pour envoyer des filles ici, en leur promettant monts et merveilles une fois ici. Ces hommes font croire à ces filles qu’arrivées, elles peuvent travailler dans les ménages égyptiens et pouvoir récolter 700 jusqu’à 1 000 dollars par mois ; ce qui est impossible. Donc, ils trouvent des passeports à ces filles et paient leur billet d’avion. Une fois arrivées, ces filles sont effectivement dispatchées dans les différents ménages. Elles sont payées entre 300, 350, jusqu’à 400 dollars parfois et par mois. Mais à la fin de chaque mois, le monsieur qui l’a envoyée empoche la totalité de l’argent et ce, pendant une année ; sous prétexte qu’il récupère ses dépenses : c’est-à-dire le billet d’avion qui ne peut excéder les 900 dollars pour un billet aller et retour. En une année, ces filles peuvent gagner plus de trois mille dollars ; donc près de trente millions de francs guinéens, comparé à un billet d’avion de 900 dollars. Il y a aujourd’hui près de trois mille femmes qui sont passées par ça. Quand ces hommes les font venir ici, la première année, ces filles sont toutes soumises à cette surexploitation, avant de recouvrir leur liberté. Nous, étudiants guinéens en Egypte, en collaboration avec le Conseil des Guinéens en Egypte, avions entrepris plusieurs démarches pour que cela change. Il a été même décidé avec l’ambassade que désormais, quiconque amène une fille ici, c’était seulement le prix du billet d’avion que la fille allait restituer, mais très malheureusement, ils ont trouvé une autre astuce. Dès l’aéroport, ils confisquent le passeport des filles, comme ça, elles ne pourront plus sortir pour aller se plaindre. Ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a plusieurs filles dans les foyers égyptiens qui ne sont pas connues des autorités guinéennes », regrette Mamadou Hambaliou Diallo.
Certaines sources, sous le couvert de l’anonymat accusent même certaines autorités guinéennes d’être dans ce cercle vicieux.
Si malgré ces conditions pénibles, certaines filles ont le courage de travailler dans les ménages et taire cette surexploitation, plusieurs parmi elles, qui sont passées par ce qui est devenu aujourd’hui un système, dénoncent du harcèlement sexuel de la part de leurs envoyeurs et s’insurgent également contre le silence coupable des autorités guinéennes en Égypte.
Mohamed Samoura depuis le Caire pour Guinee7.com