A la tribune de la salle des fêtes de l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry, ce jeudi 25 juillet, à l’occasion de la présentation officielle du troisième ouvrage du président Alpha Condé, titré Une certaine idée de la Guinée. Entretiens avec François Soudan, le ministre d’Etat, ministre de l’Industrie et des PME, Tibou Kamara, à l’instar de ces collègues, a fait un témoignage, tant sur l’homme que sur l’ouvrage.
Nous vous proposons ici ce témoignage.
« Mesdames et messieurs, distingués invités,
Je vais essayer d’emboiter le pas au ministre d’Etat Kiridi Bangoura, même si je vais procéder différemment. Parce que j’ai eu l’avantage quand même de connaitre le président de la République lorsqu’il était déjà dans l’opposition ; et maintenant qu’il est devenu président depuis quelques temps, je suis un de ses collaborateurs. Mais ce qui m’étonne le plus, c’est qu’il est resté le même homme, au point que parfois, on a besoin de lui rappeler qu’il est devenu chef d’Etat. Je pense que le président l’a dit, Kiridi l’a rappelé tout à l’heure, que lorsqu’il est allé présider une cérémonie, il y a quelques jours, qu’il n’aime pas le culte de la personnalité, et ce matin encore, au cours du conseil des ministres, il disait qu’il n’aime pas les distinctions et les honneurs ; je vais essayer de tenir compte de ce vœu, tout en expliquant un peu quelques témoignages, pour paraphraser le livre, pour que chacun d’entre vous, puisse avoir une certaine idée de l’homme. Afin que chacun puisse se faire un jugement.
le président est apparu comme on le connait, direct, ouvert et même un peu dans le style brutal qu’on lui connait
« Lorsque j’ai fini de lire le livre, facile à lire, j’ai eu deux sentiments. Le premier sentiment était un sentiment d’admiration, parce que je me suis dit, que c’est incroyable d’avoir en si peu de temps plusieurs vies en une seule vie. Un parcours aussi riche, important, avec beaucoup d’épreuves, beaucoup de sollicitations, beaucoup de succès, beaucoup d’échecs. Je pense que ça serait difficile pour l’un d’entre nous, d’avoir un parcours aussi élogieux, avec beaucoup d’épreuves, de persévérance à l’effort et des fois dans l’ambition, dans l’espoir qui nous anime. Mais en même temps, je me suis dit, bon, de toutes les façons, j’aimerais pouvoir un jour avoir le même engagement (…) Mais à la différence quand même de ne pas passer par la prison, parce que c’est une étape dont on pourrait se passer et qu’heureusement, avec l’évolution des démocraties, n’est pas le sort habituel réservé aux opposants.
« Mais ce qui est remarquable dans ce livre d’entretiens, puisqu’il faut en parler, c’est que chacun des deux acteurs, a parfaitement jouer le jeu. François Soudan a posé des questions qu’on peut dire directes et sincères, pour amener le président à sortir de sa réserve, ce qui n’est pas difficile, quand on connait le tempérament et la personnalité de l’homme ; et le président est apparu comme on le connait, direct, ouvert et même un peu dans le style brutal qu’on lui connait , avec des réponses peut-être qui ne sont plus compatibles avec la fonction du chef d’Etat. Mais il a dit dans le livre qu’il a un défaut, c’est la franchise, qui lui joue parfois des tours. Et c’est vrai, il dit avoir changé, mais je pense que sur ce point, il n’a pas encore changé.
Il y a un operateur économique qui est venu voir le président, pour lui expliquer une situation dans le pays…
« Je vais vous raconter une anecdote. Il y a un operateur économique qui est venu voir le président, pour lui expliquer une situation dans le pays. Il a trouvé tellement d’intérêt aux explications, qu’il a dit, il faut qu’on fasse une confrontation. On va réunir tout le monde et discuter du sujet. Il organise la rencontre et lui donne la parole, mais il commence à parler de tout, sauf de ce qu’il avait dit au président. Et puis le président l’interrompt, pour lui dire, mais ce n’est pas ce que tu m’as dit, il faut dire cela maintenant, devant tout le monde. L’autre vient lui dire, mais président, c’était entre nous. Il dit, mais tu ne m’as pas dit que c’était entre nous !
« Alors, c’est comme ça que le président est. Je pense que cela l’aide beaucoup dans sa relation avec les autres. Et cela permet d’éviter un certain nombre de travers et de pratiques que nous connaissons dans le pays, et qui parfois perturbent l’Etat et affectent un peu la lucidité de nos chefs d’Etats. L’autre chose qui est remarquable chez le Professeur Alpha Condé, il faut pouvoir distinguer l’homme du personnage politique, et je pense que, de loin, on a un jugement et lorsqu’on l’a pratiqué, on a également un jugement. Moi, je pensais comme une injustice, que la nature profonde de l’homme, sa personnalité sympathique, pour ceux qui ont eu l’occasion de le pratiquer, n’apparaissent pas souvent dans la perception qu’on peut avoir de l’homme politique et l’action publique qu’il mène. « Il y a même comme une contradiction entre la personnalité profonde, la nature l’homme et la jugement politique qu’on pourrait faire de certains de ses actes. Je pense que cela est dû un peu au fait que dans la vie publique dans notre pays, il y a beaucoup plus de passion et d’émotion que le recul qui est utile pour mieux apprécier les évènements et avoir un jugement plus éclairé sur les hommes.
Je disais même au président un jour, les Guinéens ont dépassé l’ambition d’être ministre, tous veulent être président maintenant
« La franchise caractérise le président et comme il l’a dit, ça lui joue de vilains tours, aussi bien dans ses relations avec ses pairs chefs d’Etat, qui souvent, vous l’avez remarqué, de ne pas toujours dire trop haut, ce que tout le monde pense tout bas. Et il a toujours répliqué, je m’en fous, je dis ce que je pense ! Et il est resté comme ça.
« Avec nous, même lorsqu’on discute, parce que cela aussi est un trait de ces caractères. Il est aussi constant dans l’amitié que dans l’adversité. Il a les mêmes amis depuis des années et les mêmes adversaires depuis des années. Même lorsqu’il arrive d’évoluer dans la discussion avec lui, il écoute, il écoute. Il dit oui, tu as raison, mais je ne change pas d’avis, c’est ma position. Je pense que c’est un mérite de faire preuve de constance, mais dans la politique, il faut parfois avoir le souplesse et l’ouverture, pour favoriser le compromis qui est indispensable dans nos sociétés.
« L’autre leçon que je tire de ce livre, que je recommande vivement à la nouvelle génération, c’est la patience. Vous avez remarqué qu’Alpha Condé aura consacré près de 50 ans à accéder au pouvoir d’Etat. Mais beaucoup de ceux qui créent des partis aujourd’hui, pensent que le lendemain même, ils seront chefs de l’Etat. Je disais même au président un jour, les Guinéens ont dépassé l’ambition d’être ministre, tous veulent être président maintenant, c’est du progrès. Et cela, on le doit à la démocratie. Je crois qu’il faut ne pas oser certaines ambitions, lorsqu’on n’a pas une certaine histoire comme lui, ou un certain parcours. Parce que je le dis encore, le plus grand défaut des nouvelles élites politiques, c’est d’être pressées. Je pense qu’il faut avoir une histoire, un parcours comme le Professeur Alpha Condé, pour oser prétendre à la magistrature suprême, qui est quand même l’ultime étape d’un combat politique, et ne saurait jamais être le commencement d’une vie politique. Il faut commencer par là où il faut commencer, pour accéder là où il faut accéder. Même si par accident, comme on le voit ailleurs, on arrive à cette fonction, on est vite rattrapé par l’inexpérience. « Donc, il faut que la jeunesse soit patiente en allant à cette école décrite dans le livre du Professeur Alpha Condé. Et puis, qu’elle ait ce sentiment qu’on ne peut rien obtenir dans la vie, sans un minimum de sacrifice, sans un minimum d’engagement, sans un minimum de mérite. Et là aussi, c’est un exemple du Professeur Alpha Condé, parce qu’il n’a pas attendu de devenir président pour s’engager dans une vie militante et affirmer des convictions politiques. La plupart d’entre nous, c’est lorsqu’on accède à un poste, qu’on se découvre une vocation politique ou qu’on a subitement une conviction militante. Je pense que ça aussi, c’est un défaut de la nouvelle génération politique.
le président est parfois l’homme des surprises.
« C’est difficile de parler d’une partie du livre que je vais sauter rapidement. Puisque le président, comme on le connait, a évoqué l’élection présidentielle de 2010 ; et j’ai été surpris moi-même de voir que j’étais concerné par ce chapitre. Mais je vous laisse découvrir par vous-même, pour ne pas être dans l’embarras et en plus, il ne me l’a pas dit avant. C’est pour vous dire combien de fois, le président est parfois l’homme des surprises.
« On découvre également la foi du président. A beaucoup de questions, il a dit, si Dieu le veut, seul Dieu le sait, si Dieu me donne encore l’énergie. Je pense que pour un homme réputé rationnel et pragmatique, c’est une dimension essentielle et extrêmement importante à savoir. Il est animé de foi et de croire au destin de chacun d’entre nous. Lui, il ne l’a pas forcé, il a attendu son heure. Je pense que cela devrait nous inspirer, à savoir que chacun, s’il sait attendre, aura son heure. On ne peut ni changer le cours de l’histoire par sa volonté, ni s’imposer dans le destin par ambition. Et je pense que de ce point vue, le président, en tout cas pour moi, et je l’espère pour les générations montantes, devrait constituer un exemple de foi, de patience, de persévérance et surtout de savoir gravir les étapes dans la vie, avant d’accéder au plus haut sommet de l’Etat. En tout cas, si on inverse la pyramide, cela ne serait pas une école du Professeur Alpha Condé. D’ailleurs, je parle sous le contrôle de deux de ses collaborateurs. Ce qu’il nous reproche le plus souvent, c’est d’être impatients. Dès qu’on le bouscule, il dit : ah non, non, je n’aime pas la pression, vous êtes impatient, moi j’ai attendu longtemps. Alors il faut attendre longtemps… »
Kiridi a évoqué un aspect de sa personnalité, c’est le don de soi. Beaucoup ne savent pas que le Président de la république a consacré toute sa vie à son combat politique. Il a consacré son énergie à l’ambition qu’il portait pour la Guinée.
il n’avait aucun doute qu’il serait un jour Président
Je vais vous racontez une autre anecdote. Lorsque je lui rendais visite à la place d’Italie, pour ce qui l’ont fréquenté à cette époque ; il n’avait aucun doute qu’il serait un jour Président. Il me disait toujours, quand je serais Président, quand je serais Président. Je disais, monsieur le Président, non seulement ça parait loin, mais il faut attendre d’être Président. Il me regardait comme ça et me dis, tu verras, je serais Président et il l’a été.
Donc ce qu’il faut retenir du livre, c’est l’accent de sincérité, la force de l’engagement, la vocation militante de l’homme et je le disais tout à l’heure, c’est la fidélité à tous les engagements. Constance dans l’amitié, constance dans l’adversité. Et je le dis souvent, il a traitement pour les amis et un traitement pour les adversaires et je vous recommande d’être de ses amis, vous aurez un meilleur traitement.
Et quelques soit la conviction qu’on peut avoir, moi l’intime conviction que j’ai, c’est qu’il aime le pays et il est convaincu que sa mission c’est desservir le Guinée et les guinéens. Et c’est une ambition quotidienne qu’il partage avec chacun d’entre nous, avec une énergie que personne n’a et une détermination qui habite moins certains d’entre nous. Parfois même agacé par cette précipitation parfois à avoir un résultat comme s’il défiait le temps, le nature et l’espace pour imposer un avenir à la Guinée et un destin au guinéens.
Je vous remercie.
Une synthèse faite par Abdou Lory Sylla pour Guinee7.com