Pour prédire des événements politiques, il ne suffit pas d’être intelligent, ou d’avoir des connaissances précises sur la culture politique d’un pays ; il faut s’intéresser à la manière dont les individus prennent leurs décisions dans des situations stratégiques. Pas besoin de rappeler que le FNDC depuis le discours du président de la république se trouve à un tournant décisif dans son combat contre ce qu’il appelle le ‘’Coup d’Etat civil’’.
Ce tournant est aujourd’hui symbolisé par l’attitude ambivalente du front sur deux sujets majeurs qui constituent la matrice politique de sa lutte : le sujet d’un changement constitutionnel et celui relatif au renouvellement du mandat des élus de l’Assemblée nationale. Faut-il avoir une attitude de fermeté sur le respect de la constitution en faisant l’impasse sur la question des élections législatives quitte à fâcher sa branche issue des partis politiques ? ou au contraire ces deux sujets constituent les deux faces de la même pièce, auquel cas, il conviendra de traiter avec la même conviction ?
A cette équation politique non moins difficile, le FNDC doit faire sa mue, et par la même occasion sortir de l’ambiguïté au risque de brouiller les pistes à ses partisans. C’est la composition même du FNDC qui se trouve aujourd’hui à l’origine de son ambigüité, une composition faite d’acteurs de la société civile et de partis politiques.
Refuser l’élection pour la constitution ou défendre la constitution pour l’élection ?
L’adresse à la nation du chef de l’Etat le 4 septembre dernier ne tournait qu’autour de deux thématiques principales : l’organisation des élections législatives avant la fin de cette année et l’organisation d’une consultation sur la constitution.
Si le FNDC a répondu à la deuxième en affirmant très clairement qu’il n’y aurait ni « débat, ni consultation, ni referendum encore moins de 3e mandat » tout en invitant l’ensemble du front à refuser toute rencontre avec le Premier ministre, une consigne plus ou moins respectée, la première thématique du discours du président de la république n’a pas encore fait l’objet de prise de position de la part du front, surtout quand on sait que la commission électorale (CENI) a déjà annoncé au chef du gouvernement son intention d’organiser les élections législatives au 28 décembre prochain.
Cependant, si le FNDC en tant qu’entité constituée n’a pas réagi à la date annoncée par la CENI, sa branche issue de l’opposition politique rejette en bloc la date fixée par l’institution électorale estimant que les conditions ne sont pas encore réunies pour aller aux élections.
Ce silence du front autour d’un sujet majeur qu’il s’est donné intrigue au sein de l’opinion. L’on se rappelle que les membres de ce front étaient vent débout contre la prorogation du mandat des députés par décret présidentiel en début d’année 2019, estimant la décision illégale et anticonstitutionnelle ouvrant la voie à un glissement du calendrier électoral. Alors, refuser l’organisation de ces élections au 28 décembre pour renouveler un parlement ‘’périmé’’, reviendrait à ravaler son propre crachat après l’avoir pourtant balancé au sol.
Accompagner le cas échéant les opposants dans leur logique du refus de la date proposée, donnerait aux adversaires du FNDC, qui ont toujours vu en cette coalition une ‘’UF-DG-R Bis’’, l’occasion de discréditer leur mouvement.
Résumons notre pensée : Si la branche issue de la société civile refuse d’accompagner la branche politique dans son boycott de toute élection en 2019, le mouvement sera fortement affaibli ce qui fera le jeu du pouvoir, et si la branche civile décidait finalement d’accompagner les opposants dans leur volonté de refus du scrutin annoncé, l’incohérence des acteurs du front sera mise au grand jour. L’un dans l’autre, et quel que soit la solution à cette équation, le FNDC y laissera sans doute des plumes.
Entre être et ne pas être, le peuple est.
Par Alexandre Naïny BERETE, étudiant en Master 2, analyste politique.