Ce titre choisi et, à juste raison, est celui d’une des publications sous forme de brochure de notre Président, Alpha Condé, alors opposant au pouvoir de Conté. « Où allons-nous ? », opportunément, cette légitimequestionestd’importance et davantage traduit aujourd’hui encore une préoccupation majeure. Que se passe-t-il ? Semble-t-il que dans le courrier de la Primature adressé dans le cadre des consultations dites nationales, l’objet ronflant porterait sur une discussion relative : « aux préoccupations de l’heure.»
Vraiment ? Inutile d’insister que les préoccupations de la population sont loin d’être celles de l’heure. Sont-ce plutôt celles de toujours et la question de nouvelle constitution qui reste la substance de votre préoccupation majeure et de l’heure n’est pas à être alignée sur la souffrance de cette population. Comme nous avons de cesse de le rappeler, une Constitution est un ensemble d’acquis composé d’éléments sujets à modification et d’autres qui ne peuvent l’être. Partant, quelque soit le génie de ceux qui s’y prêtent, les contraintes du réel leur ouvriront les yeux à cette réalité que le changement constitutionnel ne procède que de leur prétention. Nous adhérons au principe de réformes constitutionnelles, mais pas à l’idée qui préside aujourd’hui à la démarche sous le masque de la vertu des consultations, du dialogue auquel sommes-nous attachés. Mais, « Où allons-nous ?»
« Le poisson pourrit par la tête », ainsi s’intitulait cette autre brochure du Président de la République contre le pouvoir militaire et, il avait raison de s’appuyer sur ce proverbe chinois. Ce projet de nouvelle constitution est une dérive manifeste. Que ceux qui, aujourd’hui, y apportent leur soutien, ne viennent, comme de vierges effarouchées, dire qu’ils en ignoraient la finalité. Il est une autre forme de soutien voire autre catégorie de soutiens plus sincère ayant le sens de la postérité et qui reconnaît la modeste la contribution en acquis mais s’oppose résolument à la démarche du Président de la République. Nous n’avons jamais souhaité son échec et d’ailleurs, nous n’en souhaiterons jamais à quiconque occupe une parcelle de responsabilités et investi d’une mission de service public. Nous y mettons un point d’honneur !
« Où allons-nous ? » Vous, où allez-vous, Monsieur le Président ? L’ambition réside aussi hautement dans l’inspiration que l’on peut susciter, un précédent à valeur d’exemple. Une opportunité historique vous est en l’occurrence, offerte, une première depuis l’indépendance, être le vecteur de l’alternance démocratique. Malgré toute la solennité conférée à ces consultations et le rappel de l’intérêt ou de la vertu qui s’y rattache, le Chef de l’État semble emprunter un chemin qui ne peut l’honorer parce que contraire à son parcours politique et destiné à être combattu en faveur d’une culture démocratique, d’une société prospère parce qu’apaisée. L’alternance n’est pas une pratique nouvelle qui serait un luxe dans notre histoire, nos ancêtres en avaient déjà l’expérience.
Dans son discours d’invitation aux consultations, et emboîtant le pas au Président de la République, le premier ministre a feint la candeur digne du théâtre, essayant vainement de faire admettre étonnement sa neutralité et son impartialité. Toute cette manœuvre grotesque déshonore la République. Le dialogue social est un vaste éventail impliquant à la fois, débats, négociations et consultations. Naïvement, beaucoup estiment qu’il faille croire à la bonne foi du premier ministre de conduire en toute responsabilité ces consultations, cela fait sourire. Au regard de l’enjeu, l’établissement d’un cadre apaisé, à défaut du cadre institutionnel, qui tienne compte du principe du contradictoire dans un débat fécond est une exigence. Les consultations sont dévoyées !
Le cheval de Troie, mais sommes-nous plutôt tentés, en l’occurrence, de dire « le cheval de Conakry.» Notre président à son habitude, est un homme investi dans les rapports de force; c’est la marque de son parcours politique. Il écoute patiemment mais agit autrement, et comme s’il ne témoignait d’aucune confiance dans ses conseillers, il leur exige même « la preuve écrite » de leurs suggestions ou recommandations. L’histoire nous en dira. Le Président n’est pas un homme de dialogue social, et même son adhésion aux accords politiques, ce n’est pas sans nourrir le souhait de leur non-respect ou la volonté de faire retarder leur application, ce qui est aussi une forme d’opposition ou de résistance connue et dont a parlée William Ury, auteur américain.
Le Président et son premier ministre sont dans un jeu de rôles et où l’avant-projet, le projet, leurs préoccupations de l’heure, restent la constitution. Tous les deux font allusion à ce projet dans leurs discours, le premier annonçant les consultations suivies d’un débat ouvert avec emploi d’arguments et le second, à court d’arguments objectifs limitant sa mission aux seules consultations sans débat. Comment expliquer cette contradiction, entretenue à dessein ? Celui qui a en charge le dialogue social à lui dévolue par la constitution – article 58- s’emmêle les pinceaux et soutient : « Je tiens à préciser que ma mission n’est pas d’engager des négociations ou de conduire un dialogue à proprement parler »
Plus royaliste que le roi. Un dialogue à proprement parler ? La notion de dialogue social n’est pas précise, en ce sens qu’elle couvre à la fois négociations, consultations et débats. Suivant le raisonnement du Président de la République qui parle de « débat ouvert », « arguments », « responsabilités », « recommandations » et sans restriction pour situer le cadre du dialogue, immanquablement et de manière rationnelle, le principe du contradictoire devrait caractériser lesdites consultations. La mission du premier ministre dès lors et, conséquemment, devrait consister en la conduite d’un dialogue qui tienne compte de ce principe et non « écouter et rendre compte fidèlement » comme il le dit, manquant ainsi à ses responsabilités constitutionnelles. Pour une question aussi fondamentale, il fallait pas chercher à sacrifier la paix à l’idéal de la souveraineté entre nous. Ils savent ce qu’ils trament, le principe des consultations est utilisé comme leurre, mettre en mal avec la conscience, faire germer dans les esprits de sentiments de culpabilité pour ceux qui s’y refuseraient.
« Où allons-nous ? » D’ailleurs, les conclusions ou le rapport de ces consultations précèdent les consultations elles-mêmes. La preuve est faite ; la mouture du projet constitutionnel est déjà prête; les consultations ne pouvaient même pas sérieusement porter sur les insuffisances supposées et, la thérapie aura bien fonctionné car, nombreux sont ceux qui, au sortir de la rencontre, peut-être pour se donner bonne conscience, affirment que les échanges n’ont pas porté sur le projet constitutionnel en cours. Soit, alors c’est quoi le sujet brûlant de l’actualité, appelé « préoccupations de l’heure » qui a fait l’objet d’échange?
Le Président est déterminé à rester; convaincu d’une certaine adhésion populaire, semblant mépriser le soutien extérieur, et plus que jamais fataliste sur ce coup, il nous oppose même l’idée que le pouvoir est divin. Soit ! Oubliant que la résistance dans la prise en main de son destin est aussi divine et est même recommandée.
Les conditions objectives d’une concertation dépouillée de toute partisanerie ne sont pas réunies. Le chef d’orchestre qui se trouve être le garant de la paix, est face à un cas de conscience et où, le président serait en passe de renier l’opposant exigeant qu’il fut ? L’opposant historique ?
L’opposant historique n’est pas un exemple dans l’intérêt porté au dialogue social; sans vouloir l’encourager, le refus du dialogue qui est aujourd’hui opposé à certains acteurs politique et social, peut tout aussi lui être opposé. L’invitation au dialogue si elle ne repose sur un minimum de sincérité et de volonté manifeste de recherche commune de solutions, son refus reste compréhensible. Quand on prêche l’espoir d’un apaisement et, qui plus est l’on se trouve en être le garant, il faut en donner la garantie. Les desseins du pouvoir sont clairs, il n’y a pas de mystère; il est donc normal, que légalement la résistance s’organise, que l’opposition au projet ne baisse la garde, qu’elle sache taire l’égoïsme ou l’ambition personnelle. Pour qui observe un minimum de principes, le refus de participer à une consultation que l’on estime être une mascarade, est un réflexe, naturel. Peut aussi procéder de l’esprit d’anticipation ou l’espoir d’une influence certaine.
L’exemple du Président en l’occurrence, est une éloquente illustration. Puisqu’en 24 ans de pouvoir du Général Conté et malgré l’invite qui lui était faite ou adressée, il s’est catégoriquement refusé de lui rencontrer. Suprême affront presque, il essaya même de dissuader ses collègues de l’opposition d’alors, qui se disaient prêts à répondre à l’invitation de feu Conté pour discuter de vraies préoccupations de l’heure, des questions de développement pour l’avenir du pays. Malgré qu’il ait contribué à la rédaction de propositions qui devaient lui être faites ou soumises, lui, n’y sera pas. D’ailleurs, il se félicitera même de n’y avoir pas été, arguant de la mauvaise qualité de l’accueil. Préjugé, prétexte.
Est-ce un exemple de considération de la vertu du dialogue ? La seule et unique fois qu’il le fit, humainement, c’était pour présenter les condoléances d’usage suite au décès de la mère de ce dernier. Fallait-il faire comme lui ?
Les motivations réelles de ces consultations ne passent pas par le filtre de la raison. Le Président de la République prône le changement mais la rupture l’effraie. « Où allons-nous ? »
Citoyen,
PENDESSA Amara