En exigeant aujourd’hui une nouvelle constitution, le peuple guinéen demande explicitement un autre mandat pour Alpha Condé. En effet, avec une nouvelle constitution, et la loi n’étant pas rétroactive, Alpha Condé peut bien se présenter pour un autre mandat. En démocratie, l’unanimité, si elle n’est pas proscrite, n’est toutefois pas à rechercher coûte que coûte car chacun en son âme et conscience doit exprimer ses vues et prendre la position qui lui convient. La majorité qui s’exprime partout dans le pays actuellement, constituée de sensibilités sociopolitiques diverses, est l’expression de la volonté populaire.
Alors pourquoi diantre se marcher sur les pieds et se bouffer comme le dirait le commun des mortels « les narines » dans des polémiques aussi inutiles, stériles que nuisibles alors qu’il y a tant et tant à dire et qu’il faudrait bien plus qu’une vie pour épuiser le sujet, celui du devenir de la Guinée !
Laissons donc les «évènements» et les «non-évènements» à la noble perspicacité de ceux de la rubrique des « chiens écrasés » et préoccupons-nous des analyses et réflexions prospectives dont les objectifs de toute évidente sont tout autre et prennent une importance de tout premier plan parce que le pays tout comme le continent sont à un moment charnière de leur histoire.
Paradoxalement, cette complexité du temps et des phénomènes ne devrait pas leur déplaire ; tout au contraire, cela leur donne de quoi se maintenir en vie jusqu’à épuisement. Vive alors la glorieuse heure des «Amoulanfè», et autres traumatisés de «la présidence à vie», véritables alchimistes et fétichistes du «l’Afrique a besoin d’institutions fortes et non d’hommes forts». Comme s’ils voulaient nous faire croire que pour Barak Obama, les Franklin Roosevelt (4 mandats) et autres Georges Washington étaient des mollassons qui n’ont compté que sur leurs bonnes étoiles et les «institutions fortes» pour faire en sorte que les USA soient ce qu’ils sont aujourd’hui. Et que dire de la position de Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain qui a indiqué au chef de l’Etat guinéen « le ferme soutien des Etats-Unis à des transitions de pouvoir régulières et démocratiques, qui donnent plus de responsabilité, des institutions plus fortes et moins de corruption ».
Mike Pompeo a lui l’excuse de ne pas connaître notre histoire. Mais nous, nous connaissons la sienne ! Et comment !
C’est à croire qu’on cherche à nous divertir pour nous tenir loin des affaires de ce monde afin de continuer à mieux nous asservir. Il y a comme un parfum de marché de dupes dans cette théorie que nombre d’Africains reprennent, à qui mieux-mieux, adeptes qu’ils sont des formules toutes faites sans les explorer réellement et tout heureux de jouer aux savants !
Toujours est-il que rarement notre pays a été autant à la croisée des chemins faisant dire à un analyste et non des moindres que les défis à relever cette année sont plus ou tout au moins aussi cruciaux que ceux auxquels il fallait apporter des réponses en 2010.
Trop heureux de renouer avec la vraie démocratie, les Guinéens avaient été si heureux de tourner la page qu’ils n’avaient pas mesuré toute l’ampleur du challenge s’amusant même à bâcler certains processus capitaux. On se rappelle qu’on s’était fourvoyé dans des débats stériles sur la réconciliation nationale qui avait été finalement immolée sur l’autel de babillages enfantins. Tout le reste du processus d’édification de l’Etat de droit nouveau en a pris un sérieux coup qu’il ressent toujours. Chacun des acteurs se satisfaisant du nouveau rôle que les urnes venaient de distribuer. Même sur ce point on a manqué de constance certains ayant promptement viré leur cuti comme pour dire qu’ils n’accordaient que peu de valeur au mandat des citoyens. Tout naturellement, la toute première élection, celle qui devrait déterminer l’avenir du pays, a été ce que nous avons connu du fait du déculottage de certains des acteurs et des retournements de vestes. Depuis lors, l’élection présidentielle de 2015 (un coup KO) a plus ou moins ressemblé à un plébiscite, l’opposition continuant à traîner les tares de ses choix stratégiques de 2010.
C’est bien trop facile de nos jours de tout rejeter sur le candidat élu depuis lors et de lui exiger de se mettre hors-jeu pour donner «plus de chances» aux autres concurrents. Alternance oui, et surtout par les urnes, mais qu’on nous évite les solutions de raccourcis qui n’ont davantage que de satisfaire aux schémas artificiels au détriment des possibilités de choix du peuple.
C’est là tout l’intérêt du prochain scrutin qui prend un sens à nul autre pareil car beaucoup trop de gens s’accrochent plus aux apparences qu’aux faits. S’il peut être celui de la refondation, il peut aussi être celui de l’exclusion comme le verraient certains acteurs et analystes. Il n’est pas trop difficile de comprendre qu’en pareille occurrence les challenges se situent loin et même très loin des chiffres et de l’arithmétique que certains attendent impatiemment pour prouver qu’ils sont les plus grands analystes de ce pays. Vulgaire caricature, car ni le taux de participation, ni le nombre d’inscrits, ni l’élection « à hauteur d’hommes » du candidat Alpha Condé, comme ils le disent perfidement (selon eux-mêmes), etc. ne pourront être des critères suffisants pour juger de la qualité de notre système encore moins de la légitimité ou non de celui qui sera élu. La véritable analyse serait de réussir à percer la citoyenneté des forces négatives qui n’auront rien fait pour que le peuple fasse son choix.
Dès lors que la légitimité est conférée par le peuple par l’intermédiaire de la voie des urnes, aucune autre considération ne devrait être de mise à moins de vouloir instaurer une polémique bien inutile alors même que le futur prochain président engage le pays tout entier à l’avènement d’un pays économiquement émergent. Les grands chantiers qu’il entend ouvrir pour y parvenir ne devraient laisser aucun Guinéen au bord du chemin pour peu qu’il se donne la peine de se demander ce qu’il fait pour son pays avant d’en attendre quoi que ce soit. Le reste n’est que rhétorique. Il est évident que ce sera aussi l’occasion de revoir toute l’armature institutionnelle du pays. Qui a dit que 2015 était loin?
Alpha Condé est-il le meilleur candidat en 2020 ? Sans aucun doute, il faut répondre par l’affirmative puisque mêmes ses plus farouches adversaires ne se donnent aucune chance. Par ailleurs, on peut être difficile et être loin d’être satisfait des résultats atteints jusque-là, mais il est indéniable que le pays a fait d’énormes progrès dans tous les domaines. Il n’y a qu’à voir les bedaines qu’entretiennent ses plus grands contempteurs pour s’en rendre compte. Ce n’est pas ce qui les empêche pourtant de n’y voir qu’une présidence à vie pour Alpha Condé.
Raccourcis trop faciles ou sentiments réels d’un pays profond qui s’interroge ? Si tout indique qu’on est dans le premier cas de figure, il n’en demeure pas moins que la légitimité du choix appartenant au peuple, il faudra bien à un moment où à un autre lui permettre de trancher. Une nouvelle chance pour ce peuple pour réaliser les transformations promises et renouveler ainsi l’espoir qui vit depuis 2010.
Justin Béavogui