Il y a quelques jours, le Président Alpha Condé était de l’illustre hôte de la région de la Haute Guinée. Dans cette zone acquise à sa cause depuis les premières heures de son destin politique national, le chef de l’Etat a communié avec les populations des deux principales villes, Kankan et Siguiri.
Sans vouloir ressusciter l’histoire de cette visite, il serait tout de même enthousiasmant de s’attarder un peu sur son passage à Kankan, où le Président Alpha Condé a eu droit à une réception majestueuse. Devant ses partisans pleinement disposés, il a lancé ces propos suivants : « certains de vos enfants se sont vendus à nos ennemis. » Il n’en fallait pas pour que l’opposition politique, certains observateurs, certains citoyens et certains journalistes se charment en commentaires à tort ou à raison.
Tandis que, le vocabulaire politique qui est la race du discours politique, pour mieux l’analyser et l’interpréter, il faut toujours le contextualiser en se dressant les questions suivantes : « comment ? », « quand ? » et « pourquoi ?» Par réplique à la tradition qui plaçait au centre des méthodes d’analyse des discours politiques, la problématique de : « qui ? », « quoi ? », «où ? », « quand ? »
Toutefois, au même titre que je reste rassuré que certains analystes n’ont pas dérogé à la règle, à la même fréquence je reste dubitatif pour beaucoup d’entre eux.
Dans le contexte sociopolitique présent, pour pouvoir expliquer les raisons du Président Alpha Condé, il faut répondre aux trois questions posées ci-haut :
1-Comment ses propos ont-ils été lancés par le chef de l’Etat ?
Le Président Alpha Condé était confiant que cette foule de la ville de Kankan, sortie massivement pour l’ouïr ce jour, était absolument promise à sa cause. Surtout dans une ville dont l’appui politique à l’homme se conjugue avec sa carrière politique. Donc, en homme politique, Alpha Condé pour être en symbiose avec ses interlocuteurs a préféré les sujets et enjeux du temps. Immanquablement, pour être bien compris et cru, il lui fallait un sujet politique qui est voisin et qui concerne les populations de Kankan. Sachant aussi qu’il était dans la ville d’origine d’un leader politique qui ne file plus le même que lui, mais dont les siens adhèrent majoritairement à sa présidence. Il lui fallait intégrer dans son discours de circonstance, un élément de langage politique qui puisse faire passer ce leader politique aux yeux des siens, comme le « mauvais fils » qui se désolidarise d’un vieux support politique, qui est comme un pacte entre les siens et lui. Par conséquent, c’est un ennemi dont les parents doivent soit vouer aux gémonies soit le ramollir. C’est de bonnes guerres !
Au-delà, il serait aussi nécessaire de rappeler que tout homme politique, face à un public quel qu’il soit, est un émetteur qui veut toujours agir sur son récepteur (public). Pour ce faire, il ne se contente pas de décrire le réel mais il construit la représentation du réel qu’il partage. C’est pourquoi, parfois, l’effet ou le contenu du message politique diffusé dépasse dès fois largement l’intention première. Parce que le but visé par l’homme politique à travers son discours, est de persuader à telle enseigne qu’on lui croit sans concevoir.
2-Quand ou à quel moment ces propos sont-ils lancés ?
Depuis quelques mois le débat sur le projet de modification de la constitution du 7mai 2010 l’emporte, sans parler des marches de rouspétassions. Faisant du chef de l’état Guinéen, la cible de toutes les critiques acerbes et charges verbales qui effleurent l’offense venant de tous ses adversaires. Parfois, ce sont des déclarations à faire expatrier le Président Alpha Condé.
Par exemple, lorsque Fodé Oussou Fofana (opposant) déclare le 04 octobre 2018 « …..nous allons écourter le second mandat d’Alpha Condé… » Pires, sont les propos de Ousmane Gaoual (opposant) « Alpha à exprimé le souhait de mourir président. On va l’aider. Mais ça sera avant 2020. Car il n’est pas interdit de tuer des présidents… »
Quand les opposants à la manière de gérer d’un Président de la république, en plein exercice de son mandat légal menacent à la fois son fauteuil et son intégrité physique, il est compréhensible que ce dernier les traite d’ennemis. Car, pour écourter un mandat légal, si ce n’est pas par la volonté de celui qui l’exerce, il faut user des moyens illégaux (insurrection ou coup d’état.) Or, aucun Président élu au monde ne souhaite partir du pouvoir à son corps défendant que par la voie démocratique.
3-Pourquoi le Président Alpha Condé lance-t-il ces propos ?
De 2010 à 2019, cela fait neuf(09) ans que le Président Alpha Condé est au pouvoir. Logiquement, il est mieux indiqué et placé aujourd’hui, pour juger les gestions antérieures en toute conscience, de ses opposants qui sont anciens ministres et anciens premiers ministres. D’ailleurs, parlant de ces gestions antérieures, Alpha Condé n’en a jamais fait dans la dentelle.
A supposé par exemple que, dans l’exercice de ses fonctions de Président de la république, il a découvert que ses opposants quand ils étaient aux affaires auraient pu construire des hôpitaux, des écoles, des universités, des routes, des ponts, des barrages hydroélectriques, mais qu’ils ont refusé de faire. En lieu et place de toutes ces infrastructures en faveur des Guinéens qu’ils ont plutôt garni leurs propres comptes bancaires, acheté des maisons en occident, créé des entreprises à l’étranger et garanti l’avenir de leurs familles. En un mot, ils ont privilégié l’intérêt égoïste au détriment de l’intérêt général. Face à un tel constat, peut-on s’interroger sur le pourquoi le Président Alpha Condé les désigne d’ennemis ?
Bella KAMANO, Journaliste et Analyste Politique.