Dans les locaux du siège de la coalition démocratique pour la nouvelle constitution (CODENOC) à Conakry, le président du Front national pour le développement (FND), Alseny Makanéra Kaké, a tenu ce mardi 17 décembre, les journalistes en haleine sur plusieurs sujets faisant l’actualité dans le pays.
Il s’est notamment exprimé sur sa vision sur le processus d’adoption d’une nouvelle constitution, que lui et ses pairs défendent depuis un certain temps.
Il a de prime abord dit que ‘‘c’est vrai pour les révisions, on a deux possibilités, le projet de révision, lorsqu’il bénéficie de la majorité simple des députés, le président a deux choix. Soit passer par referendum ou passer par la même assemblée nationale et en ce moment, il faut que le projet puisse bénéficier de deux tiers des membres de l’assemblée nationale. Mais ça c’est la révision. Mais quand c’est l’établissement d’une nouvelle constitution, il n y a que trois méthodes : la méthode autocratique, comme celle de 2010 ; méthode semi-démocratique, on crée une commission spéciale chargée de rédiger la constitution après sa rédaction, elle est soumise au referendum et adopté par le peuple ; méthode complètement démocratique, on commence par élire l’assemblée constituante, une fois élue, cette assemblée a pour mission de rédiger le projet, quand le projet est rédigé, c’est ce projet qui est soumis au referendum. Mais quoi qu’il arrive, les députés guinéens, en ma connaissance, ne seront pas élus pour remplacer le peuple. Le peuple est souverain, c’est à lui seul d’adopter une constitution, en tout cas celle que moi je défends’’.
Avant de répondre ainsi à la question portant sur l’existence d’une commission de rédaction d’une nouvelle constitution. ‘‘Maintenant savoir, est-ce qu’il y a une commission qui est préparée pour la rédaction, je le souhaite ardemment, qu’aujourd’hui le président prenne un décret qui puisse maintenant nous envoyer vers le referendum. Parce qu’il y a deux groupes. Il y a alamanè, il y a amoulamma (ça va marcher et ça ne va pas marcher). Puisqu’il y a deux groupes, le président est au-dessus de la mêlée ; il joue le rôle de l’arbitre ; qui peut aujourd’hui dire entre ces deux groupes ou il y a beaucoup plus de Guinéens ? Personne ne peut le dire avant un referendum. C’est là même la nécessité du referendum. Mais puisqu’il ne peut pas y avoir un referendum sans qu’il y ait un projet de constitution. C’est vrai, c’est possible, je ne suis pas encore informé, mais c’est bien possible qu’on puisse aujourd’hui penser à mettre en place une commission spécialisée pour la rédaction de la nouvelle constitution’’.
Il se bat, selon lui, ‘‘pour une nouvelle constitution. Et j’ai une conviction certaine, lorsque nous avons la nouvelle constitution on ne parlera pas de troisième mandat. On parle de troisième mandat parce qu’on est avec l’actuelle constitution. Si demain, il y a une nouvelle constitution, on ne parlera pas de troisième mandat. Mais je vous dis en tant que Guinéen, libre d’avoir une opinion sur les questions de la Guinée, moi je ne vois pas l’importance de débat d’un éventuel troisième mandat ou pas. Ça n’a aucun sens sur le plan de la démocratie. Ce n’est pas la loi qui doit bloquer quelqu’un ou bloquer le peuple, le peuple est au-dessus de n’importe quel texte de loi. Si le peuple veut que vous continuez, moi je pense qu’on vous laisse continuer. Si le peuple veut que vous ne continuez pas, vous ne continuez pas. Mais lier cela à un texte de loi, ça n’a aucun sens’’.
La limitation, c’est en opposition de cette souveraineté du peuple
‘‘Aujourd’hui, je milite pour la nouvelle constitution, parce que je suis convaincu que l’actuelle constitution n’a pas été la volonté du peuple. Le peuple n’a pas été consulté, ni en amont ni en aval. Et aujourd’hui, quand nous regardons à l’intérieur de cette constitution, on a trop de problèmes. Mais malheureusement ceux qui se disent défenseurs de la constitution, s’ils étaient comme ils prétendent l’être, je crois que la première des choses, c’est soit de demander de demander une constitution voulue par le peuple ou la constitution qui a été suspendue par le CNDD, de ramener cette constitution. Parce que cette constitution à l’avantage d’avoir été au moins adoptée par le peuple et révisée en 2001 par le peuple’’, a-t-il fait savoir.
Avant d’ajouter : ‘‘si on a des changements voulus par nous, par rapport à cette constitution, on peut en ce moment demander ces changements. Mais vous dites que vous défendez la constitution, vous êtes défenseurs de la légitimité et de la légalité, mais vous soutenez ce qui n’a jamais bénéficié de l’onction du peuple. Et qui n’a pas bénéficié de la légitimité populaire. En ce moment, on est défenseurs de ses intérêts ou défenseurs du peuple ? cette question, je me la pose très régulièrement.’’
Et une pique à ceux qui pensent que ‘‘nous sommes des imposteurs, parce que nous voulons qu’il y ait une nouvelle constitution et ils présagent que c’est pour un troisième mandat, nous les apprenons que la démocratie, c’est l’exercice du pouvoir par le peuple et pour le peuple. Même la limitation, c’est en opposition de cette souveraineté du peuple qui doit décider à tout moment comment il doit être géré. Et d’ailleurs, les pays qui ont l’indice de démocratie les plus élevés au monde, ce sont des pays où il n’y a pas limitation de mandat. Malheureusement en Guinée, dès qu’on commence à parler de la démocratie, on parle des Etats-Unis, non. Les Etats-Unis d’Amérique, par rapport à l’indice de démocratie vient en 25ème position, alors que le Canada est 6ème, la France traîne en 39ème position, l’Allemagne est 9ème, alors qu’en Allemagne il n’y pas limitation de mandat (…) donc il faudrait pas qu’on copie souvent chez les autres pour dire que c’est la meilleure façon, non. On peut copier, mais on peut adapter tout aux réalités de nos pays’’.
On pense que c’est Alpha Condé qui est le problème
‘‘Si on pense qu’après quelqu’un c’est le chaos, c’est qu’on a rien construit, tout ce qu’on a construit c’est autour de la personne, c’est ce qu’il faut éviter. Il faudrait que nos institutions soient stables ; il faudrait que les libertés que nous avons, soient des libertés que nous méritons, ce n’est pas un cadeau, ce n’est pas de la part d’un individu. Conté était parti, mais celui qui est venu est-ce qu’il a fait mieux que Conté ? Ce n’est pas de faire partir Conté. L’alternance-là ne rime en rien, les gens pensent que la démocratie c’est l’alternance. Oui, mais l’alternance en tenant compte des alternatives, mais l’alternance sans alternative, ça n’a aucun sens. Nous voulons une alternative, nous ne voulons pas quelqu’un qui soit limité par l’autre. Ce n’est pas vous, ou bien les membres du CNT qui doivent limiter quelqu’un dans le nombre de mandats, mais laissons cela au peuple, si c’est vrai que le peuple est souverain. Même si c’est un premier mandat, si le peuple ne veut pas, il ne le fera pas’’, enseigne Makanera.
L’ethnocentrisme, le régionalisme, le communautarisme, l’hypocrisie, le mensonge, le détournement, la corruption ; sont beaucoup plus dangereux qu’Alpha Condé au pouvoir
Avant de faire savoir : ‘‘Moi, ce que je sais, je suis en train de me battre pour construire une société guinéenne stable. Je vais m’attaquer au maux dont souffre notre démocratie. Ces maux ont pour noms : l’ethnocentrisme, le régionalisme, le communautarisme, l’hypocrisie, le mensonge, le détournement, la corruption. Ces mots-là sont beaucoup plus dangereux qu’Alpha Condé au pouvoir. Mais on abandonne tout ça, on pense que c’est Alpha Condé qui est le problème. Mais Alpha Condé partira un jour, quand ces mots resteront, il n’y aura jamais la possibilité pour l’éclosion d’une vraie démocratie dans le pays. Aujourd’hui, moi je le rappelle encore, le meilleur candidat pour la jeunesse guinéenne, c’est Alpha Condé, aussi paradoxal que cela soit. Mais quoi qu’il arrive, lui il a fait deux mandats. La nouvelle constitution n’a aucun rapport avec la candidature du président Alpha Condé, je le reprécise encore. Mais même si c’était le cas, avoir un mandat pour mieux organiser la société guinéenne, pour ne pas qu’on se retrouve dans les dérives du passé est mieux que de mettre un autre président plus jeune que lui, qui va faire la même chose que les autres.’’
Le président de la République a dit : je jure de respecter la constitution, il n’a pas forcément dit cette constitution
‘‘Le président de la République a dit : je jure de respecter la constitution, il n’a pas forcément dit cette constitution. C’est comme si je dis, je respecte la loi. Mais si la loi change, c’est celle qui est là que je vais respecter. Il respecte la constitution, il n’a pas dit cette constitution forcément. Donc si demain il y a une nouvelle constitution, il s’adresserait à cette constitution, si après demain, il y a une autre nouvelle constitution, il s’adresse à cette constitution. Parce que c’est ça en matière de droit, quand on dit loi, tant qu’elle est là, qu’elle soit bonne mauvaise, on est obligés de la respecter. D’ailleurs, on ne respecte pas la loi parce qu’elle est bonne, on la respecte par ce qu’elle est loi. Si on devait respecter la loi, seulement parce qu’elle est bonne, on n’aurait jamais de loi. C’est pourquoi le législateur a permis de changer les lois. Le constituant d’aujourd’hui ne peut pas lier le constituant de demain’’, martèle Alhousseine Makanera.
Abdou Lory Sylla pour Guinee7.com