Censure

Dorah Aboubacar (société civile) interpelle le Premier ministre sur la gestion du COVID-19 en Guinée

Dans une lettre ouverte adressée au premier ministre, Dorah Aboubacar Koita, rappelle que ‘‘notre pays, à l’instar de tous les pays du monde, fait face à un ennemi très dangereux, contagieux et invisible appelé Coronavirus COVID-19 qui nous livre une guerre sanitaire sans précédent et menace sérieusement les fondements de notre République’’.

Lire ci-dessous toute l’interpellation.

N/REF : 0025/2020/CN/CJCR                                   Conakry, le 14 Avril 2020

        
                                                                    Le Coordinateur National                                                                                                                          
                                                                                                      A

                                                                        SE Docteur Ibrahima Kassory FOFANA

                                                                     Premier Ministre, Chef du Gouvernement

Objet : Interpellation sur la gestion du COVID-19 en Guinée.

Monsieur le Premier Ministre, 

Notre pays, à l’instar de tous les pays du monde, fait face à un ennemi très dangereux, contagieux et invisible appelé Coronavirus COVID-19 qui nous livre une guerre sanitaire sans précédent et menace sérieusement les fondements de notre République.

En effet, je voudrais vous exprimer mon soutien personnel et celui  des Organisations de la Société civile auxquelles j’appartiens dans ce combat contre le COVID-19, vous interpeller sur la gestion de plus en plus contestée qui est faite de cette pandémie  et attirer votre attention sur la sous-information ou la faible prise de conscience de nos compatriotes par rapport à la menace de la pandémie malgré les actions de préventions et de ripostes  annoncées  par votre gouvernement.

Sans prétention aucune, conformément aux principes et valeurs  qu’incarne un acteur de la Société civile  et en réponse à l’union sacrée à laquelle vous avez invité tous les citoyens lors de la présentation de votre  plan de riposte économique le 06 avril 2020, je vous adresse cette lettre ouverte pour vous alerter et vous interpeller sur les failles constatées dans la gestion, vous suggérer une réorganisation de la coordination de la riposte, de la communication et les actions de sensibilisation pour le changement de comportement de nos compatriotes face à cette maladie.

Monsieur le Premier Ministre, dans   le souci de freiner la propagation de la maladie, l’état d’urgence sanitaire a été instauré avec pour réalité, la soumission des citoyens à des mesures assez contraignantes (couvre-feu, fermeture des mosquées et églises, mise en quarantaine de Conakry …) aux conséquences destructrices pour l’économie, le social et des fondements même de notre vivre ensemble.

Situation prévisible dans un pays comme le nôtre où une bonne frange des populations vit au jour le jour.
Une crise sociale avec son corolaire la faim et la famine n’est pas à écarter.

Il suffit de bien tendre les oreilles pour intercepter les signaux de cette catastrophe à venir portée par la clameur publique.

La conscience collective dit comprendre la nécessité de la plupart des mesures restrictives prises à l’image de la majorité des pays touchée par ce mal.

Il s’agit d’une question de santé publique et de préservation de notre société contre cette pandémie.
Mieux, beaucoup de citoyens soucieux de la cause commune et de l’intérêt général ont entrepris des actions multiformes dans la dynamique de lutter contre cette maladie.

Je cite entre autres : la naissance de chaînes de solidarité, la mise sur pied d’initiatives citoyennes par les Organisations de la Société Civile pour sensibiliser sur les mesures d’hygiènes à adopter pour éviter la maladie, des dons de structures et de particuliers aux populations dans le cadre de sa réponse apportée à la lutte contre le COVID-19.

Cependant, nos constats préliminaires sont alarmants et des citoyens manifestent de plus en plus leur inquiétude sur la gestion de cette pandémie par votre Gouvernement. Cette inquiétude est d’autant plus justifiée que juste quelques jours après l’annonce de votre plan de riposte économique qui a confié le volet social dudit plan à l’Agence Nationale d’inclusion Economique et Sociale, des actions incohérentes, qui manquent de transparence et qui ne respectent pas  les règles des marchés publics sont planifiées, conduites et évaluées par l’ANIES elle seule. 

Monsieur le Premier Ministre, Permettez-moi de rappeler que la transparence doit être la colonne vertébrale de toute stratégie qui vise le succès. En l’occurrence, le combat que nous menons contre ce virus nécessite plus que jamais, l’implication et la collaboration de toutes les entités et organismes dans la transparence, l’intégrité et la célérité.

Monsieur le Premier Ministre, je souhaite attirer votre attention sur quelques points importants de nos constats préliminaires sur la mise en œuvre des activités de l’ANIES.

La désinfection des marchés et quelques lieux publics à coût des milliards sans aucun appel d’offres ;

L’attribution des marchés d’achat des savons, sceaux et autres objets…. à coût des milliards sans aucun appel d’offres et dans des conditions très douteuses ;

Le recrutement d’une centaine de soi-disant  » Pair éducateur  » sans aucune annonce publique ni association des Organisations de la Société civile qui ont l’expertise et la maîtrise du terrain en ce qui concerne les campagnes de sensibilisation et d’informations surtout en période d’épidémie.

Pire, ces personnes recrutées à Conakry avec des salaires colossaux sont en train d’être envoyées dans des localités de l’intérieur dont elles n’ont aucune maîtrise ni connaissance.

POUR QUELS RÉSULTATS ET IMPACTS CONCRETS ?

AVONS-NOUS OUBLIÉ L’EXPÉRIENCE DE WOMEY en période D’EBOLA ?

Monsieur le Premier Ministre, ces constats et tant d’autres que je préfère garder en attendant de finir des investigations feront l’objet des actions citoyennes fortes dans les jours à venir, si rien n’est fait pour corriger cette gestion chaotique.

Monsieur le Premier Ministre,

En terme de recommandations pour améliorer et renforcer les actions de riposte, je vous propose de :

  • Renforcer considérablement la communication de l’ANSS par une mobilisation dans l’urgence de TOUTES les chaînes de radio et télévision, y compris celles en ligne et surtout les radios communautaires afin d’y coordonner la communication relative au  COVID-19 en les amenant notamment à communiquer avec plus d’intensité les mêmes messages, dans les langues nationales, aux mêmes heures et à insérer des intermèdes de sensibilisation sur la maladie dans toutes leurs émissions de grande écoute;
  • Impliquer la Société Civile dans toutes les actions de sensibilisation et d’information, elle a l’expertise, elle maîtrise le terrain, elle dispose des ressources humaines qualifiées déjà existantes, elle est plus efficace et moins coûteuse ;
  • Mettre à contribution les chefs de villages et des quartiers pour passer le message d’information et de sensibilisation sur le coronavirus dans toutes les langues nationales et tous les jours ;

Monsieur le Premier Ministre, nous pouvons et devons vaincre le COVID-19. Mais les conditions indispensables de cette victoire restent la transparence et l’intégrité dans la gestion des fonds publics alloués à ce combat.

Dans l’espoir que ma démarche retiendra votre bienveillance attention, Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de mon engagement citoyen et l’assurance de ma très Haute Considération.

                                                                             Dorah Aboubacar KOITA                   

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