En 2013, Open society initiative for West Africa (OSIWA) et Africa Governance Monitoring and Advocacy Project (AFRIMAP) ont présenté, aux autorités guinéennes les conclusions d’une étude qu’ils ont réalisée afin de savoir les causes réelles de l’inefficacité des organes anti-corruption en Guinée. Cette étude ne s’est pas préoccupée de faire l’état des lieux de la corruption en Guinée ni d’en évaluer l’ampleur. Elle s’est consacrée expressément à un inventaire des mécanismes de lutte contre la corruption en Guinée.
Cherchant à éviter de fonder ces activités sur des données empiriques de la corruption, l’Agence Nationale de lutte contre la Corruption et infractions assimilées (ANLC) en collaboration avec l’Institut National de la Statistique de Guinée (INS) et sur financement d’OSIWA-Guinée, a réalisé en 2015 une enquête sur l’Indice National de la Perception sur la Corruption et la Gouvernance en Guinée (INPCG), enquête qui lui offre désormais une base de donnée objective, mesurable et quantifiable de la corruption en Guinée.
L’on peut constater dans ce rapport d’enquête que la majorité des enquêtés (71,3%), estime que le phénomène de corruption a évolué en Guinée. Pour être précis, 37,1% des enquêtés affirment que le phénomène a beaucoup augmenté et ceux qui estiment qu’elle a un peu diminué représentent 35,1%. La comparaison de ces deux résultats montre que la corruption a gagné du terrain, au cours des trois dernières années en Guinée. Et ces résultats sont toujours d’actualité en l’an 2020.
Le rapport INPCG a abouti à la conclusions que le phénomène de corruption en Guinée est toujours confronté à d’importants obstacles liés à la faiblesse de son cadre juridique notamment, l’indépendance approximative des organes de lutte contre la corruption (cour des comptes, juridictions répressives et l’agence anticorruption), qui constitue un frein à la lutte contre la corruption et contribue à renvoyer une image peu reluisante de ces organes, une perception de leur instrumentalisation par le politique, surtout lorsqu’ils sont presque tous placés sous l’autorité administrative de la Présidence de la République et du Ministère de la justice.
Les types et formes de corruptions récurrentes en Guinée :
Tous les secteurs de la vie publique et privée en Guinée sont touchés par la corruption. En effet, 97% des personnes interrogées estiment qu’elle existe sous toutes les formes et de différents types. Cette corruption endémique est principalement due aux dysfonctionnements des différents organes en charge de lutter contre ce fléau. Au regard des statistiques, il est évident que la corruption est fréquente dans tous les secteurs (publics et privés), car les différents pourcentages des scores de l’INPCG-2015 sont tous supérieurs à 50%.
Il ressort de l’étude sur l’INPCG de 2015, que les types des pratiques corruptrices ci-dessous sont considérées monnaie courante :
Pratiques de la corruption | Oui en % | Non % | Ne sait pas % |
Donner un travail a un proche qui n’a pas les qualifications requises | 95,8 | 1,9 | 2,3 |
User de son autorité ou de ses relations pour influencer la décision d’une autre personne | 93,5 | 3 | 3,5 |
Demander une faveur/paiement pour un service de son travail | 89,6 | 3 | 7,4 |
Payer un pot-de-vin pour faire sauter une contravention | 89 | 5,2 | 5,8 |
Faire un versement non officiel pour obtenir une confidence | 80 | 5,5 | 14,5 |
Faire un versement non officiel pour se qualifier | 82,3 | 4,4 | 13,3 |
Offrir une faveur/paiement supplémentaire pour accélérer une démarche | 88,4 | 4 | 7,6 |
Exiger ou recevoir de l’argent/cadeau en échange de faveur | 83,8 | 5,6 | 10,6 |
Exonérer illégalement ou ne pas percevoir des impôts et taxes ou céder gratuitement ou ne pas percevoir des impôts et taxes | 80,3 | 5,5 | 14,2 |
Décider comme lieu d’implantation d’un projet sa circonscription | 81,6 | 8,6 | 9,8 |
La corruption se pratique sous plusieurs formes, mais il convient de noter celle qui est la plus courante, c’est l’usage de l’argent liquide selon (56%) des enquêtés. Les répondants qui disent avoir offert un cadeau pour corrompre ne sont pas aussi négligeable, ils représentent 28,6%. Une autre pratique, qui est d’offrir le charme (sexe) en échange d’un service quelconque selon (20,3%) des enquêtés. Par contre, la proportion des répondants, qui corrompent en proposant des services ou des produits gratuits est relativement très faible, elle s’éléve à (17,4%).
Les formes de pratiques de corruption:
Formes de corruption | oui | Non |
Pourcentage | ||
Donner de l’argent liquide | 56 | 44 |
Offrir des cadeaux | 28,6 | 71,4 |
Rendre des services en échange | 22,5 | 77,5 |
Proposer des services ou des produits gratuits | 17,4 | 82,6 |
Offrir son charme (sexe) en échange d’un service quelconque | 20,3 | 79,7 |
Au regard des chiffres qui sont parlant, il est urgent de procéder à l’opérationnalisation de l’organe chargé de lutter contre la corruption en Guinée. Aussi, doter le système judiciaire d’équipements techniques nécessaires et de savoir-faire adéquat pour démêler les affaires de corruption et de blanchiment d’argent dans le labyrinthe d’opérations financières complexes sous lesquelles ils se cachent souvent.
Ibrahima Mouhidine DIANE Enseignant chercheur à l’UGLCS
Juriste publiciste – Doctorant –
Tel : 622 49 88 94 / 657 69 88 51
E-mail ; mouhik@yahoo.fr
Conakry