D’entrée de jeu, je dois préciser que je ne me voyais pas écrire un article pour parler autrement du « Nouveau Contrat Social » que le peuple de Guinée s’est donné le 22 mars dernier. Si je devais écrire un papier, c’était pour saluer la maturité citoyenne et patriotique dont ce peuple fier a fait montre en mars dernier. Je devais parler de victoire mais pas de déboire autour d’une prétendue falsification de la loi suprême.
L’honnêteté intellectuelle me pousse à réagir face à ce que je considère comme un précédent très honteux dans l’histoire constitutionnelle de notre pays.
En effet, comme tout guinéen, jai lu dans la presse les articles des lanceurs d’alerte que sont Maîtres Lamah et Traoré sur ce sujet de falsification pour l’un et de substitution pour l’autre. J’avais accru, soit en une mauvaise plaisanterie, soit en une erreur qui serait exploitée par des avocats proches de l’opposition et de son bras syndical le FNDC. Mais d’autre part, je faisais aussi confiance à la probité et à l’intégrité des avocats lanceurs d’alerte. Je ne partage pas souvent les prises de positions de Me Traoré, mais j’ai un respect religieux pour l’homme pour sa probité intellectuelle.
Et j’attendais une sortie de l’Etat pour infirmer et me conforter dans l’idée selon laquelle c’était une plaisanterie de mauvaise qualité. Mais la sortie du ministre de la justice, GARDE DES SCEAUX, a été désastreuse au mieux, et au pire, humiliante pour non seulement la presse qui l’attendait au pied levé mais également pour les citoyens que nous sommes qui attendaient des explications.
J’ai soutenu personnellement le projet de constitution pour deux raisons, l’une idéologique : le droit naturel et imprescriptible qu’a tout peuple de changer ses lois mêmes les meilleures comme le disait Rousseau; et l’autre plus politique: le contenu du projet notamment la possibilité d’une candidature indépendante aux élections nationales, la parité homme/femme, la péréquation ou partage de la richesse nationale, etc..
La désagréable surprise m’a été très grande d’apprendre que le texte soumis au référendum et qui a fait l’objet d’une conférence que j’ai organisée à Nantes en France avec la diaspora pour défendre le projet, ait été altéré et vider de tout son contenu pour lequel je me suis engagé à défendre ce projet du président de la république. Sans prétention aucune, j’ai été le tout premier juriste à publier dans la presse au lendemain de l’allocution du président de la république en décembre, un commentaire détaillé sur les différentes propositions en faisant un comparatif avec la constitution du 7 mai 2010, et qui a été largement relayé dans les médias et par ailleurs érigé en brochure pour les besoins de la vulgarisation par les partisans du pouvoir, sans parfois même me citer. Ça n’est pas un problème parce que nous étions convaincus par la nécessité de la réforme.
Et je peux me permettre d’affirmer sans risque de me tromper que plus de 40% des guinéens qui ont validé la constitution du 22 mars l’ont fait pour une unique raison : le renouvellement de la vieille classe politique à travers la possibilité d’une candidature indépendante. Apprendre que ce point a été enlevé du texte final est un cauchemar difficile pour moi d’en sortir.
Il est intellectuellement inacceptable, moralement indigne et juridiquement condamnable, une telle forfaitaire.
Le ministre de la justice par sa sortie nous fait croire qu’entre le 22 mars date du référendum et le 14 avril date de promulgation de la « constitution », il y aurait eu un autre constituant qui aurait élaboré un nouveau texte. C’est inacceptable.
La seule constitution publiée au Journal officiel et qui est opposable aux guinéens est le texte dont lui-même ministre de la justice a paraphé et fait publier dans le même JO de la république avant le vote des citoyens. Tout autre texte relèverait d’une fourberie intellectuelle.
C’est le lieu pour moi de saluer la démarche des députés de l’alliance patriotique qui ont pris l’initiative de saisir la cour constitutionnelle afin de sauver la face de notre pays. Nous ATTENDONS des sages de cette cour une décision historique, celle qui consistera à rendre aux guinéens le texte sur lequel ils ont donné leur quitus.
C’est le lieu également d’interpeller le président de la république, porteur du projet, de se saisir du dossier pour éviter que son honneur soit mis dans la boue et avec lui celui de tout le pays.
Par Alexandre Naïny BERETE, diplômé de sciences politiques
et étudiant en Master de droit Social à l’université de Nantes /IAE Bordeaux,
défenseur de la constitution du 22 mars.