Censure

Mohamed Bah, l’autre Georges Floyd, assassiné en 2012 aux USA

A l’image de Georges, un jeune d’origine guinéenne, âgé de seulement 27 ans a aussi été victime de la police américaine. Précisément celle de New York en 2012. Contrairement à celui dont la mort a entraîné la naissance du mouvement  #blacklivesmatter, le jeune Mohamed n’a pas connu le même émoi à travers le monde. Nous vous proposons ci-dessous l’extrait d’un article de nos confrères de afrique.latribune.fr/.

A terre, un colosse américain est immobilisé, l’homme suffoque et supplie Derek Chauvin, l’officier de police qui le maintient au sol. Malgré les protestations des passants, le policier maintient fermement son genou sur le cou de George Floyd, qui succombe en quelques minutes. Une adolescente filme la scène et la poste sur YouTube. En quelques heures la vidéo devient virale. « I can’t breath » devient la phrase de ralliement de la contestation mondiale contre les violences policières sur les Afro-américains. Les Etats-Unis s’embrasent et le couvre-feu est instauré le 1er juin 2020. De Houston à New York en passant par Los Angeles ou Washington, la colère s’intensifie, et ce, malgré l’arrestation du policier qui sera inculpé quelques jours plus tard, pour homicide au 2e degré, passible de 40 ans de prison.

Une justice sans lumière pour le Guinéen Mohamed Bah, victime de la police new-yorkaise

Fallait-il que Mohamed Bah soit filmé pour susciter l’intérêt sur le continent ? Pas si sûr, selon Saïckou Bah, un jeune entrepreneur guinéen dont le frère cadet a été tué à l’âge de 27 ans, par la police de New York, un 25 septembre 2012. « A cette époque, l’Amérique n’était pas prête à inculper ses policiers », estime-t-il. Depuis le mouvement #blacklivesmatter est passé par là… Etudiant et chauffeur de taxi à mi-temps, mais aussi grand sportif à ses heures, Mohamed rêvait de devenir entrepreneur et de se lancer dans le business des laveries automatiques en Guinée. Les circonstances en décideront autrement…

« La veille du drame, ma mère arrivée de Conakry avait déjeuné avec Mohamed qui devait fêter son anniversaire deux jours plus tard. Il ne se sentait pas bien. Le lendemain, constatant par téléphone qu’il n’allait pas mieux, ma mère décida d’appeler le 911, déclarant qu’elle était inquiète, dans un anglais approximatif « I’m scared » [ J’ai peur , ndlr]». Les policiers ont pris l’appel au pied de la lettre.

Surpris et bousculé, Mohamed prend peur face à l’arrivée d’une dizaine de policiers dont des membres du SWAT (l’équivalent du RAID) et refuse de leur ouvrir, lesquels forcent la porte. Les événements dégénèrent. Mohamed ressort quelques minutes plus tard criblé d’une dizaine de balles dans le corps, dont l’une tirée à bout portant dans la tête. Traîné sur 6 étages, il est déclaré mort peu après. Les policiers indiqueront à la famille qu’il s’était saisi d’un couteau pour les agresser et qu’ils avaient tiré en situation de légitime défense. Des faits immédiatement contestés par la famille de Mohamed qui s’engage alors dans une bataille judiciaire avec la ville de New York pendant 8 ans, soutenue par d’autres familles de victimes et même par Hillary Clinton.

Après un procès perdu au pénal, le procès en civil fera finalement toute la lumière sur les circonstances de la mort de Mohamed. L’un des policiers admettra la bavure et la ville sera condamnée à verser 2,2 millions de dollars de dommages et intérêts à la famille Bah. Aucun des policiers ne sera condamné.

« Nous n’étions pas préparés à ça. Nous avons été éduqués à l’étranger pour nous y former avant de revenir en Guinée pour participer au développement de notre pays », explique Saïckou, fils d’une mère diamantaire et d’un père entrepreneur. « Si la scène avait été filmée, nous aurions eu plus de facilités pour faire reconnaître les faits, mais je ne pense pas que le drame de Minneapolis changera les mentalités de l’Amérique profonde […] Autour de moi, le cas George Floyd nous rappelle seulement que des Africains meurent aussi aux Etats-Unis, des suites de violences policières, dans la plus grande indifférence. Ma famille avait les moyens de se défendre même si cela nous a ruiné financement et surtout moralement. Mais que ce passe-t-il pour tous les autres ? », interroge-t-il.

A l’heure où les gouvernants africains affichent une solidarité sans faille avec les victimes afro-américaines des violences policières, Saïckou regrette n’avoir reçu aucun soutien officiel, pas plus du Ghana que d’Afrique du Sud ou de Guinée.

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