Censure

Conakry et Coyah/ 16 cas de viol enregistrés au mois de juin (Dossier)

« On a reçu 16 cas d’agressions sexuelles, dont l’âge varie entre 2 à 16 ans. Sur les 16 cas 12 ont été déférés devant le tribunal de Coyah, le tribunal de Kaloum, le tribunal de Dixinn et de celui de Mafanco parce que le service que je gère a une compétence nationale. Donc on a reçu 16 cas pour le mois de juin », a annoncé, Adjudant-chef Bernard Tinguiano, Commandant de la Brigade Spéciale de Protection des Personnes Vulnérables (BSPPV) à la gendarmerie nationale.

Depuis plusieurs années maintenant, le mois de juin est dédié aux enfants par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Pour cette année 2020, le mois de l’enfance est passé inaperçu à cause de la pandémie du coronavirus qui frappe de plein fouet le monde.

En Guinée, à date, les enfants sont épargnés par cette maladie mondiale. Par contre, les enfants, notamment les filles ont été victimes des agressions sexuelles surtout pendant ce mois de juin. Au total, 16 cas de viol ont été déclarés au niveau de la BSPPV seulement pour les villes de Conakry et Coyah. Dans, ce même mois notre rédaction a répertorié deux cas de viol sur mineure à Mamou et un cas à Kankan.

Le constat…

Ce sont des personnes adultes qui n’ont aucun lien familial avec leurs victimes, qui violaient les petites filles. Mais aujourd’hui, on peut compter aussi de jeunes gens qui violent des petites-filles d’une part et d’autre ce sont les voisins, et proches des familles de victime qui se sont épinglés.

« Le viol sur mineur est une réalité. Ces derniers temps, nous avons constaté que le violeur est toujours proche de la victime. Il y a toujours un lien, soit c’est un voisin, un cousin », regrette Adjudant-chef Tinguiano. 

Les causes de la recrudescence du viol en Guinée      

Plusieurs facteurs seraient à l’origine de l’accroissement des cas de viol dans le pays ces derniers temps. Pour l’Adjudant-chef Bernard Tinguiano, « il y a une démission parentale dans l’éducation des enfants. C’est pourquoi ce phénomène prend de l’ampleur ».

Selon certains observateurs, la multiplication des cas est la conséquence de la non application de la loi par la justice. Pour eux, les présumés violeurs arrêtés sont libérés avant même leur procès. Et certains condamnés ne purgent pas leur peine.  

A cela s’ajoute les effets des nouvelles technologies de l’information à travers les réseaux sociaux et la télévision.

La répression du viol par la loi    

« Le viol est puni de la réclusion criminelle de 10 à 20 ans lorsqu’il est commis sur un(e) mineur(e) de moins de 18 ans ou commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait », a écrit Me Mohamed Traoré (avocat) sur sa page Facebook.

Face à cette montée du viol, Me Mohamed mentionne, « la question est de savoir pourquoi cette multiplication des cas de viol sur mineur(e) et que faut-il faire au plan judiciaire pour réduire sinon endiguer le phénomène. Les deux questions étant d’ailleurs liées ».

Avec les reformes de la justice, il y’a moins de cinq ans, les cours d’assises (où les cas de viol étaient jugés) ont été supprimées. Maintenant les auteurs de ces actes ignobles sont jugés en première instance dans les tribunaux.    

« Cela étant précisé, la suppression de la Cour d’assises présente l’inconvénient de favoriser la banalisation du jugement des affaires criminelles. Celles-ci sont désormais jugées de manière parfois tellement banale que cela ne permet pas de mettre en relief la gravité des faits jugés. Dans les faits, une affaire de viol est jugée comme une affaire de vol, d’abus de confiance ou escroquerie… Avant, l’annonce de la tenue d’une session de Cour d’assises était suivie d’un véritable battage médiatique. Ce qui permettait de mobiliser beaucoup de personnes dans les salles pour suivre le déroulement des procès criminels. Il est vrai que la Cour avait toujours la faculté d’ordonner le huis clos lorsque la publicité est dangereuse pour l’ordre public ou les mœurs. C’est le cas, aujourd’hui encore. Et lorsque les poursuites sont exercées notamment pour viol, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles le demande. Ainsi, le consentement de la victime est important dans la décision d’ordonner le huis clos en matière de viol », a expliqué Me Traoré.

Pistes de solutions…

Pour une solution pérenne, l’Adjudant-chef Bernard Tinguiano, commandant de la BSPPV, interpelle les parents. Parce que pour lui, « il faut qu’ils veillent sur les enfants parce que le violeur a toutes les stratégies pour s’approcher de sa victime. Certains commencent à dire aux petites ma femme avec des cadeaux. Ce sont les parents qui disent ton mari est venu. Une petite fille de deux ans ne peut pas avoir un mari de 47 ou 67 ans ».

Ensuite, « Il faut qu’on interpelle les parents par rapport à l’utilisation des téléphones aussi. Notre dernier dossier, c’est trois garçons qui ont abusé d’une fillette de 6 ans parce qu’ils ont regardé un film porno dans le téléphone d’un grand frère, ils ont passé directement à la pratique. Il faut que les parents contrôlent également les télévisions. Il faut parvenir à coder certaines chaînes parce que les enfants restent à la télévision à des heures tardives et ils ont accès à ces chaînes où ils regardent des choses qui dépassent leurs âges », plaide l’officier de la gendarmerie.  

Quant à Me Mohamed Traoré, avocat au barreau de Guinée, il souhaite que les procès sur le viol soient médiatisés pour que la honte change de camp.

« N’est-il pas utile d’exposer les présumés violeurs au regard du public lors de leur procès ? Il faut en effet que la honte change de camp. Il faut faire en sorte que ce soit le violeur qui ait honte car c’est lui le criminel et non la victime. Et dans tous les cas, même si le huis clos a été ordonné, la décision sur le fond est prononcée publiquement. Le public peut ainsi connaître l’identité d’une personne condamnée pour viol ».

Poursuivant, il propose aussi que : « Les juridictions devraient tenir également un fichier spécial des personnes condamnées pour viol. Ce qui permettrait de disposer d’une base de données pour les violeurs. Ce fichier pourrait même être rendu public, sous certaines conditions, afin de réduire les risques de récidive et de dissuader des candidats au viol. Ce n’est vraiment pas la panacée. Mais il faut réfléchir sur toutes les pistes pour lutter efficacement ».

Le Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée (CJFLG) est une structure qui évolue dans ce domaine. Pour sa secrétaire générale, Kadiatou Konaté, « il faudrait aller en synergie d’actions, il faudrait mettre les journalistes ensemble pour qu’ils puissent dénoncer. Il faut qu’on puisse prendre les choses en main, pour que les gens puissent se rendre compte que ça existe le problème de viol. Même si on le sait. Et qu’on arrête de justifier le problème de viol. Puisqu’on a tendance à dire que ce viol est causé par telle ou telle chose. On cherche toujours à donner des messages à ne pas criminaliser la personne (auteur du viol) en question. Soit c’est l’habilement de la fille, soit c’est la manière de faire la fille, soit c’est son comportement, soit c’est son attitude… la seule chose qu’il faudrait qu’on mette en-tête c’est que le viol est un crime. Et on ne peut pas en aucun cas accepter de justifier le viol dans notre société », a-t-elle laissé entendre.  

Bhoye Barry pour guinee7.com

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