Ansoumane Kaba, PDG de Guiter (Guinéenne de Terrassement Routier), s’est fendu d’un communiqué le 27 juillet, pour se porter secours face aux accusations portées contre sa personne dans les récents mouvements sociaux de Kankan. Il en serait l’instigateur, dit la rumeur.
Dans son communiqué, le rupin de la savane guinéenne essaie d’expliquer mais partiellement pourquoi son projet de construction des barrages Kogbedou et Frankonedou sur le fleuve Milo, coince.
« Sans tourner autour du pot, il s’avère que le nœud du problème ou du blocage constaté en ces moments sur les lieux de construction des barrages est consécutif aux pressions et aux exigences du Ministère de l’Energie, pour baisser le tarif contractuellement arrêté. Cette exigence du Ministère arrive non seulement à contre-sens d’un strict respect des obligations contractuelles et conventionnelles, mais surtout à un bien mauvais moment », scande-t-il.
Sans pour autant révéler le prix auquel le courant devra être vendu in fine. Ce n’est pas stupide d’éviter le diable qui se trouve dans les détails !
Prix de vente plus élevé que celui de Kaléta et Soupiti
Selon nos informations, le contrat d’achat d’énergie électrique signé par le gouvernement guinéen, EDG et Guiter-Sintram fixe dès le départ jusqu’à la fin, le prix de l’énergie à 0,14 dollars US hors taxe par kilowatt-heure (Kwh). Un prix que le chef de l’Etat en personne aurait trouvé exorbitant comparé aux prix de vente de l’énergie des barrages de Kaléta et Souapiti. Le prix de vente du courant de ces deux barrages va de moins 0,11 dollars US (à la première année d’exploitation) et se fixe de manière progressive à un peu plus de 0,14 dollars US, à la vingtième d’année d’exploitation (année de rétrocession des barrages à la Guinée).
Par ailleurs, le magnat des travaux publics estime qu’ « en comparaison d’autres coûts, tel celui proposé en novembre 2015 par la société China Energie Groupe Construction (GHCB) pour le couple de barrages Kogbèdou-Farankonédou à environ 645 millions USD (hors frais bancaires et autres) et le barrage FOMI dont le coût par l’entreprise chinoise est d’environ 700 millions USD, il devient évident que le couple Kogbèdou-Farankonédou (397 millions dollars US -hors frais de financement-, NDLR) est plus que susceptible d’être le projet rentable ». Soit.
Ce que Guiter a oublié de mentionner (délibérément ?), c’est qu’en plus des abattements fiscaux énormes accordés au projet devant être réalisé en BOT, le contrat oblige l’Etat à d’autres concessions qui pourraient donner le tournis. Ci-dessous un échantillon de cas.
Revenons à cette histoire de manipulation des manifestants. Dans sa défense, l’opérateur économique jure ne pas être l’instigateur des manifestations de Kankan, mais sait que les manifestants « sont visiblement découragés par les insuffisances montrées par le thermique, voire les groupes électrogènes mis à disposition et ont vite fait d’exiger dans la foulée la construction d’un barrage hydroélectrique. Laquelle, au-delà de la Cité Nabaya, selon eux, pourrait desservir une bonne partie des préfectures de Kérouane-Kankan-Mandiana-Siguiri-Kouroussa-Dinguiraye-Dabola-Faranah et Kissidougou, des localités données pour faire partie des fiefs traditionnels du parti politique au pouvoir ». D’ailleurs, « la bonne nouvelle surtout, annonce-t-il, c’est qu’il semble qu’il ne soit pas trop tard pour parvenir à un compromis. Etant donné qu’entre-temps, une vive revendication sociale est venue se greffer à ce qui ne devait au départ être fondé que sur la loi du BOT ». Comme quoi le crime profite toujours à quelqu’un !
Quand les faits donnent raison à la rumeur
Le faits sont têtus, dit-on le plus souvent. Il y a quelques jours, après la visite du site de Kogbédou, le 17 juillet dernier, Mamoudou Kaba, porte-parole du « mouvement citoyen pour l’électrification de la Haute Guinée », déclare : «Nous, nous exigeons le démarrage des travaux sur le site et ça c’est avant les périodes électorales. Sinon, il n’y aura pas de mouvement politique en Haute-Guinée.»
En plus, à l’annonce des groupes électrogènes pour Kankan, le chef du mouvement rétorque : « Notre réclamation, ce n’est plus les groupes électrogènes maintenant. C’est le barrage que nous voulons. »
On aurait cru qu’ils défendaient les valeurs écologiques si en rejetant les groupes, ils avaient proposé aussi le solaire –parce que la région de Kankan déborde d’énergie dans ce sens…Mais le soleil de Kankan n’attire pas autant que l’énergie du fleuve Milo, un certain opérateur économique.
Last but not least. Les manifestants revendiquent « amélioration immédiate et conséquente de la desserte de l’électricité de la ville (Kankan) » (communiqué, Guiter), mais favorisent une solution trainarde (la construction d’un barrage dure des années).
Sans compter que le fait de mettre la pression sur les autorités pour un dossier privé donne à réfléchir.
En février 2017, l’Etat guinéen signe avec Guiter (Guinée) et Sintram (Maroc), une convention de concession du « développement de l’aménagement hydroélectrique de Kogbedou et Frankonedou sur le fleuve Milo ». Le projet est d’une capacité installée de 100 mégawatts ; avec une production moyenne de 400 gigawatts/h par an. Le même jour, un contrat d’achat d’énergie a été signé entre les deux parties.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com