L’épicentre de l’Empire du Mali, premier Etat du monde créé en 1236 par les chasseurs de Kouroukanfouga sous le leadership de Soundjada KEITA avec une organisation parfaite (si une œuvre humaine pouvait l’être) est devenu aujourd’hui le foyer incandescent de toutes les contestations visant à écrouter illégalement les mandats des présidents.
Les fondateurs de la première Constitution du monde (la Charte de Kouroukanfouga), également admise de nos jours comme la première déclaration universelle des droits de l’homme ne pouvaient s’imaginer que des siècles après, leurs descendants allaient se distinguer par la gestion chaotique d’une toute petite partie de la terre de l’empire du manding.
Ce qui se passe aujourd’hui au Mali est un aveu d’incapacité des descendants des conférenciers de Kouroukanfouga à se mettre d’accord sur l’essentiel. Pourtant, ne dit-on pas au mandé que si tu ne peux porter l’héritage de ton père, soit au moins capable de le tirer ? Les Maliens se révèlent-ils incapables de tirer l’héritage de leurs aïeux ? Puisqu’il est établi qu’ils ne peuvent pas le porter.
Nos voisins maliens réalisent-ils qu’à défaut de détenir le record des coups d’Etat malitaires, qu’ils sont en passe de remporter celui du renvoi des présidents avant la fin du mandat constitutionnel ?
Modibo KEITA a été chassé du pouvoir par un coup d’Etat militaire sous l’acclamation des Maliens; Moussa TRAORE, par un soulèvement populaire ; il en est quasiment de même d’Amadou Toumany TOURE ; Alpha Oumar KONARE aurait connu le même sort si son mandat n’avait pas pris fin, car sa cote de popularité était si faible à son départ du palais Koulouba ; Dionconda TRAORE, président par intérim, lui, a été même frappé.
C’est une partie de ce même peuple qui demande aujourd’hui un changement anticonstitutionnel avec le départ d’Ibrahima Boubacar KEITA, à environ trois ans de la fin de son mandat. Que veulent les Maliens ? Face à leur incapacité à résoudre leurs problèmes, ils mettent encore un homme à index. Le Mali serait-il à devenir un pays ‘’ingouvernable’’ ?
Un adage populaire enseigne que ²le chat, au lieu d’avouer sa faiblesse, se justifie avoir été mordu à la bouche la souris². Si tous les présidents doivent être renvoyés comme des malpropres avant la fin du délai constitutionnel, quel est alors l’intérêt d’organiser des élections ? Les manifestants n’ont qu’à demander simplement la transformation du Mali en une jungle où règnera la loi du plus fort.
N’eut-été la violence que chacun se doit de s’imposer en acceptant les règles de la démocratie le monde ne serait-il pas ingouvernable aujourd’hui ? Car aucun président dans le monde n’a obtenu le suffrage unanime du peuple. Ne dit-on pas que la démocratie est la dictature de la majorité sur la minorité ?
Les Maliens pensent que les présidents qui ne font qu’un seul mandat ailleurs ne seraient pas chassés si leurs peuples ne s’imposaient la tolérance et la patience que requiert le respect des contraintes constitutionnelles ? Les gilets jaunes ont manifesté durant des mois sans demander le départ d’Emmanuel MACRON.
Que les Maliens ne donnent pas raison à Léopold Sédar SEINGHOR quand il dit que « la raison est Hélène et l’émotion est nègre ». Les manifestants doivent se départir de l’émotion pour rechercher les raisons profondes des maux dont souffre le Mali pour apporter des solutions idoines. Tout le monde en serait gagnant.
Si de Modibo KEITA à IBK, aucun d’entre eux n’est bon, il est alors évident que la cause du problème malien se trouve ailleurs mais qu’uniquement au niveau des présidents. Est-ce que, la main sur la conscience, les membres du M5-RFP seront capables de trouver un Malien plus patriote et visionnaire que chacun des anciens présidents individuellement et collectivement pris ? Ou bien seraient-ils mus par la stratégie du ôtes-toi-que je m’y mette ?
Malheureusement, au stade actuel de la situation, il est difficile de faire entendre raison aux Africains en général et aux intellectuels en particulier. Ce qui peut s’expliquer par le fait qu’ils ont été formatés dans les écoles occidentales à croire au lieu de raisonner. C’est pourquoi, de loin, ils sont les plus faciles à manipuler.
Avec l’attitude qui est aujourd’hui la leur, les Maliens peuvent-ils être fiers de leur présent comme ils le sont de leur passé ? Que pensent-ils léguer à leur descendance ? Si ce n’est l’incivilité qui sous-entend cette tendance au renvoi illégal des présidents. A travers les actes que le M5-RFP pose aujourd’hui, ne donne t-il pas raison à l’ancien président français Jacques CHIRAC quand il disait : « la démocratie est un luxe pour l’Afrique ? »
Vouloir à la fois d’une chose et de son contraire renvoie à l’antinomie. C’est pourquoi on ne peut pas se réclamer démocrate et ne pas se soumettre aux obligations de la démocratie. Toute forme de renvoi d’un président physiquement apte et ne s’étant pas rendu coupable de parjure est illégale et antidémocratique.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, c’est la recherche des causes profondes des maux dont souffre ce beau pays qui doit être la priorité des Maliens. En tout cas s’ils ne veulent pas rendre celui-ci ingouvernable un jour. Car à supposer que le M5-RFP arrive aujourd’hui à placer un des siens à la tête du pays, il peut s’attendre à ce que les autres aussi réclament sa tête un de ces jours.
Une chose reste claire, c’est que les cas Moussa TRAORE, Hosni MOUBARAK d’Egypte et Ben Ali de la Tunisie ne se reproduiront plus. Eux appartenaient à une catégorie de chefs d’Etat dont l’occident voulait se débarrasser. Il convient que l’on retienne qu’aucun partenaire de nos pays ne prendra le risque d’ouvrir deux fronts (une attaque extérieure et une instabilité interne) dans un seul pays.
Tous les pays du monde sont gérés par une alternance de ²bons² et de ²mauvais² présidents. Si les Maliens pensent que leur président est ²tant mauvais,² comme il ne leur a pas été imposé, qu’ils prennent leur mal en patience pour attendre la fin de son mandat. C’est ça la règle démocratique.
Ainsi, ils auraient fait œuvre utile en respectant leur engagement de l’avoir porté à la tête de l’Etat malien. De même qu’ils auraient honoré la mémoire de Soundjata et ses compagnons, en consolidant la grandeur du Mali et en donnant une belle leçon de sagesse et de démocratie au reste du monde et aux prochaines générations.
Les membres du mouvement M5-RFP ne doivent pas être des hommes politiques qui n’ont au bout de leur jumelle que les élections futures pour occuper un fauteuil, mais des hommes d’Etat dont l’unique souci doit être d’assurer une meilleure formation et donner de bons exemples aux générations prochaines. Quelle est la pierre que les Maliens contemporains ont apportée ou comptent apporter à l’édification de ²Maliba² dont ils sont si fiers ? Eux qui demeurent toujours flattés par les hauts faits d’arme de leurs ascendants du 7ème siècle.
La grandeur d’un pays ne se mesure pas par l’étendue de son territoire mais plutôt par la profondeur et la qualité des actes que pose son peuple.
Que Dieu bénisse le Mali et les Maliens.
Sékou Djadaya CAMARA
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