Bah Oury aux journalistes, ce 27 août: « Permettez-nous de rendre hommage à la très longue liste des personnes qui ont perdu la vie dans les luttes pour la démocratie et l’alternance démocratique dans notre pays durant les six décennies de l’indépendance nationale. Accordons-leur une minute de silence !
L’objet de cette présente conférence de presse est de livrer la position de l’Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée (UDRG) au sujet des prochaines échéances présidentielles du 18 octobre. Membre du FNDC nous avons été au cœur de la lutte pour s’opposer à l’abrogation de la constitution de 2010. Nous nous sommes abstenus de participer aux élections législatives du 22 mars 2020.
Les raisons qui ont motivé ces décisions sont-elles devenues caduques ?
La question constitutionnelle : La violation des dispositions d’intangibilités de la constitution de 2010 est un acte très grave au regard des tragédies qui ont jalonné l’histoire de la Guinée. Ces dispositions ont été une réponse à la longue quête de l’alternance démocratique du peuple guinéen, maintes fois blessé, humilié et traumatisé dans les luttes pour la conquête ou la conservation du pouvoir. L’exacerbation de présupposés antagonismes ethniques a toujours accompagné cette hystérie destructrice et violente. Par conséquent la remise en cause de ces dispositions d’intangibilités met en danger notre pays.
Après la tenue du référendum anticonstitutionnel du 22 mars 2020, un autre texte différent de celui qui était proposé a été promulgué « comme étant la constitution de la République de Guinée ». Cette falsification opérée au vu et au su de tout le monde, entraine la nullité juridique du texte promulgué. La Guinée se retrouve ainsi devant un vide juridique, qui entraine de fait la nullité sur le plan juridique de tous les actes gouvernementaux, législatifs et judiciaires qui sont introduits par « Vu la constitution de la République de Guinée ».
A la lumière de ce développement inédit dans l’histoire des Etats modernes, le retour à un ordre constitutionnel normal en Guinée se pose. Par conséquent l’instauration d’une transition politique pour la restauration de l’ordre constitutionnel s’impose ici et maintenant.
La question relative au processus électoral : Le fichier électoral est notoirement corrompu. Les auditeurs de l’OIF et de la CEDEAO l’ont attesté. Sur un corps électoral d’environ 7,3 millions d’âmes, 2,5 millions de personnes figurant dans le fichier ne disposent d’aucune pièce justificative en violation flagrante des dispositions du code électoral. Il a été décelé aussi que 2,1 millions de personnes ne disposent que d’une attestation d’identité établie par les chefs de quartier pour justifier leur enrôlement électoral. Il est évident que les mineurs recensés l’ont été par cette procédure. Ce fichier ne peut pas servir pour l’organisation d’une élection tant soit peu, crédible et dont les résultats peuvent être acceptables. L’utilisation de ce fichier est une atteinte grave au principe du droit de vote reconnu à tous les citoyens guinéens. Son caractère discriminatoire à l’égard des citoyens guinéens résidant à l’étranger est également un facteur aggravant et clivant des dysfonctionnements structurels de la société guinéenne.
Les élections projetées constituent une violation des normes de la CEDEAO et de l’Union Africaine
A cet égard, nous avons saisi la commission de la CEDEAO pour « recours au manquement contre la République de Guinée » afin que celle-ci comme le stipulent le protocole de la gouvernance et de la démocratie et son corollaire le protocole additionnel exigent le respect des normes de la convergence constitutionnelle.
La charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ratifiée par notre pays en son article 23 stipule aussi « Les Etats parties conviennent que l’utilisation entre autres, des moyens ci-après pour accéder ou se maintenir au pouvoir constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement et est passible de sanctions appropriés de la part de l’Union Africaine : les putsch, les interventions de mercenaires et les interventions de groupes dissidents ou rebelles pour renverser un gouvernement démocratiquement élu ainsi que refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti ou au candidat vainqueur à l’issue d’élections libres, justes et régulières ». Il en est de même pour « tout amendement ou toute révision des constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique ». Il est ainsi manifeste que le référendum du 22 mars 2020 est un changement anticonstitutionnel au regard du double prisme des dispositions d’intangibilités de la constitution guinéenne d’une part et de la charte de l’Union Africaine d’autre part.
Ainsi l’élection présidentielle projetée le 18 octobre prochain n’est pas en conformité avec les principes fondamentaux de l’Etat de droit.
Quelles peuvent être les conséquences d’une participation à cette élection ?
Sur le plan politique
Nous ne sommes pas ici pour donner des leçons à qui que ce soit. Chaque parti et chaque leader politique agissent en fonction de ses ultimes convictions et de ses intérêts. Au niveau de l’UDRG nous restons fidèles à nos engagements que nous avons largement explicités ces derniers mois. Participer à cette élection se serait un reniement de nos valeurs et une trahison de la cause pour laquelle nous nous sommes investis depuis notre prime jeunesse.
Sur le plan de l’éthique
Nous avons eu l’immense honneur d’avoir été parmi les principaux animateurs des Forces Vives Nationales dont le regretté Jean Marie Doré en était le porte-parole. Nous mesurons à sa juste valeur les sacrifices qui ont été consentis pour arrimer la Guinée dans la voie de la démocratisation qui a permis l’élection de l’actuel Président de la République. Nous n’avons ménagé aucun effort pour qu’il soit le « Mandela de la Guinée » comme il l’avait déclaré. Notre déception est grande aujourd’hui ! Nous réaffirmons notre fidélité au noble combat pour lequel la Guinée a perdu un nombre important de ses enfants qui figurent également parmi les plus valeureux.
Sur le plan institutionnel
Nous avons tous intérêt à voir la Guinée dotée d’institutions démocratiques solides et fortes. Tout acte qui contribue à faire triompher l’impunité est contraire à l’intérêt général. La culture de l’impunité est un danger pour la stabilité de la Guinée et de la région. Par conséquent nous ne participerons aux prochaines échéances présidentielles.
Nous concluons notre avant-propos pour lancer un appel solennel à l’ensemble des forces vives nationales.
Aux autorités morales et religieuses : Votre rôle et votre mission doivent concourir à instaurer un climat de paix et de concorde nationale entre tous les guinéens. Avez-vous fait tout ce qui est en votre pouvoir pour prévenir les conflits de nature politique dans notre pays. Nous savons que vous n’êtes pas restés inactifs mais les dangers qui guettent vos ouailles sont nombreuses. Levez-vous et assumez votre responsabilité .
Aux femmes de Guinée : Vous portez toute notre souffrance et nos peines. Vous êtes les protectrices de vos enfants. Vous nous consolez dans le malheur et vous vous réjouissez de notre bonheur. Vous souffrez actuellement. Faites entendre votre voix pour que la Guinée retrouve le chemin de la sagesse et de la raison. Les pleurs des enfants ne peuvent laisser aucune mère insensible. Les enfants de Guinée sont en pleurs et sont peinés.
Aux forces de défense et de la sécurité : Vous portez l’uniforme pour assurer la sécurité de notre souveraineté et aussi pour protéger les institutions légitimes de la République. Vous êtes avant tout des citoyens, protégez tous les enfants de la République, arrêtez de pointer des armes vers vos frères, et vos sœurs. Votre mission est de les protéger et non de les violenter.
Aux jeunes de Guinée : Prenez entre vos mains votre destin. Rien n’est perdu et le combat démocratique continue.
Au peuple de Guinée : Le temps du changement est proche. Evitons de nous laisser entrainer dans des voies qui ne mènent qu’à la destruction aux pleurs et aux deuils. Rassemblons-nous dans l’intérêt de la paix et de la stabilité de la Guinée. C’est la seule voie honorable. »