Dans une interview accordée au journal Jeune Afrique, le Président Français, Emmanuel Macron, donnant ses appréciations sur les élections présidentielles tenues en Guinée et en Côte d’Ivoire, a félicité l’ivoirien Alassane Ouattara, tout en se donnant le luxe de condamner le Président guinéen, Alpha Condé.
Quelle idée de féliciter le gagnant d’une élection où plus de 80 personnes auront été tuées dans les violences pré et post électorales, plus de 10000 bureaux de vote détruits et des candidats de calibre respectable, empêchés de prendre part au scrutin présidentiel ,et condamner un autre qui aura eu un bilan de loin bien meilleur !
Cette attitude du Président Français nous rappelle la sombre et détestable époque du fameux Jacques Foccart, pendant laquelle la Côte d’Ivoire fut choyée, chouchoutée et idéalisée, alors que la Guinée était traitée comme une pestiférée, et victime de toutes sortes d’intrigues pour la punir de sa témérité pour son Non historique du 28 septembre 1958.
Le Président de la République, le Professeur Alpha Condé ne serait-il pas ainsi victime de sa farouche détermination à rompre le cordon ombilical avec l’ancien colonisateur, comme le fut jadis le Président Ahmed Sékou Touré, pour son opiniâtreté et son audace à choisir la voie de l’indépendance le 28 septembre 1958? Par contre, son homologue ivoirien qui est un fervent défenseur du maintien du pré carré français, est considéré comme l’ami de la France. Sa prise de position sans équivoque pour l’arrimage de l’ECO à l’Euro, en dépit de l’opposition farouche de nombre de ses collègues de la CEDAO, en dit long sur ses sentiments francophiles, et, plus généralement, europhiles. Ajoutons à cela la présence d’une base militaire française à Abidjan et du plus grand nombre de ressortissants français en Afrique noire.
Dans ces conditions, comment s’empêcher d’établir un lien entre le ‘’ foccartisme ‘’et le ‘’macronisme ‘’?
De quoi Mr Macron voudrait-il donc se mêler, parlant du référendum constitutionnel et de l’élection du Professeur Alpha Condé, dès lors que la participation de 11 candidats de l’opposition, et pas des moindres, légitime ce scrutin ?
Après les félicitations de la CEDEAO, de L’UA, de la Russie, de la Chine, de la Turquie, du Brésil et de nombreux pays africains et arabes, Monsieur Macron croit- il vraiment que son visa est indispensable pour que la quatrième République puisse respirer à pleins poumons ?
Qu’il se détrompe ! Doit-on lui rappeler que de 1970 à 1978, la Guinée a pu vivre sans liens de coopération avec la France. Elle pourrait revivre la même expérience si les ‘’macronneries’’ l’y obligeaient.
N’était- ce pas mieux pour lui de se concentrer sur la Covid-19 qui fait des ravages dans l’hexagone, sur les gilets jaunes , sur le tollé soulevé par la loi Darmanin, jugée liberticide, et sur les problèmes avec le monde islamique, suite aux caricatures du Prophète Mohamed, Paix et Salut sur Lui ?
Aurait-il critiqué le Professeur Alpha Condé pour avoir organisé le référendum si c’est un opposant qui avait été élu à l’issue du vote du vote du 18 octobre ?
Si le droit d’ingérence dans les affaires africaines, et particulièrement guinéennes, que se donnent certains nostalgiques de la France-Afrique n’est guère surprenant pour nous guinéens, il y a cependant à désespérer de la jubilation hâtive et malsaine dont font preuve le FNDC, l’UFDG, le GOHA et d’autres, face à cette flagrante violation du droit de notre peuple à choisir son destin.
Pourquoi ces leaders de l’opposition qui clament Urbi et Orbi avoir l’écrasante majorité du Peuple avec eux, peinent ils à le mobiliser, au point de rechercher désespérément un réconfort dans les commentaires partisans et tendancieux de leurs parrains occidentaux ?
S’il est vrai qu’un Peuple déterminé est invincible, il faudrait bien que ce Peuple se retrouve dans le combat que l’on prétend mener en son nom ; ce qui ne semble pas encore être évident en Guinée avec nos opposants.
Que ces acteurs de la société politique et civile de notre pays, et leurs plumitifs du dedans et du dehors souhaitent toujours être chaperonnés par certains nostalgiques de l’ère coloniale, c’est leur problème !
Le premier Président de la quatrième République quant à lui et le Peuple de Guinée dans sa majorité, disent NON à ces pratiques d’une époque à jamais révolue.
Faisons en sorte que des considérations uniquement politiciennes ne viennent obscurcir notre conscience patriotique au point de féliciter les violateurs de notre souveraineté nationale.
Comment peuvent-ils croire en la sincérité de la profession de foi démocratique d’un Emmanuel Macron, quand on connait la qualité de ses rapports avec les Présidents du Rwanda, du Tchad, du Togo, de l’Egypte, du Gabon et d’ailleurs ?
Croire que le Président français passerait automatiquement de la désapprobation verbale à des actions coercitives contre la Guinée, c’est vraiment prendre ses désirs pour la réalité, et oublier trop vite que les intérêts entre Etats sont au-dessus des humeurs passagères des dirigeants.
Mais si d’aventure Mr Macron s’engageait sur une voie si dommageable pour les intérêts de nos deux pays, il trouverait sur son chemin tout le Peuple, debout comme un roc, et apprendrait à ses dépens ce proverbe malinké qui dit, citation « le chien ne devrait pas s’essayer sur un os qui a résisté aux crocs de la hyène ».
Autrement dit, là où Jacques Foccard a échoué à dompter la Guinée avec le total soutien du Général Charles de Gaulle, ce n’est pas un autre dirigeant français qui le pourrait, fût- il s’appeler Emmanuel Macron.
OUI à la coopération d’égal à égal entre Etats souverains !
NON aux ingérences !