Décidément, l’Agence de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPT) ne cesse d’accumuler les pertes. Alors que son contrat avec l’entreprise ghanéenne Subah Infosolutions a pris fin le 10 novembre dernier, ce prestataire serait en train de faire pression sur l’autorité guinéenne pour tenter de renouveler son juteux contrat, qui est pourtant loin d’avoir répondu aux attentes du pays. Comment expliquer que l’ARPT accepte de le renouveler, au détriment du contribuable guinéen, et faute de résultats convaincants ?
Le partenariat de l’ARPT et de Subah remonte à 2015, soit un an après la décision controversée du DG de l’époque, Mustapha Mamy Diaby, de rompre unilatéralement le contrat qui liait l’autorité à l’entreprise Global Voice Group. Cette décision avait d’ailleurs valu à l’ARPT une condamnation par la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris à 21,7 millions de dollars pour impayés et rupture abusive de contrat. Pour prendre le relais, le DG de l’ARPT avait alors, choisi toujours de façon unilatérale et sans aucune procédure d’appel d’offres, de faire appel à l’entreprise Subah, aujourd’hui dirigée par le Ghanéen Joseph Siaw Agyepong.
Si le coût considérable de ce nouveau contrat, estimé à 350k USD mensuels (soit 4,2M USD annuels), laissait supposer une amélioration nette de la qualité de supervision du trafic à l’échelle du pays, cinq ans plus tard, les chiffres ne sont pas au rendez-vous. Selon nos informations, de nombreux termes du contrat n’ont pas été respectés. A titre d’exemple, les statistiques d’appels, désignées en anglais par « call detail record » (CDR), que le prestataire Subah s’était engagé à collecter en temps réel et de manière indépendante, ont finalement été récupérées auprès des opérateurs. Ces derniers pouvaient donc manipuler les chiffres en toute liberté pour éviter de payer leurs dus à l’Etat guinéen, ce qui ne résout pas le problème de fraude qui génère des pertes colossales en matière fiscale.
Intérêts secrets
Si la gestion de l’ARPT au cours des cinq dernières années bat des records de médiocrité, force est de constater qu’ils ne sont pas les seuls à s’être fait berner par l’entreprise Subah , qui manque visiblement de compétences en matière de gestion des télécoms. Au Ghana par exemple, Subah avait été mis à la porte en 2017 par la ministre de la Communication, Ursula Owusu-Ekuful, qui critiquait son coût mirobolant pour une prestation médiocre. En revanche, contrairement à la Guinée qui semble vouloir renouveler ce partenariat décevant, le Ghana avait était cohérent en décidant de se séparer de Subah.
Mais alors qu’est-ce qui pousse l’ARPT à renouveler un contrat avec une entreprise qui ne remplit pas sa part du contrat tout en exigeant 350 000 euros par mois ? Y a-t-il des intérêts secrets en jeu ? Mustapha Mamy Diaby, qui avait insisté en 2015 pour contracter avec l’entreprise Subah, a-t-il perçu des contreparties forcément méconnues du grand public ? C’est ce que semblent indiquer des rumeurs persistantes.
A l’heure où l’économie du pays est durement impactée par le Covid-19, l’Etat doit cesser de gaspiller des millions d’euros pour des contrats non respectés ou pour servir des intérêts personnels. L’argent public est loin d’être une source intarissable et ces dépenses doivent faire l’objet de davantage de transparence. Au nom des contribuables guinéens, il est temps d’en finir !
Mohamed Kaboul, journaliste indépendant
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