Les Britanniques sont réputés très doués en matière d’anecdotes. Il y a une que j’adore. Elle se passe comme suit : « Un homme meurt et va donc à l’au-delà. L’homme est introduit par un guide dans une grande maison remplie de montres. Le guide expliqua à l’homme que tout dirigeant ayant vécu sur terre a une montre dans cette maison. Que chaque fois que le dirigeant tente de distraire son peuple, l’aiguille des minutes se déplace. Que l’amplitude du déplacement de l’aiguille est proportionnelle à la flagrance et la transparence du caractère trompeur de la déclaration du dirigeant. Que sa vitesse de rotation est proportionnelle à la liberté que prend le dirigeant à faire de telles déclarations. Curieux, l’homme demanda alors de lui faire voir la montre d’Aboubacar Siddiq, le premier Calife de l’Islam. Il constata, correctement, que l’aiguille de la montre de celui-ci ne s’est jamais déplacée. Il demanda ensuite de lui faire voir la montre du Premier Ministre de son pays. Consterné, le guide releva lentement le regard et indiqua à l’homme la montre, accrochée au plafond et qui, depuis belle lurette, fait office de ventilateur pour la maison, en raison de l’amplitude et de la vitesse de rotation de son aiguille ».
En observant mercredi 21 avril le Premier Ministre Kassory sur les plateaux d’un media de la place, je ne pouvais m’abstenir d’imaginer comment sa montre se comportait. Si elle était accrochée au plafond du studio dans lequel l’émission se tenait, nul doute qu’il n’y aurait pas eu besoin de climatiseur dans la salle. Son aiguille doit encore être en forte rotation en réaction à la déclaration risible à l’époque du Premier Ministre que l’économie guinéenne, sous son intendance, dépassera celle ivoirienne en 3 ans. Ou encore en réaction à sa récente déclaration, délibérément provocatrice, que ni lui ni le Président de la République n’ont autorisé la démolition des actifs immobiliers de leurs concitoyens. Ou encore qu’ils n’en sont d’ailleurs pas informés. Pire, qu’il n’y a pas eu de casse de maison à Matoto ou à Matam.
Retour sur les plateaux du media. Ce jour-là, il était question, si j’ai bien compris, de donner l’opportunité au PM, encore une fois, d’éclairer davantage la lanterne de ses compatriotes sur ce qu’il est convenu d’appeler « déclaration de politique générale du gouvernement ». Cette déclaration qui fixe le destin que lui et son gouvernement ont décidé de réserver, comme dans la nuit du destin ce mois-ci, aux 13 millions et poussières de guinéens dans les cinq années à venir.
Il y a déjà eu combustion de beaucoup d’encre et de salive des politiciens, journalistes, internautes et autres depuis, sur les détails d’une déclaration qui s’étend sur plus de 30 pages. L’avenir promet encore beaucoup plus – certainement. En effet, le discours à l’hémicycle était long et l’orateur en était surement conscient, comme pour amener les honorables députés à se lasser dans l’exploitation du document. C’est une technique bien connue. Elle porte le nom évocateur de «technique d’épuisement »
Désolé…….! Encore une fois, retour sur les plateaux du media concerné. A un moment donné, un des journalistes participant à l’émission a interpellé le PM sur le commentaire d’un certain Consultant, concernant le programme de transfert de cash de l’Agence nationale de l’insertion économique et sociale (ANIES) et portant sur 250.000FG par bénéficiaire et par mois. Incidemment, une semaine plus tôt sur les plateaux du même media, ce Consultant aurait fait part de ses inquiétudes relativement à la soutenabilité d’un tel programme dans le temps. En effet, dans sa fameuse déclaration de politique générale du gouvernement, le Premier Ministre Kassory prévoit d’étendre le programme de la dame ANIES à 6 millions de guinéens à l’horizon 2025. L’inquiétude du Consultant était donc de savoir comment assurer le financement de 18 mille milliards de FG annuellement, c’est-à-dire 250.000FG x 6.000.000 de bénéficiaires x 12 mois. Distribuer donc oisivement presque le budget guinéen, chaque année, à des bras valides. L’autre inquiétude du Consultant était de savoir comment identifier en Guinée qui est pauvre, sinon qui est plus pauvre que qui. A défaut de savoir qui est plus pauvre que qui, l’on est bien fondé à conclure que la mesure cherche simplement à constituer un stock de clientèle politique, aux moyens des ressources publiques. Aussi, il faut noter que le journaliste a omis de rappeler au Premier Ministre que le même Consultant avait sollicité un débat direct avec lui. Qui est fou ? Le journaliste a dû penser que ce Consultant ne mâchera pas son piment dans sa bouche à lui.
Néanmoins et comme on pouvait s’y attendre, la réaction du PM était pour le moins déconcertante. Il s’est contenté simplement de répondre que de toute façon ce programme attire déjà l’assentiment de la Banque mondiale, au point que celle-ci en assurera le financement. Avant de conclure que pour avoir remis en cause la démarche de la toute puissante Banque mondiale, ce Consultant devrait retourner sur les bancs. Amen….. ! Plus sur ce dernier sujet dans un instant.
D’ici là, la justification de la justesse du programme par le PM en raison de l’adhésion de la Banque mondiale à celui-ci conduit légitimement aux interrogations suivantes :
- Si c’est la Banque mondiale qui finance ce programme, les fruits de la croissance économique tant brandis par le PM sont-ils dans la poche de celle-ci ? Ou alors se sont-ils, ces fruits, évanouis du jour au lendemain au point que nous soyons de facto réduits à la mendicité auprès de cette institution ? N’est-ce pas un aveu manifeste, ainsi que le Consultant a toujours soutenu et que le PM a toujours contesté, que les fruits d’une croissance se distribuent pendant sa réalisation ? Le PM a-t-il informé le Président de la République que plus de 40% de ses compatriotes dépendront, désormais, des desideratas de la Banque mondiale ? Que le ‘’credo de souveraineté’’ dont celui-ci se prévaut à chaque difficulté politique pour rallier les supports des militants a été monnayé à vil prix ? D’autre part, en condamnant plus de 40% de ses compatriotes à la mendicité permanente, à la destitution sociale, que fait alors le PM du concept de dividende démographique ?
- D’ailleurs, sous quelle forme la Banque mondiale consent-elle ce financement ? Sous forme de don ? Sous forme de prêt ? Si c’est sous forme de don, à quel moment le robinet de don de la Banque mondiale va s’assécher? Si, comme il est hautement probable, c’est sous forme de prêt, le PM n’a-t-il pas de souci pour ce fardeau d’endettement pour nos enfants ? Pour les enfants de nos enfants ? Pour les enfants des enfants de nos enfants, …. ?
- Le PM ignore-t-il que la Banque mondiale n’a aucune recevabilité vis-à-vis du peuple de Guinée ? Que la seule personne passible d’être interpelée pour rendre compte de la bonne gestion ou non du pays est le Président de la République ? Qu’en sa qualité de PM, lui-même n’est redevable que dans la mesure de l’autorité à lui déléguée et, ce, à l’égard et uniquement que du Président de la République ?
- Le PM ignore-t-il la signification du premier principe de la déclaration de Paris qui prône l’alignement absolu de l’intervention des partenaires au développement sur les programmes nationaux, élaborés par les dirigeants nationaux ?
Il y a tellement, tellement de motifs d’interrogations ! Je sais que vous en avez plein d’autres vous-mêmes.
Maintenant, revenons au conseil qu’a donné le Premier Ministre au Consultant sur la nécessité d’un retour sur les bancs, alléguant par-là que celui-ci a besoin de se former encore. Aux dernières nouvelles, les vœux du Premier Ministre auraient été exaucés sur ce point. En effet, ce Consultant aurait sagement cherché l’inscription auprès d’une université en vue d’un programme de mise à niveau. Cependant, il y aurait un petit souci ; car l’université aurait exigé, comme d’ailleurs le Consultant sollicite depuis longtemps, à ce qu’il y ait d’abord un débat sur l’économie entre lui et le Premier Ministre. La logique de l’université serait que ce débat permettrait de mettre en exergue les carences académiques du Consultant, en vue d’une formulation avisée des modules de formation en faveur de ce dernier. La balle serait donc dans le camp du Premier Ministre. Le connaissant très bien, je pense qu’il ne tardera pas à la retourner, à moins qu’elle soit trop lourde pour ses pieds, probablement affaiblis par le Ramadan maintenant.
Un instant ! Au cas où vous en seriez encore à vous demander qui ce Consultant peut bien être. Eh bien, désolé de vous avoir tenu si longtemps en haleine sur son identité. En fait, il ne s’agit de personne d’autre que moi-même.
Je réitère donc mon invitation à l’adresse du Premier Ministre guinéen pour un débat, afin que je puisse bénéficier de cette formation qu’il m’a conseillée avec tant d’amabilité. Ceci lui épargnerait à coup sûr mes réactions intempestives à chaque fois qu’il essayera d’endormir, consciemment ou inconsciemment, les consciences des guinéens.
Cordialement votre,
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