En Guinée, tout rapport consacré à la jeune femme se lit comme un catalogue de souffrances et d’horreurs. La femme guinéenne est, de tout temps, dernière : dernière dans l’accès à l’éducation, le travail, l’eau, la sécurité, la santé… Viols, violences, exploitation, violation des droits, non accès pur et simple à ces droits : nos femmes semblent concentrer sur elles tous les malheurs de la terre.
Le harcèlement sexuel s’est institutionnalisé et est devenu une monnaie d’échange. Dans nos écoles et nos universités, les femmes ne sont pas respectées. Les faveurs sexuelles contre notes, y sont trop fréquentes. L’une des conséquences est le cas des grossesses précoces et le corollaire, c’est le décrochage scolaire. Quand il s’agit de contrats passés avec l’État, c’est la façon dont les femmes sont perçues par les hommes décisionnaires qui rend la situation difficile. Elles sont sexualisées et vues comme des partenaires sexuelles plus que comme des entrepreneurs. Combien de jeunes femmes n’ont-elles pas été victimes de chantage à l’emploi ? Gestes déplacés, pressions verbales, attouchements ou relations sexuelles imposées ?
La plupart de nos compatriotes croient que les viols sont essentiellement le fait d’inconnus. En réalité, la majorité des viols sont commis par une personne que la victime connaît. L’auteur peut être un ami, un collaborateur, un membre de la famille, ou simplement un partenaire. Le « mythe de l’inconnu » envoie un message inexact : celui qu’une agression sexuelle commise par quelqu’un que la victime connaît n’est pas un viol.
Tant en droit que dans la pratique, il ne faut pas préjuger qu’une personne a donné son consentement parce qu’elle n’a pas opposé de résistance physique. Le fait qu’une femme n’ait pas de blessures visibles, qu’elle n’ait pas dit « NON » ou opposé une résistance ne signifie pas qu’elle n’a pas été violée.
Rien ne prouve que les signalements abusifs soient fréquents. Nous sommes, hélas, dans une société qui pratique la culture de la non-dénonciation et du non-témoignage, ce qui fait que la plupart des victimes ont des difficultés à dénoncer, par peur de la stigmatisation et de la sanction sociale : on ne cesse de leur demander ce qu’elles ont fait pour provoquer l’agression ou pourquoi elles se sont mises dans telle ou telle situation. Les victimes méritent d’être crues, elles doivent bénéficier du soutien auquel elles ont droit et les faits qu’elles dénoncent doivent faire l’objet d’une enquête approfondie.
L’idée qu’une femme peut, par sa tenue, inciter un homme à la violer est l’expression de stéréotypes profondément ancrés sur la sexualité masculine et la sexualité féminine. Dans les faits, des femmes sont violées ou agressées quoi qu’elles portent. Aucun type de vêtement n’est une invitation à caractère sexuel ni un consentement implicite. Comment peut-on voir une fille et uniquement sur la base de son habillement, la harceler sexuellement et la violer ? Ce qu’une femme portait lorsqu’elle a été violée n’a tout simplement aucun lien avec son agression. Un viol n’est jamais imputable à la victime. Accepter le principe que les rapports sexuels sans consentement constituent un viol ne serait-il pas une première avancée vers une évolution des comportements sociaux qui ne font qu’accentuer la douleur des victimes ?
La jeune femme guinéenne, double victime de son agresseur, de son entourage et de la société, la femme violée sera-t-elle à jamais stigmatisée ? Va-t-elle continuer à porte seule le fardeau insoutenable de sa blessure et de son isolement ?