Dans la nuit de vendredi 23 à samedi 24 juillet 2021, au lendemain du lancement des épreuves du baccalauréat session unique, un délégué du centre Zegbela Togba Pivi, dans la commune urbaine de N’Nzérékoré, Ibrahima Sory Camara, a failli perdre sa maison après une visite nocturne de « candidats » mécontents de la rigueur qu’il a imposé dans son centre. Cela peut prêter à sourire sur la forme peut-être mais sur le fond, beaucoup moins.
Tant vaut l’école, tant vaut la nation. N’est-ce pas ce qu’on dit souvent ? Et on dit vrai ! Cet adage bien connu, reflète l’extraordinaire pouvoir de l’école à façonner l’avenir de la société. Mais, dans le cas de notre pays, on peut aussi affirmer, sans risque de se tromper, tant vaut la nation, tant vaut l’école. C’est cette mauvaise dialectique qui m’empêche de dormir. Notre pays est à l’image de son système éducatif. A tous les niveaux, le système est malade.
Les missions confiées à l’école guinéenne de former les hommes et les femmes dont nous rêvons pour ce pays ne sauront se concrétiser si nous ne nous donnons pas les moyens de surmonter les énormes défis auxquels fait face le système actuel. Si d’importants progrès ont été réalisés sur différents fronts sous le Professeur Alpha Condé, il reste cependant, beaucoup à faire pour mettre le système aux normes, offrir des opportunités et donner des chances égales de réussite à chaque élève dont nous avons la charge.
C’est à l’école que l’élève doit développer les habiletés affectives et sociales indispensables à la vie en collectivité. La classe est une microsociété, et une société fonctionne avec des règles. Si à l’école, l’élève n’a rien appris du respect des règles, peut-on s’attendre à ce qu’il se conforme aux lois en vigueur dans la société quand il sera rendu adulte ?
La fraude aux examens est une préoccupation ancienne à laquelle des évolutions contemporaines, notamment les développements du numérique, donnent une acuité nouvelle. Une partie significative de la fraude a longtemps porté sur l’usurpation d’identité. Jadis, les moyens de vérifier les identités n’existaient guère ; aussi n’était-il pas rare qu’un individu vienne composer pour le compte d’un autre. Par ailleurs, certains professeurs corrompus vendaient les sujets aux écoliers les plus fortunés.
L’apparition des téléphones portables de la catégorie des « smartphones » a incontestablement changé la donne. Ces appareils sont multifonctionnels et permettent un accès direct et facile à internet et un volume de stockage de données considérable. Plus encore, certains de ces objets se dissimulent aisément sous forme de montres au poignet avec des claviers et des écrans aisément escamotables. Quelles que soient les mesures prises par les centres d’examen ou les établissements, il est impossible par exemple de surveiller les écoliers dans les toilettes. Faudrait-il alors « brouiller » les émissions d’ondes pour paralyser les fraudeurs ? Ce n’est pas si simple.
Dans l’enseignement supérieur, la fraude est très répandue en Guinée, à défaut d’examens nationaux, chaque université ou faculté s’organise comme elle l’entend, sans oublier les écoles privées qui, comme partout ailleurs, relèvent du business autant que de la pédagogie. Les ruses des enseignants sont innombrables. Certains organisent des petits cours payants où, comme par hasard, on étudie le sujet qui tombera à l’examen.
Nombreux sont des cadres guinéens qui multiplient les doctorats en toute impunité avec parfois la complicité des universités guinéennes et étrangères. Untel se dit docteur en économie de Paris-Dauphine où il n’a jamais mis les pieds, tels autres utilisent le mot magique de Sorbonne quand ils sont diplômés d’une modeste université de province. Bref, la fraude est bien ancrée dans nos mœurs. Quand on peut faire son mémoire ou sa thèse sans quitter Wikipédia ou ses équivalents, où est le travail personnel ?
Qui contamine qui dans ma Guinée ? Je n’ai pas de solution, mais j’ai une idée pour la trouver : Lancer dans nos écoles et universités, un concours pour une méthode anti-fraude aux examens. Le lauréat aura un prix fixé à 100 000 000 fg et sera responsable d’appliquer sa formule à l’ensemble du pays. En plus, il aura sa statue dans tous les établissements du pays avec en bas l’inscription « sauveur de l’éducation ».
L’éducation est de toute évidence l’un des instruments les plus puissants pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, ainsi que pour jeter les bases d’une croissance économique solide. Il est grand temps d’investir davantage dans ce secteur. « Si vous trouvez que l’éducation coûte chère, essayez l’ignorance ». C’est ainsi que le seizième président des Etats-Unis, Abraham Lincoln, répondait aux journalistes qui essayaient de lui signifier que son programme éducatif coûtait cher pour les Etats-Unis. Aujourd’hui près de 150 ans après qu’il ait quitté le pouvoir, ces paroles sont encore vraies et le niveau de développement des Etats-Unis en est la preuve vivante. Aucun combat n’est vain, ni absurde, quand il s’agit de l’éducation. Docteur Alpha Amadou Bano Barry, awo, n’sona ; n’sewara ; initché!