Censure

Le Mali divise le Conseil de sécurité des Nations Unies (Par Youssouf Sylla, analyste)

Avec l’opposition du veto russe et chinois à un texte porté par la France et visant à condamner le Mali par le Conseil de sécurité, c’est toute la guerre d’influence géopolitique qui éclate au Mali entre le bloc occidental du Conseil (USA, France, Royaume Unie) et le bloc incarné par la Russie et la Chine.

La démarche française au sein du Conseil est d’une part inspirée par les sévères sanctions infligées à la junte malienne par la CEDEAO pour sa décision de proroger pour un délai de 5 ans la transition, et d’autre part, par l’aversion d’Emmanuel Macron pour les autorités militaires qu’il ne cesse d’accuser d’illégitimes, de responsables de la venue du groupe russe Wagner au Mali et d’un coup d’État dans un autre coup d’État.

Ce sentiment d’aversion est aussi partagé par la junte qui par la voix de son ministre des Affaires étrangères avait accusé la France devant la tribune des Nations Unies, d’avoir abandonné le Mali en plein vol, depuis que celle-ci a décidé de repositionner son dispositif militaire « Barkhane » chargé de mener la lutte contre le terrorisme islamiste qui menace la stabilité du Mali, du Sahel et de tout le golfe de Guinée.

À cause de la corruption et de l’incurie de sa classe politique ces dernières années, le Mali est devenu un terrain de luttes d’influences entre la France qui tient à son pré carré, la Russie qui ne recule devant personne pour revenir en force dans un pays avec lequel ses relations datent des années du socialisme, et enfin les mouvements islamistes qui jurent d’y installer un État islamique.

Dans ce contexte, les seuls perdants de la crise malienne sont les Maliens eux-mêmes. L’espoir qu’ils ont nourri après le renversement d’IBK, d’aller vers plus de démocratie, de retour à l’intégrité territoriale et au meilleur ordre économique est en train de s’évanouir sous la menace d’une transition qui s’installe dans la durée et d’absence de visibilité en ce qui concerne la fin du terrorisme islamique.

Les premiers à être en mesure de résoudre cette crise sont les Maliens. Mais les chances de relever ce défi de manière durable sans une démarche objective vers le retour à l’ordre constitutionnel dans un délai raisonnable seront faibles. Le retour vers l’ordre démocratique durable doit être une préoccupation commune des Maliens et en premier lieu de la junte au pouvoir et non une injonction venant de l’extérieur. À ce stade de son histoire, l’unité des Maliens est fondamentale pour prendre en charge leur destin et de faire front commun contre le terrorisme et les autres formes de crimes organisés.

Dans ce cadre, la substitution spectaculaire de la coopération militaire franco-malienne par la coopération entre le Mali et une société privée militaire russe, risque d’ajouter à la confusion et d’être une source de rivalités entre puissances dans un pays dont les amortisseurs sont trop faibles pour encaisser la secousse des grands. Le contexte sécuritaire malien, et plus généralement celui du Sahel, exige plutôt une meilleure coordination et intelligence entre des forces armées étrangères qui y interviennent. Cette approche devrait être privilégiée non seulement par le Mali, mais aussi par les États du G5 Sahel, de la CEDEAO et l’Union africaine pour venir à bout du terrorisme.

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