L’annonce ce matin par Emmanuel Macron au cours d’une conférence de presse avec ses homologues africains de G5 Sahel et de la CEDEAO du retrait de la République du Mali des forces françaises engagées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme depuis 2013 ne surprend guère. Ce retrait est l’aboutissement d’une dégradation des relations entre Macron et la junte au pouvoir au Mali, qui avait atteint son point d’orgue avec l’expulsion de l’ambassadeur français par les autorités maliennes.
Au cours de leurs interventions, les présidents français et africains ont par ailleurs éludé l’épineuse question du ressenti des Maliens par rapport à la présence des forces étrangères dans leur pays. Il y a au Mali un sentiment antifrançais qui gagne du terrain à cause de piètres résultats obtenus par ces forces pourtant suréquipées dans la lutte contre le terrorisme. Mais aussi un sentiment de perte de souveraineté. Les autorités maliennes pour se rendre dans certains endroits du pays doivent y être autorisées par les forces armées françaises et onusiennes présentes sur le terrain. À tout cela s’ajoute, pour ne rien arranger, la relation sismique entre Macron et Goita, tombeur d’Ibrahima Boubacar Keita, chef d’État démocratiquement élu et homme de main de Paris.
Que risque-t-il de se passer au Mali ?
Avec le retrait des forces occidentales de ce pays, les interrogations enflent sur son avenir immédiat. Surtout lorsqu’on sait que l’armée malienne est encore impuissante à étendre son contrôle sur le nord du pays, dominé par les djihadistes, et que le pays est sous sévères sanctions économiques de la CEDEAO à cause de son clivant calendrier de transition démocratique. Face au vide qui s’installe autour de lui, tout laisse penser que la junte aura recours à la société militaire privée russe, Wagner, pour assurer la sécurité de son territoire. Mais l’appel aux mercenaires russes soulève à son tour de nombreuses interrogations relatives au but, à l’étendue, aux modalités et aux conditions d’engagement des Russes.
Au final, les gouvernements français et maliens, incapables de régler leurs querelles sur les questions de stratégie concernant la lutte contre le terrorisme et sur le rôle de la junte dans la vie politique malienne, plongent à présent le Mali, pays largement éprouvé, dans un vide sécuritaire dangereux pour lui-même et ses voisins. Le risque d’extension de la menace terroriste dans le golfe de Guinée est plus que jamais d’actualité aujourd’hui pour qui connaît la force de métastase du djihadisme dans le monde. La CEDEAO, qui aurait pu jouer les intermédiaires pour dénouer la crise au Mali se positionne aussi en adversaire intraitable de la junte au pouvoir. En tout état de cause, laisser le Mali se débrouiller seul face à ses défis sécuritaires, équivaut à prendre un risque inconsidéré pour la sécurité collective des Etats de la CEDEAO. D’où la nécessité de maintenir un dialogue constructif avec la junte pour trouver des solutions aux problèmes politiques et sécuritaires du Mali.