Par Youssouf Sylla. La Guinée est aujourd’hui lancée dans un important débat sur l’éthique en matière de gouvernance politique et économique. La crise était pourtant là depuis très longtemps sans prendre dans le débat public la dimension qu’elle a aujourd’hui. Malgré la vivacité du débat, c’est toujours un bon signe pour un pays de s’interroger sur sa place et le positionnement de ses dirigeants et de ceux qui prétendent le diriger par rapport à l’éthique.
Que ce soit dans une famille, dans une association de quartier, dans une entreprise privée, un parti politique, un Etat ou une association d’États, les membres de toutes ces organisations exigent de leurs dirigeants actuels et futurs un comportement éthique qui donne du sens et honore l’action de ses dirigeants.
Le respect de ces valeurs légitime chaque dirigeant dans sa posture. Par exemple, le dirigeant d’un pays à l’obligation juridique de sauvegarder et de veiller en bon père de famille sur les biens de ce pays. Celui qui prétend aussi le diriger sera soumis aux mêmes obligations juridiques. Pour l’un et l’autre, cette obligation juridique doit se traduire par un comportement éthique de tous les jours qui consiste à éviter toute forme d’appropriation du bien public. Il est en effet immoral de s’approprier ou de s’accrocher à un bien qui appartient à tous. La dignité d’un dirigeant actuel et futur exige une prise de distance raisonnable par rapport à ce bien.
L’éthique est différente de la loi. Mais sans éthique, la bonne prédisposition d’appliquer la loi prend un coup. C’est pour cette raison qu’il est exigé des juges et autres dirigeants de se conformer aux règles éthiques. Si la justice est la boussole de la société, l’éthique est quant à elle la boussole du juge et du dirigeant. L’absence d’éthique est en politique la plus grande source de conflit entre l’intérêt personnel et l’intérêt collectif.
C’est par manque d’éthique qu’on choisit de contourner la loi générale au nom d’un intérêt personnel. C’est l’évacuation de l’éthique dans la gouvernance politique qui a conduit au fameux troisième mandat en Guinée, elle explique aujourd’hui aussi la volonté de quelques-uns d’exproprier l’Etat pour une cause d’utilité privée. Au niveau sous régional, elle explique l’adhésion du syndicat de chefs d’Etat aux coups d’Etats constitutionnels dans la mesure où cela préserve son intérêt égoïste et le rejet de coups d’Etats d’origine militaire qui menace cet intérêt.
Le manque d’éthique empêche d’interroger ses propres déviances et se focalise à ne voir le mal que chez l’autre. Par conséquent, exiger l’éthique chez les gouvernants et chez ceux qui prétendent gouverner, c’est participer à l’élévation de la société et préparer le terrain à l’avènement d’un monde de justice où la loi sera plus facilement acceptée par chacun dans son application, même si cette application affecte ses propres intérêts.