Censure

Guinée. La lutte contre la corruption doit respecter le droit à un procès juste et équitable (Organisation des droits de l’homme)

Conakry, Paris, le 25 février 2022 – Alors que la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) a lancé plusieurs actions judiciaires ces dernières semaines, la FIDH, l’OGDH, MDT et l’AVIPA rappellent aux autorités guinéennes leur engagement à prendre des mesures concrètes en faveur de la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves.

Parmi celles-ci, nos organisations insistent sur l’urgence d’accélérer les préparatifs pour l’organisation rapide du procès du 28 septembre 2009, annoncé comme devant s’ouvrir d’ici la fin du mois de mars 2022. Tout en saluant l’initiative lancée pour faire avancer la lutte contre la corruption et l’assainissement des finances publiques en Guinée, la FIDH et ses organisations membres et partenaires en Guinée appellent les autorités guinéennes à garantir le droit à un procès juste et équitable, conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifiés par l’État guinéen.

« Lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite est légitime et essentiel non seulement pour combattre la mauvaise gouvernance mais aussi pour assurer une transparence dans la gestion des affaires publiques et ainsi contribuer à rétablir un lien de confiance entre les populations et les autorités guinéennes. Pour obtenir de tels résultats, cette lutte doit être réalisée dans le cadre de procédures justes, équitables et respectant les droits de la défense », a déclaré Me. Drissa Traoré, secrétaire-général de la FIDH.

Le 2 décembre 2021, le Colonel Mamadi Doumbouya, président de la transition et président du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), a créé par ordonnance la CRIEF afin de lutter contre les détournements de deniers publics et les crimes économiques. Depuis le début de l’année 2022, la CRIEF a multiplié les annonces concernant l’ouverture de plusieurs informations judiciaires. Le 23 février, Souleymane Traoré, ancien directeur du Fonds d’entretien routier (FER) a été inculpé pour détournement de deniers publics et placé sous mandat de dépôt. Le 22 février, la CRIEF a inculpé Ismaël Dioubaté, ancien ministre du budget et Tibou Camara, ancien ministre de l’industrie et porte-parole du gouvernement d’Alpha Condé, pour « détournement et complicité de détournement de deniers publics » dans l’affaire dite du Nabayagate. Depuis quelques semaines, la CRIEF a également accéléré la campagne de récupération des bâtiments relevant du domaine public, notamment en visant les propriétés de Cellou Dalein Diallo, président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et de Sidya 2 Touré, président de l’union des forces républicaines (UFR). Les deux leaders de l’opposition ont été sommés de quitter leurs domiciles respectifs le 28 février prochain, et ont tous deux engagé une action en justice pour contester ces décisions. La lutte contre la corruption ne doit pas se faire au détriment de la lutte contre l’impunité.

Nos organisations tiennent à rappeler aux autorités guinéennes les engagements pris pour lutter contre l’impunité des auteurs de violations graves des droits humains. Particulièrement, les déclarations des autorités lors d’une visite du Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à Conakry en novembre 2021 annonçant l’organisation du procès du 28 septembre d’ici à la fin mars 2022, avaient suscité beaucoup d’espoir de voir enfin les demandes de justice des victimes se concrétiser, plus de 12 ans après les faits.

À la suite des dernières discussions du comité de pilotage en charge de l’organisation du procès réunit courant février 2022, il semble que la date d’ouverture du procès soit à nouveau reportée, pour des raisons logistiques notamment liées à un changement de décision sur le lieu où doit se tenir le procès et sur les travaux nécessaires pour aménager le nouveau local identifié. «Les défis autour de l’organisation du procès du 28 septembre sont considérables, tout comme les attentes des victimes que nous représentons et qui, plus de 12 ans après, continuent à garder espoir de voir s’ouvrir ce procès emblématique. Il est primordial que les autorités communiquent une date précise pour la tenue de ce procès ainsi qu’un chronogramme détaillé et en amont, des étapes devant y conduire » a déclaré Me Alpha Amadou DS Bah, vice-président de l’OGDH et coordinateur du pool des avocats des victimes dans le dossier du massacre du 28 septembre 2009.

Nos organisations rappellent que l’instruction dans l’affaire du 28 septembre a été clôturée en novembre 2017 avec le renvoi de 14 présumés responsables, dont l’ex Chef de la Junte Moussa Dadis Camara, devant le Tribunal de Dixinn. Depuis lors, les près de 450 victimes constituées parties civiles dans l’affaire attendent l’ouverture du procès. Le Bureau du Procureur de la CPI mène par ailleurs un examen préliminaire de la situation et des crimes contre l’humanité prétendument commis dans le cadre du massacre du 28 septembre 2009 au stade de Conakry en Guinée depuis plus de 12 ans.

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