Au moment où le débat sur la durée de la transition enfle de plus en plus dans la cité, l’on s’interroge toujours sur la ou les causes de la chute brusque et brutale du régime du RPGAEC. Certains vont jusqu’à établir un lien de cause à effet entre le coup de force du 5 septembre 2021 et l’avènement de la 4ième République, se prenant même pour les « héros’’ de ce jour fatidique, les forces spéciales n’étant venues, selon eux, simplement que pour ramasser le fruit de leur lutte ! Rien n’est moins vrai qu’une telle assertion !
Une lecture simpliste qui permettrait à ces compatriotes de surévaluer leur rôle dans le renversement de l’ancien régime, pour ainsi mieux prendre en otage la transition. Heureusement que le CNRD aura su se dégager très vite de cette nasse dans laquelle il semblait avoir volontairement choisi de s’enfermer.
S’il y a un lien de causalité entre les 2 évènements, il est ténu, et loin d’avoir été décisif !
Notons simplement que dans notre chère Afrique, hormis le cas Blaise Compaoré(il n’ y a pas de règle sans exception), emporté par une bourrasque populaire , un 3ième mandat ou un mandat multiple n’a jamais été la cause de la chute d’un Président. La Côte d’ivoire , le Togo, le Cameroun, le Gabon, le Congo de Sassou N’Guesso, le Burundi de Pierre Kurunziza, le Rwanda de Kagamé , l’Ouganda de Yoweri Museveni et la Guinée équatoriale de Théodoro Obiang N’Guema M’Basogo sont des exemples suffisamment illustratifs.
Sauf oubli de notre part, il n’apparait nulle part dans les déclarations du CNRD que le renversement du régime du RPGAEC est la conséquence directe de ce que d’aucuns ont appelé le « mandat de trop’’.
Les Présidents IBK et Rock Marc Christian Kaboré sont tombés avant la fin de leur deuxième et dernier mandat ; le Professeur Alpha Condé sera renversé huit mois après sa réélection.
Le coup d’état manqué en Guinée Bissao était- il aussi une affaire de 3ième mandat ?
Si on ne peut nier les difficultés créées à l’ancien régime par les multiples manifestations organisées( qui l’ont d’ailleurs toujours été durant tout le règne du Professeur Alpha Condé, bien avant la naissance du FNDC) par les adversaires à l’avènement de la 4ième République, il ne faudrait non plus verser dans la simplification et l’exagération, au point de considérer les agissements passées du FNDC comme ayant été la locomotive des évènement du 5 septembre 2021.
En attendant de décliner les principales causes de la chute du PRAC, une bonne analyse des évènements nous permettra de constater que de nombreux facteurs, tant au niveau national qu’international, auront permis au régime d’exister pleinement et de se maintenir jusqu’ au 5 septembre 2021.
Facteurs internes
Ils son nombreux, parmi lesquels nous retiendrons :
– contrairement à ce que l’on a tenté et tente encore de faire croire, une importante fraction du peuple souhaitait et croyait sincèrement que la 4ième République prendrait en charge leurs préoccupations majeures.
-Les élections du 18 octobre 2020, comme les précédentes, ont été entièrement sécurisées par les FDS ( Forces de défense et de sécurité) , aujourd’hui devenues « libérateurs’’.
‐La participation au vote ,de nombreuses formations politiques de l’opposition, y compris la plus importante d’entre elles , aura crédibilisé et légitimé le scrutin présidentiel du 18 octobre 2020. Comment peut on participer à une élection sous l’empire d’une Constitution qui rendait possible l’éventualité d’un « troisième mandat’’, et tenter de convaincre que cela rentrait dans le cadre de la défense de la constitution dissoute, laquelle interdisait au Président sortant de compétir pour une 3ième fois ?
-l’ opposition parlementaire issue de la constitution de 2020 ,par sa participation aux activités de la 9ième législature, a légitimé la 4ième République. Son chef de file d’alors n’a t- il pas proclamé à la face du monde qu’elle se comporterait en une opposition civilisée, c’est-à-dire non violente, qui, faisant écho au slogan « gouverner autrement’’ du régime déchu, promettait fièrement de « s’opposer autrement’’ ; c’était suite à une rencontre au Palais SEKHOUTOUREYA avec le PRAC, nouvellement élu pour son premier mandat de la quatrième République?
– La participation remarquée de nombreuses formations de la société civile et politique à l’Investiture du premier Président de la 4ième République, a été un acte de validation et de reconnaissance de son élection et de son autorité.
Facteurs externes
-nombreux appels non contraignants au dialogue , suivis d’une reconnaissance internationale du régime issu de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020.
-arrivée de nombreux investisseurs, traduisant leur acceptation et leur confiance en la nouvelle réalité.
Les véritables causes de la chute du régime
Pour garder sa position d’une des principales forces politiques de notre pays, le RPGAEC devra avoir le courage de procéder à une analyse approfondie ,dépassionnée, décomplexée et non partisane de notre gouvernance passée , pour y identifier les causes ayant conduit à la perte du pouvoir.
Dans cette optique, nous avons pu retenir quelques unes que sont :
-l’absence indéniable d’une sincère volonté de dialogue : le cadre de dialogue qui fut créé était un fourre tout, un subterfuge pour masquer le refus de dialoguer avec les politiques autour d’ une crise qui était pourtant essentiellement politique.
-une main un peu lourde qui s’est manifestée sous plusieurs formes, contre les adversaires politiques.
-une certaine indolence, en dépit des multiples dénonciations et mises en garde provenant aussi bien de notre propre camp que de nos adversaires politiques , face à de nombreux présumés scandales de prédation, dont le « nabayagate’’ en aura été un cas emblématique.
– le remplacement de la Constitution votée par Peuple par une autre aura été, selon le Colonel Amara Camara, la goutte d’eau qui aura fait déborder le vase..
-une déliquescence de l’état que traduisait, entre autres, une certaine faiblesse à assumer son rôle régalien à garantir la sécurité et la justice pour tous ;nonobstant de nombreuses mises en garde des autorités d’alors, des individus violents piétinaient impunément les lois pour se rendre justice eux mêmes.
-l’effet domino de la chute du régime d’IBK au Mali.
Ainsi qu’on peut le comprendre, ces différents faits qui sont des caractéristiques d’ une gouvernance défaillante, peuvent être à l’origine de la chute brutale de n’importe quel régime en Afrique de l’ouest où existerait une armée susceptible d’être attirée , pour une raison ou une autre, par le magnétisme du champ politique.
Que ce régime soit bi, triple ou multiple mandat, peu importe !