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Développement local. La grande interview du directeur régional de l’ANAFIC de Labé

L’Agence nationale de financement des collectivités (ANAFIC) créée en 2017 accompagne les collectivités dans leur développement. Ainsi, dans chaque région administrative du pays, est implanté un service régional de l’ANAFIC (SRA). Dans la région administrative de Labé, Boubacar Dombel Diallo, est le responsable dudit service. Dans cette grande interview, plusieurs questions ont été abordées avec lui dont les missions dévolues à l’antenne régionale de l’NAFIC de Labé, les activités réalisées, les changements perceptibles au sein des communautés,  les difficultés et les perspectives.

Guinee7.com : Quelles sont les missions dévolues au service de l’ANAFIC dans la région administrative de Labé ?

Boubacar Dombel Diallo : Notre mission, c’est d’accompagner, soutenir et booster le développement au niveau des collectivités afin de contribuer de manière significative à la réduction de la pauvreté, à la consolidation des acquis de la décentralisation, mais aussi renforcer les pratiques de bonne gouvernance au sein de ces collectivités à travers le renforcement des capacités et le financement des micros projets identifiés et planifiés par les collectivités de la région.

Quelles sont les activités réalisées par l’ANAFIC dans la région administrative de Labé ?

Depuis 2019, jusqu’en 2020, nous avons accompagné la réalisation de 114 micros projets. Ces 114 micros projets, identifiés, priorisés et planifiés par les collectivités portent sur la construction et l’équipement des postes et centres de santé, sur des écoles primaires, des collèges, mais aussi des infrastructures marchandes notamment des boucheries, des marchés ruraux et des infrastructures comme le foyer des jeunes et des centres d’accueil. A ces activités s’ajoutent également des activités portées par les femmes notamment l’aménagement et l’équipement des périmètres agricoles, l’aménagement des étangs piscicoles pour développer  des activités économiques génératrices de revenus. En plus de cette mise à disposition de fonds pour financer ces micros projets, on a un autre volet très important, qui est le volet appui à la décentralisation et la gouvernance locale à travers le financement de la banque mondiale par le programme d’appui à la gouvernance locale. Ce programme d’appui à la gouvernance locale porte sur l’appui à apporter aux collectivités en matière de budgétisation participative. Car le constat révèle que l’affaire du budget était une affaire entre le maire et le secrétaire général. Donc avec ce processus d’appui, on essaie de démocratiser le processus pour aider les collectivités à mieux mobiliser les recettes pour pouvoir faire face aux charges récurrentes. Il y’a un autre outil qui est le système de suivi et évaluation participatif, où l’ensemble des acteurs se réunissent pour pouvoir évaluer la fonctionnalité des services et des structures au niveau local. Nous avons un autre outil qui est le mécanisme de gestion des réclamations, parce que souvent, il y’a des cas conflictuels, mais on essaie d’anticiper à travers des réclamations par la mise en place des structures communautaires, pour que toutes les questions liées aux litiges, aux affaires locales, soient gérer par les collectivités et par les populations elles mêmes. Le dernier outil qui porte sur la gouvernance local, c’est le système d’alertes précoces et de réponses. Cet outil est entrain d’être implémenté par l’ONG Vision sans frontière, il y’a une autre ONG qu’on appelle CECODE qui nous accompagne également dans la mise en œuvre de ces différents outils. Je voudrais terminer pour dire qu’en termes d’appui, nous utilisons également  les fonds de l’Agence Française de Développement qui finance des micros projets confortatifs, qui portent sur des activités de résilience, de protection et de gestion durable de l’environnement. Au titre de 2021-2022, nous avons des micros projets confortatifs qui sont en cours de réalisation, qui ne sont pas terminés et qui portent sur la construction de logements pour le personnel enseignant et soignant, la réalisation des forages, et la sécurisation des écoles et des infrastructures. En plus de ces investissements que nous faisons, il y’a tout un volet qui porte sur le renforcement des capacités pour mieux qualifier les acteurs au niveau local et dont les bénéficiaires sont , les élus locaux, les services techniques déconcentrés, les services préfectoraux de développement ainsi que toutes les organisations de la société civile. Ces formations sont pilotées par nos agents de terrain, mais aussi par le centre de formation professionnel des cadres de Sérédou. Voilà de façon résumée ce que nous faisons en termes d’appui dans la région sans oublier le suivi, appui conseil.

Quels sont les changements perceptibles apportés par l’ANAFIC, au sein des collectivités ?       

Il y’a des changements perceptibles en termes d’amélioration du niveau de vie des populations mais aussi en terme d’accès aux services sociaux de base. La réalisation des écoles primaires et les collèges, ont  permis de résoudre le cas de pléthore des élèves dans certaines localités, mais ça aussi permis à certains districts qui n’avaient jamais eu d’infrastructures scolaires d’en bénéficier. Il a fallut donc l’apport de l’ANAFIC. La réalisation des marchés communautaires a aussi permis à certaines femmes qui mènent des activités maraichères de pouvoir écouler facilement leur production, mais aussi de permettre à la commune d’améliorer les recettes fiscales à travers le recouvrement des droits de places des marchés, les taxes d’abattage, et les droits de stationnement des véhicules er des motos. Il a fallu donc que ces infrastructures là soient réalisées. Au niveau des micros projets portés par les femmes, il faut dire que cela a permis à ces femmes d’améliorer substantiellement leur revenu. Quand les périmètres agricoles ont été aménagés, ça permis aux groupements féminins de valoriser ces périmètres et de faire face à certaines charges familiales. Au niveau de l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base, pour les jeunes, on a réalisé plus d’une dizaine de terrain de sport et des foyers des jeunes. Ces différentes interventions ont beaucoup améliorées la qualité de la vie dans les collectivités. Un des problèmes que nous sommes entrain de résoudre actuellement, c’est développer un service de proximité des agents de l’Etat. Imaginez quand vous avez des logements équipés  pour le personnel enseignant avec toutes les commodités, cela permet aux enseignants de garder la proximité, d’être auprès de l’école et ça permet également aux agents de santé d’être auprès des structures sanitaires et de délivrer des services de qualité.

Quels sont les partenaires de l’ANAFIC sur le terrain et quelles sont les relations que vous  entretenez avec les autorités administratives ?          

Nous avons des partenaires techniques et financiers, notamment la banque mondiale, nous avons l’agence française de développement qui nous accompagne à travers la mise à disposition des fonds. Nous avons l’Etat qui finance l’ANAFIC à travers les 15% des redevances minières. En plus de ces partenaires techniques et financiers, nous avons quelques institutions spécialisées des nations unies. Par exemple l’UNICEF dans le cadre des communes de convergence, nous avons nos agents qui sont impliqués dans l’accompagnement de ces communes de convergence qui sont au nombre de 10 pour améliorer les services au niveau de ces collectivités. Nous avons aussi des ONG qui évoluent sur le terrain, qui sont basées dans la région dont les collectivités utilisent leur expertise, leur compétence, leur savoir faire pour accompagner ces collectivité dans la réalisation de leurs objectifs de développement. On a des ONG comme AVGRN, PED, CAM.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités tant régionales, préfectorales que communales, parce qu’elles doivent être informées de ce que nous faisons comme activité. Ces autorités constituent un soutien  qui nous accompagne. Donc à chaque fois que nous sommes détenteurs d’informations ou d’activités, on essaie de porter ça à la connaissance des autorités, les services régionaux, notamment le plan, le SERACCO, les SPD des cinq préfectures. Nous travaillons avec ceux-ci qui sont des structures pérennes de l’Etat et qui mènent des fonctions régaliennes en termes de suivi et d’accompagnement des collectivités.

Quelles sont les difficultés auxquelles se confronte l’ANAFIC dans la région et quelles sont les perspectives ?

Il y’a des difficultés, mais ce sont des difficultés qui nous parvenons à surmonter. L’ANAFIC a été bâti sur les acquis du PACV. Avec le PACV, nous avons utilisés des manuels de procédures administratives, comptables, financières, mais aussi de gestion du fond de développement local. Le plus souvent, les problèmes proviennent dans le cadre de la compréhension et l’interprétation des textes et de certaines dispositions du code des collectivités locales. Vous savez, tout est prévu et réglementé par l’Etat. Par exemple, à titre indicatif, il arrive, des villages qui veulent se doter des écoles ou des postes de santé, quand bien même en le faisant, on n’est pas en harmonie avec tout ce qui est lié à la politique sectorielle en matière de santé ou d’éducation. Pour bénéficier d’une école primaire, il faut être érigé en district, il faut avoir un nombre important pour pouvoir faire scolariser les enfants. Ce sont les mêmes conditions qui sont définies en matière de santé. Parfois, il y’a des problèmes d’incompréhension. Mais aussi, on ne finance pas tous les micros projets ; par exemple, nous, nous ne sommes pas habilités de financer les maisons de culte, les églises et mosquées ça n’entre pas dans nos domaines d’intervention. Aussi, parfois les gens pensent que le principe de l’autonomie des collectivités, c’est que les gens sont permis de tout faire, de tout décidé en lieu et place des textes. Les textes sont prévus, il faut être respectueux des textes. Nous-mêmes, nous ne pouvons pas aller à l’encontre de ces textes là. On travaille aussi avec des partenaires qui sont très regardant en termes de respect des procédures. Le plus souvent, des problèmes peuvent venir quand il y’a passation de marché où les gens veulent à ce que leurs protégés aient ces marchés. Un maire qui à un frère ou un cousin ou une autorité n’importe laquelle veut, que ce soit un marché de gré à gré. Alors que le marché est ouvert. On doit être respectueux des dispositions des marchés public. Il faut lancer l’avis d’appel d’offre ; c’est ouvert à tout le monde. N’importe quelle entreprise répondant aux critères et aux conditions définies peut postuler. Donc il n’y a pas de restrictions à ce niveau là. Souvent quand ça arrive, on est obligé de recourir aux services techniques pour pouvoir faire l’arbitrage. Mais parfois, ces agissements, les gens le font par méconnaissance sinon, ils sont de bonne foie. Les dernières difficultés auxquelles nous faisons face actuellement, c’est du fait que le cadre organique des collectivités n’est pas complètement meublé. Sur 55 collectivités de la région, on n’avait que 11 receveurs communaux qui sont des comptables publics, qui manipulent l’argent, qui ordonnent l’utilisation des fonds publics. Sur ces 11 receveurs communaux, 4 sont partis à la retraite. Vous pouvez voir un receveur qui couvre 4 à 5 collectivités, donc en termes de charges, c’est énorme, ça joue parfois sur le fonctionnement des collectivités. C’est le même problème qu’on a par rapport au cas des secrétaires généraux. On n’avait que 17 secrétaires généraux, on a parfois des cas de doublons, ou parfois un secrétaire général pour 3 à 4 communes. Il y’ a un problème d’efficacité. Mais heureusement, on a les ADL qui accompagnent les collectivités.

Il faut préciser que pour les 114 micros projets financés entre 2019 et 2020, l’ANAFIC à travers le gouvernement guinéen avait procédé à la mise à disposition de plus de 65 milliards  de francs guinéens ventilés dans les différentes collectivités pour pouvoir réaliser ces infrastructures. Et pour les micros projets confortatifs, Boubacar Dombel Diallo rassure que  30%, ont été  mis à disposition à hauteur de 7 milliards à date. Ils attendent le reste des 70% pour pouvoir achever le reste des infrastructures.

Interview réalisée par Sam Samoura pour Guinee7.com    

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