Censure

Les rumeurs et l’odeur de fumée avec feu de N’yagbadou

Après avoir tancé, palabré et chipoté sur le chronogramme, la date et le délai de la transition, durant huit mois, voilà enfin annoncé 39 mois par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD).

À peine ce délai fixé, nous voilà repartis sur les pistes glissantes habituelles de rumeurs et autres menaces de mettre les militants dans la rue, pour d’incessantes manifestations qui ont souvent pour résultats, des morts d’hommes et d’enfants. Les enfants des autres envoyés à la boucherie, par ceux qui ont les leur bien au chaud dans les appartements des grandes villes métropolitaines occidentales. Des logements souvent achetés avec l’argent de la corruption et des deniers publics détournés. C’est tellement plus simple quand ce sont les enfants des autres qui en paient les frais !

Ainsi, après moult tergiversations et propositions de différentes personnalités politiques sur la durée de ladite transition, chacun y allant de ses petits calculs sortis d’un chapeau de magicien ( 15, 24,…etc. mois), est-ce finalement cette durée de 39 mois qui est l’essentiel ou est-ce le contenu du travail qui va être fait durant cette période qui compte ?

N’est-il pas préférable d’accepter ces 39 mois avec le souci d’organiser une transition sérieuse, sans bâcler le travail à faire ?

Quels seraient les fruits d’un refus ou d’interminables palabres, voire l’instauration d’une politique de la chaise vide face au destin de la Guinée ?

Par ailleurs, faut-il rappeler à cette classe politique, pour certains une vieille classe politique, que nous avons vu à l’œuvre, qu’elle est en grande partie comptable du marasme guinéen. Une situation dramatique accompagnée d’une dislocation du tissu social provoquée notamment par l’ethno stratégie, seule chose qu’ils ont eu à proposer au peuple de Guinée, pour diviser afin de mieux régner et préserver leurs petits privilèges au prix du sang des guinéens ?

Sommes-nous en mesure de demander, d’espérer, voire d’exiger l’émergence d’une nouvelle génération d’hommes politiques et de leaders compétents dont la Guinée dispose mais qui sont étouffés par les médiocres, car plus nombreux et prêts à tout pour préserver leurs petits intérêts égoïstes au détriment de ceux publics ?

De petits hommes qui se sont rêvés grands avec l’arrogance qui leur scies si bien et qui les caractérise. Beaucoup d’entre eux se sont réveillés avec une gueule de bois dans les prisons inhumaines à leur tour, où ils avaient parqué leurs opposants encore récemment. Réduits à l’état de prisonniers V.I.P mais interdits de quitter le territoire national même quand ils sont libérés sous caution faramineuse. Ils sont obligés de se soigner dans les hôpitaux mouroirs de la capitale qu’ils n’ont jamais voulu entretenir et développer pendant leur règne. Pour cause, pour un simple rhume , un billet d’avion classe affaire était payé aux frais de la princesse pour des soins à l’étranger, de préférence en Occident. Voyons donc, quel est le ministre ou le haut cadre de l’administration qui va aller se faire soigner dans un hôpital mouroir de Kaloum ou autre. Mais ne nous leurrons pas, il y’a tellement d’argent qui a été détourné par ces barons qu’ils sont en mesure de se payer les services d’un médecin français, américain ou autre, en le faisant venir en Guinée tous frais payés. Mais revenons à la transition…

Après tout, si nous sommes dans la situation de prise de pouvoir par l’armée, c’est aussi le résultat de l’échec des politiques civils. On pourrait même être tenté de dire que nous l’avons bien mérité, en langage plus populaire disons : C’est bien fait pour notre gueule. Ne dit-on pas que nous avons les chefs que nous méritons ?

Ainsi, nous voilà de nouveau face à ces rumeurs, menaces et intimidations de mettre les enfants dans la rue au nom d’un délai considéré contestable par ceux-là même qui n’ont cessé de faire des appels du pied aux hommes en treillis afin de renverser le régime de Körö. Un octogénaire qui est finalement tombé dans le piège de s’éterniser au pouvoir en tripatouillant la constitution. Délogé de son palais par de jeunes soldats de l’âge de ses « petits enfants », il est sorti par la petite porte de l’histoire.

Autant nous devons rappeler aux hommes en bottes noires, qu’ils sont certes le bras armé de la démocratie, mais nous devons aussi les tenir au respect religieux, qu’ils n’ont pas pour rôle d’exercer le pouvoir politique, ni de s’éterniser au pouvoir. À ce titre, une vigilance est nécessaire et les institutions nationales, sous-régionales et internationales y veillent d’ailleurs. Mais encore faut-il le faire avec raison gardée, sans désir de précipiter les choses au risque de mettre à nouveau les mêmes affairistes au pouvoir. Et, ce n’est pas les discours aux tonalités belliqueuses des uns et des autres qui vont nous garantir la paix et une transition réussie, qui est le souci de tous les guinéens assoiffés de justice et de démocratie. C’est pourquoi, nous ne devons pas nous laisser entraîner par les spécialistes de l’instauration d’instabilités sociales et politiques, pour noyer le poisson au bénéfice de ces opportunistes qui n’ont au fond qu’une seule visée, celle de s’approprier à nouveau la gamelle de la soupe. Ces gens qui veulent tout et son contraire mais en réalité, surtout pas le changement. La vie n’est-elle pas en elle-même prompt au changement ?

Qui peut croire que ce n’est pas le peuple de Guinée qui finira par l’emporter ?

Faut-il pour autant risquer de verser du sang d’innocentes victimes qui n’a que trop coulé déjà ?

Alors, oui au retour à l’ordre constitutionnel mais dans une démarche de refondation de l’État, du rétablissement de la justice et le souci de l’ordre républicain vers l’organisation d’élections libres, transparentes et inclusives, dans la concorde et la paix entre tous citoyens et citoyennes de Guinée, sans distinction, aucune.

La démocratie, c’est comment s’affronter sans s’entredéchirer !

Nous observateurs et citoyens ordinaires libres, sommes également conscients de l’existence de « factions » et de rivalités au sein de l’armée, c’est même le propre de l’armée guinéenne. L’histoire nous l’enseigne !

Un carnage n’est donc pas à exclure et il est même à craindre et, nous devons tous veiller et œuvrer à ce que cela n’arrive pas. Ceci n’arrive pas que chez les autres. Gouverner c’est anticiper. À bon entendeur …

Quant aux partis politiques exigeons qu’ils travaillent pour nous proposer des projets et des programmes de société, plutôt que de vouloir nous entraîner encore et encore vers la mal gouvernance que ces spécialistes de la zizanie et de la médiocrité érigée en modèle veulent perpétuer, en pinaillant au lieu de se mettre véritablement au boulot.

Nous souhaitons par exemple, des propositions concrètes sur l’éducation, la formation, la création d’emplois, le pouvoir d’achat, l’environnement et l’écologie, la réduction du train de vie de l’État et de l’armée, la construction des infrastructures routières, de l’électricité et de l’eau pour tous, une gouvernance transparente, la révision des grilles salariales des fonctionnaires, la construction d’hôpitaux dignes de ce nom et la formation de médecins qualifiés, des écoles d’excellence, une priorité et une valorisation de la formation technique et professionnelle, l’éducation de la jeune fille guinéenne, le respect strict des droits des femmes et la lutte contre les violences faites aux femmes, le soutien matériel et financier de l’agriculture et des agriculteurs, du travail et la santé pour tous, la solidarité, …etc.

À nos putschistes et les institutions de la transition (CNT, CNRD…), exigeons de travailler à assainir les instances publiques, de restaurer une justice forte, libre, impartiale et égale pour tous, de produire un fichier électoral incontestable, pour aller vers le retour de l’ordre constitutionnel dans les règles de l’art en la matière.

Aussi, rappelons à ces communicants de la petite semaine que la politique ne se réduit pas à la com ou à la manipulation des masses informes peu ou prou éduquées. En effet, des personnes vigilantes sont capables, par exemple, de décoder et mettre à nue les manipulations des symboles religieux et leurs mises en scènes, pour espérer l’adhésion aux ambitions des uns et des autres. Ces manipulations des croyances religieuses et spirituelles ne suffisent pas à répondre aux aspirations de bien-être des populations guinéennes.

Soulignons par exemple les images officielles concoctées par ces communicants qui ont circulées sur les réseaux sociaux et dans la presse :

– La photo du président Mamadi Doumbouya avec sa fille en tenue islamique (hidjab) lors de la fête de ramadan. Ceci n’engage que lui car la religion relève de l’intime mais nul n’est dupe. Cependant, rappelons qu’il est investi président de tous les guinéens, toutes obédiences confondues. Néanmoins, n’en déplaise à ceux qui ont des réactions d’urticaires dès qu’il s’agit d’aborder ces sujets avec raison, rappelons simplement que la Guinée est un pays laïque, du moins c’est ce qui a toujours été édicté par les différentes constitutions du pays. Ne soyons pas dupe sur ce point non plus ; Dieu et le glaive, nous connaissons la chanson !

– Soulignons aussi l’apparition du président en treillis lors de la prière chrétienne du pèlerinage national des chrétiens catholiques dans la ville de Boffa, en date du 30/04/2022. Nous avons donc vu sur photo et vidéo, un président soldat issu de la légion étrangère, un guerrier entrainé à tuer l’ennemi si nécessaire (chacun son métier) aux cotés de l’archevêque Monseigneur Vincent Koulibaly dans sa soutane et, donc un adepte du fameux « aimez-vous les uns les autres ». Nul besoin de polémiquer mais disons simplement qu’on peut y voir une matérialisation des paradoxes humains qui pourront peut-être éclairer tous ces dogmatiques prêts à en découdre avec ceux qui ne pensent pas comme eux. L’obscurantisme et la manipulation politique font souvent bon ménage.

Pour finir, rappelons que la devise de la Guinée ne doit pas rester de vains mots !

TRAVAIL – JUSTICE – SOLIDARITÉ

Stéphane Kaba

Conakry, le 8 mai 2022

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