Censure

Guinée. Quels savoirs pour performer notre système éducatif ? (Mohamed Lamine Dioubaté)

Dans les années 90, un très fort engouement avait été exprimé par les guinéens pour la scolarisation pour tous. Celui-ci se matérialisa par une forte augmentation des effectifs dans les écoles primaires, et aussi par de grands investissements humains, telle la construction de beaucoup d’écoles par les communautés locales, par l’Etat ainsi que par certaines ONG. Il  aurait été marqué aussi par une augmentation substantielle du nombre d’enseignants formés. Ce qui contribua fortement au développement rapide des écoles.

Paradoxalement, le constat est plus qu’amère aujourd’hui. Le système éducatif guinéen dans son ensemble est malade, très malade particulièrement dans ces dix dernières années. Les analyses montrent qu’il y a eu des réflexions judicieuses sur l’amélioration de ce système, mais celles-ci n’ont été que feux de pailles aux effets néfastes sur les apprenants qui sont les maillons faibles de la chaîne. Ce qu’il faut singulièrement retenir, c’est que l’évolution récente du système éducatif en Guinée s’est faite sur un rythme plus rapide et peu structurée, que celle des mentalités à aller vers la recherche de la connaissance, donc de la science. Cela s’explique tout simplement, par le fait qu’il y a eu décalage entre la demande sociale et l’offre éducative, entre les aspirations de certains enseignants et la réalité du métier sur le terrain. Que dire du rôle des politiques qui ignorent complètement les grands enjeux de l’éducation. Ils sont juste concentrés sur la chose politique, s’abreuvant dans une médiocratie et niaiserie omniprésentes à tout vent.

Pourtant, l’éducation et la santé, particulièrement dans leur volet enseignement restent un métier attractif et stable. Il permet non seulement de rester actif dans un domaine de savoir que l’on aime, mais également de nous mettre en interrelation avec les jeunes qui viennent pour apprendre. Ce qui est réel en Guinée, le plaisir d’enseigner existe. Tout comme le plaisir d’apprendre existe aussi. Mais ce qui n’existe pas, c’est la volonté politique et nationale qui a fui le camp.

Le manque de rigueur et de pédagogie sérieuse fait que les réformes sont bâclées, celles qui sont mises œuvre souffrent de suivi et d’évaluation. Cela a conduit à une débandade totale des acteurs dans le système éducatif guinéen. Et les supers puissants Ministres qui viennent à la tête des Départements s’arment de toutes sortes de fusils contre les jeunes. Ceux qui sont aux commandes depuis un moment, et qui continuent de surfer sur les traces de leurs prédécesseurs, en ne produisant rien de nouveau montrent encore une nouvelle facette de la médiocratie autoritaire. Pauvres élèves, vous qui êtes là pour apprendre, je plains votre sort. Vous êtes juste victimes de votre positionnement sur la chaîne, prenez conscience et apprenez. Des examens nationaux bien qu’ils soient complexes, ne sont pas organisés pour aigrir le goût du savoir et de la connaissance chez les enfants. C’est juste une évaluation qui devrait leur permettre de mesurer leur niveau de connaissance sur une année scolaire. Et en cas d’échec, qu’ils aient le courage de reprendre les études, mais pas à les sanctionner indéfiniment, pire aller en prison. Quelle honte!

Malheureusement, ce qui arrive dans un système infesté, quand les médiocres arrivent aux commandes, ils n’acceptent plus que les autres soient sur eux. Ils continueront à assoir leur pouvoir sur le cadavre de ceux qu’ils devraient protéger. L’école est un service public, ce qui veut dire que l’Etat doit jouer son rôle dans la promotion du savoir et du savoir-faire. Mais ce que ces décideurs oublient, c’est de comprendre que les époques ont changé et que les techniques d’enseignement changent progressivement avec le temps. Qu’est-ce que vous avez fait pour performer les jeunes ? En Parlant de pédagogie, l’on continue à enseigner de façon morne et glacée la science aux jeunes, non pas pour la vie, mais pour des gains personnels. En oubliant de s’intéresser à leur centre d’intérêt personnel. C’est dur qu’après plus d’une décennie de constat sur le système éducatif guinéen, que les enseignants et les parents continuent d’être flagellés comme seuls responsables de la débâcle du système.

Et pourtant, ce sont eux qui se battent du jour au jour, pour maintenir le cap. Nombreux sont des parents aujourd’hui qui paient la facture lourde des frais scolaires dans des  écoles qui ne valent pas la peine. Où est l’Etat pour un suivi de qualité des services scolaires ? Qui recrutent ces enseignants que vous critiquez sans cesse dans les médias ? Vous connaissez tous la réponse à ces questions.

Soyez sérieux et ayez un peu de jugeote pour analyser les faits. Montrez plutôt aux jeunes, que vous pouvez, vous aussi essayer de moderniser les outils de l’Ecole, d’en améliorer les techniques pour changer progressivement les rapports entre l’Ecole et la vie, entre les enfants et les maîtres, de façon à adapter ou à réadapter au milieu, pour un meilleur rendement des efforts communs. Quels savoirs de référence enseigner aux jeunes ? Ici, il faut profondément réfléchir sur trois axes de solutions ;

  1. Travailler à approfondir les savoirs liés à la (aux) disciplines de l’enseignement. Ils sont indispensables à l’amélioration de la qualité de l’éducation.
  2. S’investir à mieux intégrer les savoirs de références issus des sciences de l’homme, particulièrement des sciences de l’éducation et de l’épistémologie. Ils permettent d’accumuler une pléiade de connaissances dans divers domaines à la fois plurielle et singulière.
  3. Faire en sorte de valoriser les connaissances appropriées au fil de l’expérience personnelle et professionnelle. L’importance de ces savoirs est multiple et donne des significations claires qui contribuent à construire des modèles de compréhension et de pratique.

Tous ces éléments concourent à la recherche de la qualité en milieu éducatif. Ils constituent l’ensemble des mesures qu’il faut mettre en place pour donner une formation de qualité aux enfants, afin qu’ils puissent être compétitifs ici et à ailleurs. Un système de qualité se base généralement sur l’encadrement rapproché entre les élèves, les enseignants, et la communauté. Et aussi par la spécialisation et le professionnalisme des formateurs. Encore une fois de plus, le programme doit être réadapté à la modernité. Bref, il faut que l’Etat ait la volonté de changer, qu’il mette dans son agenda la nécessité de réforme du système éducatif, parce que le développement d’un pays commence par la formation de son capital humain.

Mohamed Lamine Dioubaté, Ph.D.

Sociologue/Enseignant-Chercheur/Education | Université Général Lansana-Conté-Sonfonia-Conakry.

Télé : +224625586262
dioubateml@hotmail.ca

 

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