Jeudi 28 juillet 2022, jour de manifestation appelée par le Fndc et soutenue par l’Ufdg et l’UFR notamment. Jusqu’aux environs de 10h et 11h, Conakry était calme. L’appel à manifester n’avait pas été véritablement suivi. Après 11h, constatant le manque de mobilisation, les leaders du Fndc tentent avec succès de rejoindre Bambeto pour encourager les jeunes à sortir dans la rue. Cela sera suivi d’effet. Les jeunes commencent aussitôt à occuper quelques ronds-points dont celui de Bambeto. Alors que la manifestation était initialement prévue sur l’autoroute Fidel Castro et par ailleurs interdite, elle se passera finalement sur l’axe Hamdallaye-Bambeto-Cosa-Sonfonia, connu comme le fief de l’opposition et le bastion de l’électorat de l’Ufdg.
Le Fndc justifie son appel à manifester par le refus du CNRD d’organiser un cadre de dialogue inclusif et surtout et c’est la principale revendication, le retour rapide à l’ordre constitutionnel. Par le passé, le Fndc avait tenté de faire pression sur le gouvernement pour la nomination d’un médiateur de la Cedeao, une demande à laquelle les militaires ont finalement accédé. L’ex Président béninois, Thomas Boni Yayi, nommé médiateur de la Cedeao pour la Guinée, a effectué un déplacement à Conakry le 19 juillet suivi de Umaro Sissoco Embaló, président en exercice de la conférence des Chefs d’Etat de la Cedeao le 20 juillet 2022.
Le gouvernement de transition a fait des efforts pour organiser un dialogue
Sous l’égide du Premier ministre Chef du gouvernement, un cadre de dialogue a été mis en place et auquel les représentants du Fndc et des leaders politiques avaient pris part. Le Premier ministre Mohamed Béavogui était de bonne foi, c’est le ministre Mory Condé qui a joué au petit esprit en s’opposant ouvertement à la démarche du Premier ministre consistant à écouter et entendre les acteurs politiques et de la « société civile ».
Des efforts sont donc faits pour rapprocher les points de vue divergents entre le gouvernement, les acteurs politiques et les leaders de la société civile. Ces efforts, quoique pétard mouillé, méritent d’être soulignés.
Les revendications du Fndc sont louables. Elles devraient permettre le renforcement du dialogue et la convergence des intérêts communs. Il est aussi à encourager que la démocratie respire et s’exprime par les prises de parole civilisées et les manifestations autorisées. Il ne devrait pas y avoir d’un côté des organisateurs de manifestation (dont la posture commence à interroger) ayant introduit des demandes d’autorisation de manifester et au demeurant refusées, de l’autre côté une autorité administrative qui tente de faire respecter la loi et d’empêcher des troubles à l’ordre public que la Guinée n’a que trop longtemps connus.
Le Fdnc fait dans la défiance et montre des muscles qu’il n’a pas
Le discours du Fdnc est clairement celui de la défiance. Il fait montre d’une volonté d’en découdre. Or, aucune organisation et aucun mouvement avec de tels agissements ne devrait prospérer dans un pays. La Guinée traverse une période transitoire dite d’exception mais elle reste un pays doté de lois et des principes toujours en vigueur et auxquels tout le monde est soumis et chacun se doit de les respecter scrupuleusement.
Suite à l’appel du cabinet d’avocats français pour tenter d’influencer les militaires et payer pour cela, les liaisons dangereuses avec l’Ufdg dont le leader est attendu à la Crief et qui risque une inéligibilité du fait d’une probable condamnation, les frustrations d’Oumar Sylla dit Foniké Menguè après que sa candidature à la présidence du CNT a été rejetée pour son faible niveau, une interrogation demeure. Le Fdnc est-il conscient qu’il fait le jeu d’autres acteurs qui souhaitent purement et simplement un nouveau coup d’Etat et donc un nouveau régime en leur faveur ? Le Fdnc est foncièrement illégal et n’a pas à s’affranchir des lois de la République pour servir d’autoroute de déstabilisation de la Guinée. Beaucoup de guinéens l’ont soutenu dans son noble combat de lutte contre le 3e mandat d’Alpha Condé. Qu’en est-il aujourd’hui ? En dehors de l’axe précédemment cité et acquis d’office à l’opposition, les guinéens des autres localités, communes et régions sont probablement lassés. C’est une manifestation de trop.
Morts, blessés, enfants manifestants, la grande part de responsabilité du Fndc
Le Fdnc a une grande part de responsabilité dans les événements en cours et qui risquent de s’enliser. D’abord, sa responsabilité morale est engagée du fait de laisser des enfants de 10 à 15 ans braver, jeter des pierres et injurier les forces de l’ordre. Des enfants sacrifiés sous l’autel d’un combat partisan, loin d’avoir l’adhésion populaire ; ils sont en train d’être formés à l’incivisme et cela est très regrettable. Ensuite, le décompte des morts comme le faisait l’opposition est cynique et démontre quelque part qu’il s’agit d’un probable objectif visé qui semble avoir été atteint. Le Fndc n’est pas le peuple. Enfin, il ne peut jamais y avoir deux commandants dans un bateau. Le Fndc n’a aucune injonction à donner et aucun ultimatum à imposer au CNRD mais une demande à formuler. Le Fndc n’est pas un parti politique, pas une ONG ou une association légalement constituée et encore moins une plateforme de la société civile qui existerait en tant que telle.
Mamadi Doumbouya a une qualité dont on parle peu. Il écoute beaucoup. Il n’a aucune envie non plus de s’accrocher au pouvoir alors qu’il aurait malheureusement pu le faire. Cela, en annonçant les couleurs dès le 5 septembre 2021. Les travaux de la Crief même critiquables sont une belle avancée. Ils ont montré le niveau de détournement et de corruption dont souffre la Guinée. Ils ont également mis en lumière la nécessité pour beaucoup d’hommes politiques de s’accrocher à des partis politiques pour éviter des poursuites judiciaires et qui pourraient s’apparenter à une chasse aux sorcières. Les militaires débarrassent le pays des bandits à col blanc qui ont saigné financièrement la Guinée et qui sont devenus riches en entretenant des millions de personnes dans la pauvreté. Pourquoi se presser et organiser des manifestations quand des négociations sont en cours avec les partenaires de la Guinée ?
A vouloir toujours jouer la carte des mains invisibles qui luttent pour leur survie politique et se bomber la poitrine en arguant avoir réussi l’instabilité, le Fndc a créé un sentiment de désamour. C’est un mouvement qui ne fait plus rêver et qui devient au gré des événements une partie du problème à la crise actuelle dont il est tout à fait comptable. Rien ne justifie une telle violence.
Les quatre morts dont parle le Fndc méritent que justice leur soient pleinement et rigoureusement rendus. Que les coupables, les commanditaires et tous ceux qui sont impliqués d’une manière ou d’une autre, soient également traduits devant le prétoire du juge. La Guinée n’est pas une jungle où chacun peut régner selon son bon vouloir. Des enquêtes sérieuses et approfondies doivent être diligentées pour comprendre le ressort de la manifestation du 28 juillet et son mobile. Les services de renseignement domestique et extérieur sont à mobiliser à cet effet.
Manifester pour le retour rapide à l’ordre constitutionnel alors qu’au même moment une médiation est en cours et la Cedeao s’est félicitée de sa dernière visite en Guinée, est irresponsable et condamnable avec fermeté. Le fndc développe un esprit d’arrogance alors que sa capacité de mobilisation est interrogeable.
Il y a une fatigue et une lassitude chez les guinéens à regarder impuissamment leur pays sombrer dans l’instabilité et faire la Une des médias internationaux de manière dégradante. Le changement doit être courageusement opéré. Que le vent de la transition touche les quatre coins de la Guinée.
Kossa CAMARA
Consultant en Communication